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Est-il vrai que le calcium du lait serait remplaçable ?

Il serait risqué de supprimer totalement les produits laitiers selon des chercheurs de l’Inra, pour le squelette, mais pas seulement. Le lait apporte beaucoup d’autres nutriments.

Certains antilaits trouvent que les produits laitiers ne servent à rien pour la santé de nos os. Certains nutritionnistes jugent que la recommandation de trois produits laitiers par jour est trop élevée et que nos besoins d’apport en calcium sont surestimés. Qu’en est-il ?

Le calcium laitier est un des mieux assimilés

Remplacer le calcium laitier par d’autres sources nécessiterait un changement drastique de régime alimentaire, dont la base serait des légumineuses, amandes, choux, agrémentés de sardines, et il faudrait en consommer des quantités importantes pour couvrir nos besoins, qui sont estimés à environ 900 mg/j en France chez l’adulte.

Le calcium des végétaux est-il souvent mieux assimilé que celui des laitages comme l’affirment les antilaits ? "Non, sauf pour la famille des brassicacées (chou vert, chou chinois, brocoli, cresson, roquette). Mais ils sont moins riches en calcium et il faut donc en consommer des quantités beaucoup plus importantes, souligne Marie-Claude Bertière, médecin nutritionniste et directrice du Cerin (1). Les autres végétaux contiennent des substances qui diminuent l’absorption du calcium." (lire tableau).

Le calcium laitier est plutôt bien valorisé par l’organisme, entre 30 et 40 % de la quantité consommée est retenue, dans des conditions normales d’apports, sans excès. "Le lait contient des protéines qui facilitent son absorption dans l’intestin. Le ratio calcium/phosphore est très favorable à sa fixation sur l’os", indique Sylvie Lortal, directrice de recherche à l’Inra. Le lactose et la vitamine D favorisent aussi son absorption.

Des besoins de 500 ou de 950 mg par jour ?

La recommandation de trois produits laitiers par jour (Programme national nutrition santé) est un repère qui tient compte des habitudes alimentaires françaises et des besoins nutritionnels en calcium. Ce besoin est celui qui assure un équilibre avec les pertes de calcium dans les urines, la sueur, les selles. Les antilaits affirment que l’on peut se passer des produits laitiers parce que nos besoins d’apport en calcium seraient en réalité bien moindres que ce que préconisent l’Anses et autres organismes de santé publique (750 à 1 000 mg pour les adultes). On pourrait alors couvrir nos besoins qu’avec des végétaux et des eaux minérales.

Les antilaits mettent en avant le fait que les experts de l’OMS ont déterminé un besoin autour de 520 mg de calcium par jour pour les adultes (hors femmes enceintes et allaitantes). "Il s’agit d’une recommandation minimale qui prend en compte la difficulté pour certaines populations d’accéder à une nourriture équilibrée, dont des sources de calcium, et qui tient compte de leurs habitudes alimentaires globales. Et pour des raisons diverses (exposition au soleil, exercice physique, plus faible longévité), l’ostéoporose ne constitue pas un problème majeur de santé publique dans ces pays", réagit Marie-Claude Bertière. Ainsi, les besoins en calcium peuvent différer suivant les pays.

Tout se joue avant 25 ans pour constituer son capital osseux

En France, l’apport nutritionnel conseillé est de 950 mg/j pour les plus de 25 ans (avis de l’Anses). Il varie selon l’âge. "Chez l’enfant et l’adolescent jusqu’à 25 ans, les besoins sont importants. Et tout se joue à ces âges où l’on est en croissance et où l’on constitue son capital osseux. On rattrape très peu les carences par la suite. Donc à ces âges, le moyen le plus sûr, facile et moins coûteux, c’est de consommer des produits laitiers et notamment des fromages à pâte pressée — emmental, comté… — qui concentrent beaucoup le calcium. Pour conclure, la stratégie consiste à acquérir de la masse osseuse pendant la phase de croissance. À l’âge adulte, c’est de l’entretien. Au cours du vieillissement, pour limiter le processus de perte osseuse, le besoin en calcium augmente", développe Sylvie Lortal.

Il n’y a fuite de calcium osseux qu’en cas de carence en calcium

Nos besoins en calcium pourraient-ils être divisés par deux (à 500 mg/j) comme l’affirment certains nutritionnistes ? Ils prétendent que si notre alimentation était moins acidifiante pour l’organisme, elle provoquerait moins de fuite de calcium osseux, donc on aurait besoin de moins consommer de calcium. Un régime moins acidifiant est moins riche en viande, fromage, sel et céréale raffinée, et à l’inverse plus riche en fruits et légumes. "Ce qui est inexact dans cette affirmation, c’est que le calcium que l’on retrouve dans les urines des gros consommateurs de protéines ne vient pas de l’os ; c’est du calcium alimentaire, et cela a été prouvé scientifiquement. Les protéines améliorent l’absorption intestinale du calcium, et si les quantités de minéral absorbées dépassent les besoins du squelette, alors le surplus est éliminé dans les urines, explique Véronique Coxam, directrice de recherche à l’Inra. Ce qui est exact, c’est qu’un régime acidifiant peut provoquer un déstockage du calcium de l’os, mais uniquement si la personne ne consomme pas assez de calcium. Dans ce cas, c’est le squelette qui fournit le calcium à l’organisme. Si l’apport en calcium est suffisant, l’os n’a pas besoin de mobiliser son calcium pour rééquilibrer l’acidité. Enfin, aucune étude n’a démontré qu’un régime moins acidifiant permet de réduire nos besoins en calcium. Affirmer cela est même risqué pour les enfants, adolescents et les personnes âgées."

