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COMMISSION, CONSEIL ET PARLEMENT EUROPÉEN
Enfin un accord politique sur le minipaquet lait

Réglement européen. Des avancées très positives au niveau de la massification de l’offre et des OP, mais pas de renforcement de la protection juridique des producteurs dans le balisage des contrats.

L’OBJECTIF PRINCIPAL du minipaquet lait est de permettre aux producteurs
de s’organiser pour renforcer leur position dans la filière.
L’OBJECTIF PRINCIPAL du minipaquet lait est de permettre aux producteurs
de s’organiser pour renforcer leur position dans la filière.
© Union européenne

Cela faisait presqu’un an que l’on attendait le projet de règlement, issu des propositions du groupe de travail à haut niveau (GHN), mis en place en 2009 à la suite de la crise laitière. Ce fameux «Mini paquet lait » vient enfin de faire l’objet d’un accord politique entre la Commission européenne, le Conseil et les parlementaires européens, qui s’étaient réunis le 6 décembre dernier.

Cet accord, obtenu par la présidence polonaise, doit être définitivement validé lors d’un vote en première lecture, en assemblée plénière du Parlement européen, qui n’interviendra pas avant le 13 février prochain.

Les dispositions du Mini paquet lait s’appliqueront jusqu’au 30 juin 2020, avec deux rapports d’étapes, programmés en juin 2014 et décembre 2018. Des règlements d’application sont annoncés pour garantir une application uniforme de la réglementation.

Quel bilan tirer d’un an de négociation européenne? Le Mini paquet lait contient des avancées extrêmement positives en ce qui concerne la massification de l’offre, les organisations et associations de producteurs qui ont désormais toute légitimité de négocier les contrats de leurs adhérents à des niveaux de dimension économique intéressants.

En revanche, Bruxelles se refuse, au prétexte d’une liberté contractuelle, à renforcer la protection juridique des producteurs dans ses dispositions relatives à la contractualisation. Et, que cela soit pour le travail des interprofessions ou celui des OP, les règles de la concurrence restent malgré tout les lignes directrices de la Commission. Voici dans les grandes lignes une première analyse de son contenu.

Le rôle important des interprofessions reconnu, mais…

Le législateur reconnaît le rôle important des interprofessions dans le dialogue entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, la promotion de meilleures pratiques, et son rôle dans la transparence du marché.

Il invite les États membres à encourager tous les acteurs concernés à participer à des organisations interprofessionnelles. Et il a prévu la capacité juridique de mettre en place des organismes intégrant au moins une des étapes suivantes de la chaîne d’approvisionnement, à savoir la transformation ou le commerce, y compris la distribution.

Le Cniel devrait être facilement reconnu en tant qu’interprofession au regard des exigences posées par le règlement. Mais on observe par ailleurs une forme de mise sous tutelle des interprofessions : l’agrément peut être retiré si les interprofessions ne respectent pas les règles du droit de la concurrence. Elles se voient dans l’obligation de notifier les « accords, décisions et pratiques concertées » mises en oeuvre, la Commission ayant un délai de deux mois pour juger de leur conformité ou non avec les règles de l’Union européenne. La Commission donne donc d’une main pour tout contrôler de l’autre!

Seules les OP reconnues pourront négocier collectivement

C’est désormais officiel: les États membres peuvent reconnaître les organisations de producteurs dans le secteur du lait et des produits laitiers, constituées à l’initiative des producteurs et qui englobent les objectifs suivants :

— assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en quantité et en qualité ;

— concentrer l’offre et mettre sur le marché la production de ses membres ;

— optimiser les coûts de production et régulariser les prix à la production. Ces critères sont communs à toutes les OP reconnues, quel que soit leur secteur d’activité. Les OP devront par ailleurs respecter les conditions suivantes :

— justifier d’un nombre minimum de membres et/ou d’un volume minimal de production commercialisable à déterminer par l’État membre concerné, dans la région où ils opèrent ;

— apporter des preuves suffisantes qu’elles puissent mener leurs activités correctement, tant dans le temps et en termes d’efficacité et de concentration de l’offre.

Les États membres décideront s’il convient d’accorder une reconnaissance à une organisation de producteurs dans les quatre mois suivant le dépôt d’une demande.

Ils devront, à des intervalles déterminés, mener des contrôles. En cas de nonrespect de ces critères, l’agrément sera retiré. Première conséquence, les « vraies » organisations de producteurs seront très rapidement identifiées.

Il faut rappeler qu’en France la plupart des groupements de producteurs ont été constitués sous forme de syndicats professionnels régis par la loi de 1884. Or, le Code rural est très clair: ne peuvent être reconnus en tant qu’OP que des coopératives, des Sica, des GIE ou des associations.

