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Formez-vous à la prévision et au suivi de trésorerie

L’outil Trésolait proposé par les chambres d’agriculture est le plus abouti pour anticiper les tensions de trésorerie et aider aux décisions de gestion… Il permet de réaliser une prévision sur un an, mois par mois. Six étapes sont préconisées pour bien remplir cet outil.

« Avec les paies de lait qui diminuent et les échéances de paiement qui continuent de tomber, ce n’est pas facile de savoir où l’on va en termes de trésorerie, témoigne une éleveuse lors d’une récente session de formation sur la gestion de trésorerie organisée par la chambre d’agriculture du Morbihan. C’est pour y voir plus clair dans le contexte actuel et découvrir concrètement un outil de prévision de trésorerie que je suis venue. » « Je fais déjà un budget prévisionnel sur quelques mois en recensant les dépenses et les recettes sur papier, mais je voudrais davantage anticiper les fluctuations en amont et mieux formaliser les choses », ajoute une autre exploitante.

« L’originalité de l’outil que nous avons développé par rapport à l’approche classique des centres comptables est de proposer une prévision et un suivi mensuels », affirme Isabelle Pailler, conseillère lait à la chambre d’agriculture du Finistère qui a contribué à la création de Trésolait. Ce programme a été conçu en 2009 pour répondre à la demande d’éleveurs souhaitant disposer d’un outil simple leur permettant de suivre leur trésorerie. Et surtout d’anticiper son évolution. « Établir un calcul annuel du solde de trésorerie a peu de sens. En matière de trésorerie, l’enjeu est de bien visualiser où se situent les « trous » dans l’année. Une exploitation peut très bien afficher un solde de trésorerie annuel à l’équilibre mais vivre une situation très tendue la moitié de l’année. » Parfois des choses simples permettent de redonner du souffle à sa trésorerie et de modifier l’allure générale de la courbe. « Mais encore faut-il réaliser en amont ce prévisionnel pour être en mesure d’actionner les bons leviers au bon moment. »

L’exercice s’effectue en deux temps : une phase d’élaboration du prévisionnel une fois par an, et une phase de suivi, réalisée chaque mois à partir des relevés de compte.

1- Choisir la date du début de la prévision

L’outil se présente sous la forme de feuilles de calcul d’un tableur excel, liées les unes aux autres. Un onglet spécifique est consacré à chaque rubrique : recettes, dépenses, prêts et investissements, trésorerie prévisionnelle, suivi mensuel, point d’équilibre… « Ce qui est intéressant, c’est que la saisie d’une bonne partie des informations s’appuie sur la conduite au jour le jour de l’exploitation : les livraisons mensuelles de lait, sa qualité, la consommation de concentrés au mois le mois, les quantités d’engrais à commander… », précise Geneviève Lamour de la chambre d’agriculture du Morbihan, qui anime la session.

Avant tout, il faut déterminer quand démarrer la prévision. Certains éleveurs préfèrent se caler sur la campagne laitière, d’autres sur leur date de début d’exercice comptable. Libres à chacun de choisir la formule qu’il préfère.

2- Enregistrer les recettes prévisionnelles

La première étape consiste à enregistrer les recettes et les dépenses prévues sur l’année, de façon à ce que le logiciel calcule, à partir du solde bancaire de début de période, le montant de trésorerie disponible ou du déficit. Dans la pratique, l’enregistrement des recettes et dépenses hors taxes est réalisé à partir des documents techniques de l’exploitation et du grand livre comptable de l’année précédente.

Commençons par les recettes. Il y a quatre rentrées d’argent possibles : les ventes de lait, d’animaux, de cultures de vente, et les autres recettes liées aux aides (PAC, MAE…) et à la TVA. Dans le prévisionnel, les montants sont mentionnés en hors taxes, le montant de la TVA étant calculé automatiquement.

