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Hangars photovoltaïques « gratuits » : prudence !

Certaines sociétés proposent une offre tentante… Mais avant de vous engager et de verser de l’argent, il est indispensable de faire analyser le protocole proposé par un juriste.

Sur le papier, le principe est simple. L’agriculteur propriétaire d’un terrain le loue ou le met à disposition de la société qui y construit un (ou des) bâtiment(s) avec une toiture photovoltaïque. Le bâtiment — structure métallique, charpente et toiture — est financé par des investisseurs qui se rémunèrent par la vente de l’électricité. Restent à la charge de l’agriculteur le terrassement, le bardage, les aménagements intérieurs et les frais liés aux aspects administratifs (permis de construire, établissement du bail…). Le bâtiment, propriété de la société, est mis à disposition de l’agriculteur par un bail de longue durée, 20 ans au minimum, correspondant à la durée du contrat d’achat de l’électricité par EDF. À la fin du bail, le bâtiment revient gratuitement ou pour un euro symbolique à l’agriculteur. Une proposition tentante…. « Mais les agriculteurs doivent être vigilants par rapport au protocole d’accord proposé, surtout si on leur réclame dès le départ des frais administratifs ou de dossier élevés, de l’ordre de 7000 à 10000 euros, voire plus si plusieurs bâtiments sont prévus, explique Isabelle Hascoet, référente solaire photovoltaïque pour les chambres d’agriculture de Bretagne. En Bretagne, plusieurs dizaines d’agriculteurs ont signé ce type de protocole, versé de l’argent et deux, voire trois ans après, n’ont toujours pas de bâtiment. »

Les protocoles d’accord proposés sont trop imprécis

Le ((Un)) phénomène est également observé dans d’autres régions. « S’il nous est impossible de chiffrer précisément le nombre d’agriculteurs concernés, nous avons effectivement des remontées de ce type venant de toute la France », reconnait Philippe Touchais, chargé de mission énergie à l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture.

« Suite à ces échos, nous avons regardé d’un peu plus près le contenu de certains de ces protocoles, explique Isabelle Hascoët. Et le constat est sans appel. « Ils sont trop imprécis et ne sont pas suffisamment sécurisés pour les agriculteurs. Il n’y a notamment pas d’engagement sur la durée d’aboutissement du projet ni même de garantie qu’il aille au bout. » Un avis partagé par l’Apepha, association regroupant près de 300 agriculteurs producteurs d’électricité photovoltaïque présents sur une trentaine de départements. Pour Pascal Chaussec, éleveur laitier finistérien président de l’association, « l’analyse par un juriste montre qu’un certain nombre de points peuvent donner lieu à toutes les interprétations et donc potentiellement à des abus. »

Ne rien signer au premier rendez-vous

Tous les interlocuteurs contactés font la même recommandation : l’agriculteur qui reçoit une proposition de ce type où on lui demande de verser dès le départ une somme d’argent conséquente, doit être très vigilant et ne rien signer avant d’avoir eu l’avis d’un juriste sur le contenu de l’accord proposé. « Il ne faut rien signer au premier rendez-vous. »

« Par ailleurs plusieurs éléments nous interpellent, ajoute Isabelle Hascoët. Les sociétés qui proposent ce type d’offre ont annoncé vouloir construire de nombreux bâtiments. Mais compte tenu des modalités et tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque, nous redoutons que tous les projets ne permettent pas de dégager une rentabilité suffisante pour un investisseur, notamment au nord de la Loire. Seules certaines situations, avec notamment des coûts de raccordement réduits, devraient le permettre. Or, il ne semble pas que ces sociétés se préoccupent de ces éléments lorsqu’elles proposent un protocole d’accord. On peut donc légitimement se poser la question de savoir si tous les bâtiments promis seront effectivement construits."

Vérifier la solidité de l’entreprise

« De plus, les projets sont parfois importants avec des bâtiments de plus de 1000 m2, ce qui peut poser question quant à l’obtention du permis de construire. » Une surface de bâtiment jugée trop importante par rapport aux besoins de l’exploitation peut en effet être un motif de refus du permis de construire. « Dans ce cas, si l’agriculteur veut espérer récupérer au moins une partie de l’avance versée, bien supérieure au coût d’un permis de construire (1000 et 1500 €), il faut que ce soit prévu au contrat."  Dernière recommandation: "l’agriculteur contacté par une société qui n’a pas 'pignon sur rue' dans la région a tout intérêt à vérifier la solidité de l’entreprise en question (durée d’existence, capital social…), ne serait-ce qu’en allant consulter sa fiche d’identité sur un site d’informations gratuit sur les entreprises, mais aussi ses références en matière d’installations photovoltaïques. Combien de réalisations l’entreprise a-t-elle à son actif, où ces bâtiments peuvent-ils être vus ? Certaines de ces sociétés se disent partenaires de la chambre d’agriculture. Je tiens à préciser que nous n’avons aucun partenariat avec aucune société. »

Bâtiments avec tiers investisseur : les points à vérifier avant de signer

- Qui sont les investisseurs ? Quelle est leur solidité financière ? 

- Y a-t-il un engagement sur les délais de réalisation ? Que se passe-t-il s’ils ne sont pas respectés ? L’agriculteur peut-il retrouver la liberté d’utiliser sa parcelle à sa guise si les délais sont trop longs ?

- Quels sont les droits et obligations des parties en matière d’entretien, d’utilisation de l’installation photovoltaïque et du bâtiment. L’agriculteur peut-il y faire tous les aménagements qu’il souhaite ? Y-a-t-il des activités interdites ? Le stockage de fourrage, notamment, n’est généralement pas possible sous ce type de bâtiment car les assureurs estiment le risque d’incendie trop élevé.

- Au niveau des assurances : qui assure quoi ? Quelle est la responsabilité de chacun en cas de sinistre et quelle assurance complémentaire l'agriculteur doit-il souscrire ? Que devient le bâtiment en cas de sinistre important entraînant sa destruction totale ?

- Les aspects fiscaux sont également à prendre en compte. Pour éviter les plus-values éventuelles lorsque le bâtiment reviendra à l’agriculteur, le bail doit être de 30 ans au minimum. En fonction de l’âge de l’agriculteur, sera-t-il encore en activité ? Que se passe-t-il en cas de cession de l’exploitation ? 

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