Dans ce contexte, tous les groupements créés de toutes pièces par les entreprises et ne respectant pas les critères communautaires et nationaux se trouveront dans l’incapacité juridique de négocier collectivement les contrats de leurs adhérents.

Massification de l’offre: un plafond à 3,5 % de la production européenne

Finalement, ce sont quasiment les propositions initiales de la Commission qui ont été retenues. Les contrats peuvent être négociés par les OP (ou AOP) reconnues par les pouvoirs publics dès lors que le volume de lait ne dépasse pas 3,5 % de la production totale de l’Union et 33 % de la production nationale de l’État membre. Ceci, qu’il y ait ou non transfert de la propriété à l’OP et que le prix soit ou non identique pour les adhérents de l’OP.

Le volume de lait couvert par de telles négociations devra faire l’objet d’une notification aux autorités compétentes de l’État membre.

Le lait objet de la négociation doit être fourni par des adhérents non associés coopérateurs ou adhérents à une autre OP. Cette disposition sonne le glas des espoirs de constituer une OP européenne, car elle exclue le lait livré à des coopératives (58 % du lait produit en Europe). Tout ceci se fera sous la surveillance attentive des autorités de la concurrence.

Contrats : une simple liste de clauses

C’est un des points qui a évolué lors de la négociation, très probablement pour prendre en compte la mauvaise expérience vécue en France. Après des débats difficiles, on est revenu à un principe simple de subsidiarité qui laisse à chaque État membre le soin de déterminer ou non si les contrats et/ou les propositions de contrats peuvent être rendus obligatoires.

Il appartient également à chaque État membre de décider si le contrat porte uniquement sur le premier stade de livraison ou sur des stades ultérieurs (le 2e étage oublié dans la LMA entre le premier acheteur et le second acheteur). La rédaction ressemble fortement à ce qui a été fait dans la LMA, de manière allégée… Le contrat et/ou l’offre de contrat devra être fait(e) par écrit préalablement aux livraisons.

L’ensemble des clauses doit faire l’objet d’une libre négociation entre les parties. Le législateur national peut faire figurer une durée minimale d’engagement qui ne peut être inférieure à 6 mois. Concernant la durée, le règlement précise que cette dernière ne doit pas nuire au bon fonctionnement du marché intérieur.

Mais c’est là que le bât blesse, le règlement précise qu’en cas de refus de la proposition par le producteur, les parties seraient libres de négocier tous les éléments du contrat (y compris la durée).

Ces dispositions « light » conduisent au même effet qu’en France, à savoir une certaine forme de déséquilibre du rapport de force. Une simple liste énumérative de clauses ne protège aucunement le producteur, confronté aux géants de l’industrie laitière européenne.

Victoire en demi-teinte pour les fromages sous signes de qualité

Les acteurs des filières AOP/IGP pourront demander l’autorisation de réguler la mise en marché de leurs produits. Mais cette autorisation, pour une durée limitée n’excédant pas trois ans, est très encadrée.

La demande ne peut en effet être présentée à l’État membre que si elle fait l’objet d’un accord préalable entre au moins deux tiers des producteurs de lait(1). Il faut donc un accord préalable des acteurs de la zone.

Ensuite, il ne faut pas mésestimer les différents verrous placés par le législateur. L’accord soumis à l’agrément des pouvoirs publics :

— ne peut avoir d’effet que sur le produit concerné;

— ne doit pas impacter le commerce des produits autres que ceux concernés par la demande ;

— ne doit pas concerner des transactions après la première commercialisation du fromage concerné ;

— ne doit pas autoriser la fixation de prix, y compris lorsque les prix sont fixés pour orientation ou par recommandation;

— ne doit pas bloquer un pourcentage excessif de produit qui, autrement, serait disponible ;

— ne doit pas créer de discrimination, constituer un obstacle pour les nouveaux entrants sur le marché, ou conduire des petits producteurs à être défavorablement affectés ;

— doit contribuer à maintenir la qualité et/ou le développement du produit concerné.

Au regard de ces dispositions très strictes, on peut se demander quelles seront les marges de manoeuvre des opérateurs souhaitant tenter de « réguler » un tant soit peu la mise en marché des fromages.

(1) représentant au moins 2/3 du lait utilisé pour la fabrication AOP et, le cas échéant, entre au moins 2/3 des producteurs de ce fromage représentant au moins 2/3 de sa production de la zone concernée.

La confirmation de l’exception coopérative

Le législateur européen précise qu’un contrat et/ou une offre de contrat ne doit pas être requis(e) lorsque le lait cru est livré par un agriculteur à une coopérative dont il est membre, si ses statuts (ou le règlement) contiennent des dispositions ayant des effets similaires.

Cette exception coopérative se trouve renforcée par celle qui concerne les organisations de producteurs : les OP ne peuvent pas négocier le lait d’un associé coopérateur qui fait déjà l’objet d’une obligation de livraison.

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