En fonction du volume à produire sur l’année, on estime pour chaque mois de l’année les volumes A et B (facultatif) que l’on pense produire et à quels prix, en précisant les taux et l’incidence qualité. « Pour la qualité, on peut partir des données moyennes de l’année précédente par exemple en ajustant si la situation a évolué. Pour le prix du lait, l’exercice n’est pas évident. Tout dépend de l’entreprise, mais nous proposons de partir avec une hypothèse de prix de base à 285 euros sur le premier semestre. »

Pour les ventes d’animaux, les effectifs de vaches, génisses et veaux sont à répartir sur l’année en fonction des vêlages attendus. Il est possible de raisonner, au choix, sur la base du poids et du prix au kilo de carcasse, ou sur un montant moyen par animal. Les ventes de cultures de vente nécessitent de connaître les surfaces emblavées et d’estimer un rendement et un prix de vente. « N’oubliez pas de soustraire les volumes autoconsommés et de noter le montant des éventuels premiers acomptes qui seront versés. » Restent enfin à noter les aides à percevoir et la TVA à récupérer selon l’option choisie (annuelle ou trimestrielle). Pour en estimer le montant, on peut se baser sur celui de l’année précédente en ajustant au besoin.

3- Récapituler les dépenses prévisionnelles

« Si l’exploitation est en régime de croisière, l’exercice est assez simple. Il suffit de passer les comptes 6 du Grand livre au peigne fin. Les choses se corsent si l’exploitation est en phase d’évolution. Cela implique d’ajuster les effectifs et le niveau des dépenses proportionnelles. Il ne faut pas hésiter à réactualiser ses chiffres et chercher à se situer par rapport à la moyenne. » Chaque montant est saisi mois par mois à la date de paiement réel, et non de facturation. Pour les concentrés, il est possible de détailler les quantités de chaque aliment à distribuer par catégorie d’animaux, à chaque saison. Un coût de concentrés (ramené à la vache ou aux 1 000 litres) peut ainsi être calculé par période.

Restent ensuite à compléter les dépenses fixes telles que les assurances, les frais de gestion, les fermages… qui sont souvent plus faciles à estimer ; et les dépenses personnelles liées aux prélèvements privés (réguliers et exceptionnels) et au paiement des cotisations MSA.

« Plus les éléments de la prévision sont complets, plus elle aura de chance de s’approcher de la réalité. Même s’il y a des choses que l’on ne maîtrise pas. De nombreux facteurs jouent en effet sur la trésorerie d’une exploitation et il est impossible de tout prévoir un an à l’avance. »

4- Saisir tous les emprunts

L’échéancier des emprunts existants est à enregistrer ligne par ligne. La prévision intègre aussi des éléments plus prospectifs comme les achats et investissements prévus sur l’année et leur mode de financement. Le montant, la durée, le taux, le type d’échéance (mensuelle, trimestrielle…) est à préciser, ainsi que les dates de déblocage des prêts. En cas d’autofinancement, il faut aussi mentionner le montant des dépenses pour investissements. Sans oublier non plus celui des ventes de matériel et subventions éventuelles à percevoir. Tout mouvement d’argent vers un compte épargne est aussi à enregistrer.

5- Suivre l’EBE prévisionnel

À partir de tous ces éléments, le programme dresse un tableau de synthèse des flux entrants et sortants, mois par mois et, pour faciliter la lisibilité, un graphique d’évolution du solde de trésorerie sous forme d’histogramme (cf. graphique).

Trésolait calcule également un EBE prévisionnel à partir de tous les produits, charges opérationnelles et frais généraux renseignés, ainsi qu’un prix d’équilibre prévisionnel.

