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"Garder la maîtrise des charges est capital"

Stéphane Luet s’est installé sur l’exploitation familiale, dans le Maine-et-Loire. Pour lui, l’avenir passe par une bonne connaissance de ses chiffres et par une ouverture sur l’extérieur.

J’ai deux frères et une sœur qui n’ont pas voulu s’installer sur la ferme. Mon projet a toujours été de m’installer sur la ferme familiale, mais je voulais avoir d’autres expériences avant", lance Stéphane Luet, installé avec son père et sa mère en mai 2015, à Noyant la Gravoyère, dans le Maine-et-Loire. Au cours de son BTS, il réalise son stage à l’étranger en Nouvelle-Zélande, sur une ferme de 500 vaches. "En France, c’était la crise (de 2009), on parlait baisse des charges, et j’ai voulu aller voir un système très herbager à bas coût." Puis, pendant cinq ans, Stéphane cumule d’autres expériences professionnelles dans des fermes expérimentales. Le Gaec, déjà herbager, le deviendra davantage suite aux retours d’expérience de Stéphane.

Pour son installation, Stéphane prend les 200 000 litres de volumes attribués par Lactalis en deux ans, qui s’ajoutent aux 450 000 litres de l’exploitation familiale. Ses parents avaient anticipé en achetant une salle de traite d’occasion en 2013 : passage d’une 2*4 à une 2*8. Le projet de Stéphane est d’augmenter la surface en prairie pour pâturer davantage, gagner en autonomie fourragère et réduire les coûts. Il faut donc trouver des terres, d’autant plus que 20 hectares (sur 100 ha) ont un statut très précaire. En septembre 2014, une ferme se libère à 3 km de celle de ses parents, avec 40 ha et une maison d’habitation. De onze candidats au départ, finalement neuf postulent auprès de la Safer. "La Safer a fixé le prix à 5 000 €/ha. Si la Safer n’existait pas, les terres seraient allées au plus offrant, et je n’aurai pas pu m’installer." Fin janvier 2015, Stéphane obtient le feu vert de la Safer. Le 1er mai 2015, son installation est officielle.

Un GFA et un emprunt foncier sur vingt-cinq ans

Pour autant, il ne peut investir seul. D’où la création d’un GFA avec ses parents pour acquérir le foncier. Le projet d’installation comprend aussi deux aménagements de bâtiment (75 000 euros). Ainsi que l’achat d’un télescopique d’occasion. En tout, cela représente environ 300 000 euros d’investissement. Pour Stéphane, le ticket d’entrée est sa part du GFA (72 000 euros) et sa part du capital du Gaec (34 000 euros). Celui-ci avait été réévalué, à sa valeur économique.

"Les conseillers m’ont mis en garde par rapport à mon niveau d’annuités", se souvient Stéphane. Quand il prépare son projet d’installation à l’automne 2014, le prix du lait commence à baisser, et l’hypothèse retenue dans le PDE (Plan de développement de l’exploitation) est une référence basse, à 320 €/1 000 l. Pour le blé, 160 €/t à 70 q de rendement. Les encours de l’exploitation étaient déjà relativement élevés. "J’ai suivi une formation de la chambre d’agriculture pour réaliser mon PDE en autonomie. Cela m’a permis de bien connaître mes chiffres, mes besoins fourragers, cela m’a donné des arguments solides pour défendre mon dossier auprès de la Safer et des banques. J’avais prévu l’emprunt pour l’achat des terres sur quinze ans. On m’a conseillé de demander une durée de vingt-cinq ans. La banque a accepté, parce que l’investissement était porté par le GFA."

Traire trois fois par jour pour assurer l’EBE

L’objectif du Gaec est de maximiser le produit et de maîtriser les charges pour assurer l’EBE. "Ici, avec de bons taux (34,5 de TP et 40,5 de TB) et une bonne qualité du lait, notre lait est payé environ 40 euros de plus que le prix de base. Pour avoir des taux et des vaches plus économes, nous faisons du croisement." A l’installation de Stéphane, 12 ha de prairie ont été implantées près de la stabulation et 4 ha sur un site éloigné. La production est sécurisée avec le maïs et les fauches précoces d’herbe. La maîtrise des coûts passe aussi par du travail en Cuma et de la délégation à l’ETA. C’est aussi savoir bien acheter. "Je suis les prix sur internet et quand c’est bas, je bloque un contrat. Je fais ce travail pour le tourteau, les engrais, les semences… Aujourd’hui avec internet, on a la chance de pouvoir comparer, suivre les prix, acheter, assez facilement."

En 2016, le rendement blé et le prix ont manqué. "Le prix du lait 2016-2017 (326 euros) était à notre prix d’équilibre, mais il fallait du coup assurer le volume. Surtout qu’en février et mars, le prix était un peu meilleur que les autres mois chez Lactalis. Or, avec un maïs pas terrible, le rendement laitier des vaches avait baissé. Nous avons donc complémenté un peu plus (+ 7 % de correcteur et concentré) et trait trois fois par jour. Ça a payé, notre objectif d’EBE est atteint : 132 200 euros sur la période juillet 2016-juillet 2017."

À la retraite des parents, réduire peut-être la production

Enfin, pour rester en veille sur l’extérieur, Stéphane fait partie d’un groupe lait de dix jeunes, animé par la chambre d’agriculture, avec des systèmes de production très différents. "Je fais aussi partie du comité jeunes observateurs du conseil d’administration de la caisse locale du Crédit agricole. J’y rencontre d’autres professions."

Dans sept ou huit ans, les parents de Stéphane partiront en retraite. "J’espère pouvoir trouver au moins un nouvel associé. Mais je ne m’associerai pas coûte que coûte. Si je reste seul, il faudra que je réduise mon volume de production, même si je prends un salarié. Je dois garder de la souplesse pour prendre les bonnes décisions, et pour continuer à maîtriser les coûts de production."

Côté éco

Installé en mai 2015

300 000 euros d’investissement

320 €/1 000 l : prix du lait payé en 2015-2016

45 % d’EBE/produit

78 % de taux d’endettement

Le message de Stéphane Luet

"Apprendre à gérer la trésorerie est quelque chose qui manque encore dans la formation initiale et le parcours à l’installation. La banque m’a incité très vite à suivre ma trésorerie. J’ai donc demandé une formation à la chambre d’agriculture, mais à l’époque, je n’en ai trouvé que dans mon département voisin, en Ille-et-Vilaine. Suivre ma trésorerie m’aide à me projeter, à dire à mes fournisseurs quand je pourrai les rembourser ; ça les rassure."

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