(1) Organisme du Cniel chargé de la communication sur la nutrition auprès des professionnels de santé.

Il y a d’autres nutriments intéressants dans le lait !

Le lait est un aliment complet qui apporte, outre le calcium, des acides gras variés et parfois essentiels, des protéines, des minéraux et des vitamines.

Les protéines du lait sont de très haute valeur nutritionnelle. Des peptides agissent sur la santé du tube digestif et ses sécrétions. Les caséines facilitent l’absorption du calcium dans la première partie de l’intestin", cite Sylvie Lortal de l’Inra. Le lait et les produits laitiers apportent d’autres minéraux d’intérêt que le calcium : phosphore, potassium, iode, magnésium, sélénium, zinc… sauf le fer. Les produits laitiers apportent aussi des vitamines (A, B2, B12, D...). "Les yaourts et les fromages sont des aliments fermentés qui véhiculent des microorganismes vivants lors de leur consommation, qui ont des bénéfices santé", ajoute la chercheuse.

La matière grasse laitière a longtemps été décriée, à cause de sa richesse en acides gras saturés (70 % des acides gras du lait) et de ses acides gras trans. Mais l’avancée des connaissances a permis de la réhabiliter.

Beaucoup d’acides gras saturés du lait sont très utiles à l’organisme en petites quantités. "L’acide myristique a un rôle majeur pour la cellule. Consommé en quantité raisonnable, il a des effets positifs sur le bon cholestérol. Il a des effets négatifs à des doses excessives, cite en exemple Philippe Legrand, chercheur Inra. C’est l’excès de consommation qui pose problème." Le chercheur insiste sur le profil des acides gras saturés plus favorable des produits laitiers, par rapport aux saturés des matières grasses végétales hydrogénées (margarine). Et sur leur complémentarité avec les huiles végétales.

Des effets positifs pour des consommations modérées

Les acides gras trans ont été réhabilités quand les études ont mis en évidence l’absence de lien entre risque cardio-vasculaire et consommation d’acides gras trans issus de ruminants, contrairement à ceux d’origine industrielle avec hydrogénation qui augmentent le risque.

La matière grasse laitière a d’autres atouts. Les acides gras essentiels (poly-insaturés) sont présents en petite quantité dans le lait (1 à 5 % des AG du lait). Il faut en consommer car ils ne peuvent pas être produits par l’organisme. Dans ce groupe, on trouve les oméga 6 et les oméga 3. Ces deux familles sont importantes pour la santé, mais il faut surtout respecter un rapport oméga 6/oméga 3 inférieur ou égal à 5. La matière grasse laitière est relativement équilibrée (rapport variant de 2,6 à 8,5 selon les analyses) et son profil peut être amélioré par la voie génétique et l’alimentation des vaches (lire p. 32). La matière grasse laitière contient aussi (moins de 5 %) : des phospholipides impliqués dans la construction de nos membranes (dans le cerveau notamment), du cholestérol qui participe à la synthèse d’hormone, de la vitamine D, des membranes…

La matière grasse laitière est très digeste car elle est riche en acides gras à chaîne courte. Longtemps, on a eu peur de cuire le beurre. On sait dorénavant que ce n’est pas néfaste tant qu’on ne le brûle pas.

La vitamine D améliore l’absorption du calcium

"Pour une même dose de calcium absorbée et retenue par l’organisme, il faudra une consommation de calcium multipliée par trois entre une personne ayant un bon apport de vitamine D et une personne carencée en vitamine D, car la vitamine D améliore l’absorption du calcium. La vitamine D a d’autres rôles bénéfiques, pour la force musculaire, la régulation de la croissance cellulaire (prévention du cancer), rôle anti-inflammatoire, prévention des maladies auto-immunes", souligne Véronique Coxam, directrice de recherche à l’Inra. Le statut en vitamine D d’une population a donc une grande importance dans son exposition au risque de fracture.

À retenir !

- Le lait n’est pas qu’une source de calcium, mais aussi de protéines, d’acides gras, de lactose, de minéraux, de vitamines…

- Même avec un régime plus riche en légumes et autres végétaux, nos besoins de Caucasiens restent élevés en calcium.

- Les produits laitiers sont riches en calcium, qui est assimilable. C’est donc une source efficace de calcium.

- Notre couverture en vitamine D est essentielle pour bien valoriser le calcium.

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