6 - Assurer le suivi mensuel

Une fois le prévisionnel établi, il reste à assurer un suivi mensuel à partir du relevé bancaire. À cette étape, les recettes et les dépenses réelles sont reportées en TTC dans l’outil. Ce dernier calcule alors les écarts par rapport à la prévision et complète le graphique de trésorerie. « Le fait d’entrer le solde de départ et de fin de mois permet de vérifier qu’on n’a pas oublié de ligne. »

Trésolait permet aussi de suivre, au mois le mois, un certain nombre de critères techniques et économiques, à travers des graphes présentant les livraisons cumulées, les taux, le prix du lait, des réformes et des veaux.

Autre possibilité : suivre l’EBE mensuel cumulé. « Chaque mois, les éleveurs peuvent visualiser la part d’EBE annuel prévisionnel qu’il ont réalisé. »

Exemple graphique Trésolait (en illustration principale) + Commentaires

En savoir plus

Trésolait est disponible gratuitement partout en Bretagne et, sur demande, partout en France, sous réserve de suivre une formation de deux jours. La première journée est consacrée à la prise en main de l’outil et la réalisation de la prévision. Quinze jours plus tard, une seconde journée permet de faire le point sur les difficultés éventuelles et mettre à jour le suivi mensuel. Chaque participant travaille sur ses propres chiffres à son rythme et repart à la fin avec ses prévisions de trésorerie et de résultat. Une vingtaine de sessions ont déjà eu lieu depuis la création de l’outil. Renseignez-vous auprès de votre chambre d’agriculture.

L’outil évalue aussi la capacité de résistance

PENDANT Combien de mois la perte de trésorerie peut-elle être compensée ? Et quelles marges de manœuvre peut-on actionner ?

À l’instar de ce que réalisent les PME, Trésolait permet de mesurer en nombre de mois la capacité de résistance d’une entreprise à la volatilité du prix du lait. « L’idée est de comparer le prix d’équilibre prévisionnel — seuil au dessous duquel la trésorerie se dégrade — au prix du lait payé, et de voir l’impact sur le solde de trésorerie annuel et mensuel, en prenant différentes hypothèses de prix du lait », présente Isabelle Pailler de la chambre d’agriculture du Finistère. Si, malgré l’exploration de différentes pistes bancaires, la trésorerie continue sa dérive, il faut s’interroger sur les trois autres ressources possibles. Peut-on réinjecter de l’épargne disponible ? Peut-on mobiliser des capitaux propres ? Peut-on jouer sur le niveau de dettes fournisseurs ? « Cette dernière solution peut aider à passer un cap difficile, mais elle s’envisage dans des limites acceptables. »

Jouer sur les capitaux propres mobilisables

« Pour renforcer la capacité de résistance, demandez-vous s’il est envisageable, pendant un certain temps, de prélever plus que l’exploitation ne rapporte ? Autrement dit, puis-je me permettre de disposer de moins de capitaux propres à la fin qu’au début de l’exercice ? Dans les sociétés, cela équivaut à réduire le niveau des comptes-associés. Ce n’est ni plus ni moins ce qui se produit lorsqu’un exploitant vend un matériel ou des vaches », illustre la conseillère. Reste dans ce cas à définir jusqu’à quel stade on peut se permettre de décapitaliser. Selon l’exploitation, son taux d’endettement, l’âge de l’exploitant et l’efficacité économique, la réponse sera différente.

« J’utilise Trésolait en routine depuis 2009 »

Pierre-Yves Tanné, dans le Finistère réalise chaque année une prévision de trésorerie. Un suivi qui le rassure et l’aide dans la maîtrise de ses charges.

« Pas besoin d’être un crack en informatique pour utiliser Trésolait, rassure Pierre-Yves Tanné, installé à Bodilis dans le Finistère, et à la tête d’un troupeau de 80 vaches. C’est surtout le fait de rentrer tous les chiffres dans le fichier la première année qui se montre fastidieux et gourmand en temps. Les années suivantes, cela va. D’une part, on est plus efficace car on connaît l’outil, et d’autre part, chaque nouveau prévisionnel est pré-rempli à partir des saisies de l’année précédente. » Pierre-Yves cale sa prévision sur l’année civile, comme sa comptabilité. En janvier, tous les chiffres réels de l’année écoulée sont en effet rebasculés et servent de base à son nouveau prévisionnel. « Je pratique ainsi car je suis en régime de croisière. »

Conserver les résultats de l’année écoulée comme base de travail

Chaque début de mois, Pierre-Yves saisit ses dépenses et ses recettes à partir de son relevé de compte. « Cela me prend une demi-heure par mois. Je compare ainsi les chiffres par rapport à l’année précédente. Je regarde notamment l’évolution du prix des réformes le montant des factures mensuelles d’aliments… C’est un bon moyen pour vérifier que je ne dérape pas sur mes dépenses. Et si c’est le cas, je peux réagir avant que la situation ne se dégrade. Mieux vaut anticiper les choses que de les subir. »

Sur cette exploitation, c’est le début d’année qui cumule son lot de grosses dépenses (annuités, assurances, …). « Grâce aux graphiques, je vois s’il sera nécessaire ou pas de rapatrier de l’épargne pour rester dans le positif », poursuit l’exploitant qui estime, après six ans de recul, que l’approche est fiable. « Nous avons plusieurs fois comparé l’EBE comptable à celui calculé par Trésolait, il y a moins de 5 000 euros d’écart à chaque fois », précise l’éleveur. Cet écart est lié aux variations de stocks, qui ne sont pas prises en compte dans l’outil, contrairement à la comptabilité. « Pour l’EBE 2015, j’ai déjà l’estimation grâce à Trésolait alors que la clôture ne sera disponible que d’ici plusieurs mois. »

« Savoir où l’on va et prendre les bonnes décisions »

« Je viens de suivre la formation à Trésolait. La prise en main de l’outil est rapide si on connaît les bases de fonctionnement du tableur Excel. Pour ma mère qui n’est pas familiarisée à ce logiciel, c’est plus compliqué… L’outil est assez abouti, nous n’avons pas eu de bug particuliers. Le plus délicat, c’est de savoir quels chiffres rentrer dans le tableau. Ce n’est pas évident car nous sommes en phase d’accroissement de cheptel ; il faudrait presque associer le conseiller de gestion à la démarche pour peaufiner l’étude prévisionnelle. C’est l’occasion aussi de mettre davantage le nez dans les chiffres et remettre à plat certains postes de dépenses. J’apprécie le côté visuel des graphiques. C’est plus parlant pour analyser les flux entrants et sortants. Nous avons pu faire des simulations et visualiser concrètement l’impact de différentes hypothèses de prix du lait. Au moins, on sait à quoi s’attendre. »

LEG Tiphaine Chatal, éleveuse dans le Morbihan.

Farméo propose un suivi de trésorerie simplifié

Le CerFrance(1) propose à ses adhérents un outil de suivi simplifié de la trésorerie à travers Farméo, un module de tableau de bord. « Pour établir un prévisionnel en exploitation laitière, deux postes principaux sont à surveiller : les recettes laitières et les achats d’aliments, détaille Luc Mangelinck du CerFrance Brocéliande. À partir de la répartition des volumes mensuels livrés les années précédentes et des prix actuels, il est possible de les prévoir mois par mois. En suivant ces postes lors des mises à jour comptables, il est ainsi possible de suivre leurs évolutions et faire le point régulièrement. »

Concrètement, le prévisionnel des livraisons de lait, de la recette laitière, et des achats d’aliments sont saisis une seule fois lors de l’établissement du prévisionnel. Puis, au moment des saisies comptables, le réalisé vient se mettre à jour automatiquement et le tableau de bord calcule alors en temps réel les écarts cumulés depuis la dernière clôture comptable. « En suivant ces écarts entre la prévision et les factures qui tombent mois par mois, on peut donc mesurer si l’on est dans les clous ou si la situation dévisse. »

 (1) Ce service concerne les départements 35, 37, 41, 49, 56 et 85.

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