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Tour des régions
En Rhône-Alpes, l'enjeu est le coût de collecte

Avantagée par la proximité des consommateurs, la filière laitière de Rhône-Alpes est desservie par un coût de collecte très élevé. Ses acteurs estiment nécessaire une restructuration de la production.

© B. Griffoul

Beaucoup d’industriels en rêveraient. Les entreprises laitières de Rhône- Alpes sont insérées dans un formidable bassin de consommation (le deuxième à l’échelle nationale) qu’elles ont su mettre à profit en se spécialisant dans les produits de grande consommation. Alors qu’elles ne traitent que 7 % de la collecte nationale, elles fabriquent 21 % des ultrafrais produits en France, plaçant ainsi la région Rhône- Alpes(1) largement en tête. Plus de 43 % du lait collecté (hors Savoie) est destiné aux ultrafrais, 35 % au lait de consommation et 21 % aux fromages affinés.

COÛT DE COLLECTE ÉLEVÉ

La région est dotée d’outils industriels performants, notamment trois grandes unités de fabrication détenues par les trois leaders des produits ultra frais de marque (Danone, Sodiaal, Nestlé-Lactalis). Elle est riche également de nombreuses PME fromagères dont certaines, à l’image de Guilloteau avec son Pavé d’Affinois, ont su s’imposer sur le marché disputé des fromages. Le profil de valorisation de la collecte laitière est plutôt favorable, malgré un fort engagement dans le lait de consommation dont la crise a été douloureusement vécue. Notamment par la coopérative Orlac du groupe Sodiaal auquel le site de Vienne en Isère est en grande partie dédié. La région reste néanmoins légèrement excédentaire : elle « exporte » 8 % de sa collecte sous forme de lait en vrac, en grande partie en Italie. De nombreux producteurs ont également su tirer parti de cette consommation de proximité : Rhône-Alpes détient 17 % du quota vente directe à l’échelle française, situant là encore la région loin devant. Une production fermière qui semble néanmoins s’essouffler quelque peu.

EN CONCURRENCE AVEC L’OUEST

Une situation à priori plutôt enviable. Mais, voilà, il y a un autre chiffre qui fait mal et qui apparaît comme le talon d’Achille de la région. Le coût de collecte du lait est estimé à 19 euros par mille litres alors qu’il ne dépasse pas 10 euros dans l’Ouest de la France (13 euros en moyenne nationale). « Ce surcoût est lié au fait que nous sommes en zone de montagne et que la densité laitière n’est pas très forte, deux éléments qui ont un impact important sur la productivité, affirme Jean-Paul Picquendar, directeur d’Orlac. Mais le plus inquiétant c’est que les écarts de coûts de collecte s’accroissent entre la plaine et la montagne. D’un côté, la plaine progresse plus vite que la montagne dans ses volumes par point de collecte. De l’autre, nous n’avons pas accès aux gains de productivité qu’apportent les matériels les plus performants, notamment la citerne de 25000 litres avec tracteur et la pompe à haut débit. »

« Tant que les régions de l’Ouest étaient sur la poudre et le beurre, et Rhône-Alpes sur les produits de grande consommation, le différentiel de coût de collecte pouvait être valorisé. Aujourd’hui, cela devient de plus en plus dur parce que nous sommes directement en concurrence avec ces régions », explique Laurent Berthod, directeur du Criel Rhône-Alpes (hors les deux Savoie). La dénomination montagne – 60 % du lait y est collecté – ne pourrait-elle pas être une des solutions pour compenser le différentiel de coût de collecte? Peu d’opérateurs semblent croire à cette valorisation, estimant que son développement est freiné par l’obligation de transformer le lait en zone de montagne et que, l’image du lait UHT de montagne étant préemptée par l’enseigne Carrefour, ils ne peuvent désormais se positionner que sur d’autres types de produits.

UN RISQUE À MOYEN TERME

Jean-Paul Piquendar reste néanmoins persuadé « que la guerre n’est pas joué en notre défaveur » mais que la filière doit se mobiliser. À court terme, il n’y a pas de risque majeur sur l’avenir des outils industriels – les investissements sont récents ou même en cours – hormis pour l’usine Nestlé- Lactalis dont le sort reste incertain. Le risque est plutôt à « moyen terme » lorsqu’il s’agira de renouveler les lignes de fabrication, estime le directeur d’Orlac. Cependant, afin de se donner une vision commune de la situation, l’interprofession a conduit il y a deux ans une étude approfondie qui a permis de lancer des pistes de travail. Des discussions sont en cours avec la Région afin de dégager des lignes budgétaires en faveur de la filière laitière. Si les incitations pour aider les entreprises à innover, à investir, pour améliorer l’accès aux fermes sont les bienvenues, si la poursuite des accords de collecte peut encore amener des gains de productivité, l’enjeu principal porte sur le volume de lait livré par point de collecte.

UNE RESTRUCTURATION INDISPENSABLE

La livraison moyenne des 8 500 exploitations laitières de Rhône-Alpes atteignait tout juste 169 000 litres en 2005, contre 232 000 litres en moyenne nationale.Toutefois, les disparités sont fortes à l’intérieur de la région, les zones de plaine ayant beaucoup plus restructuré : dans l’Ain, la livraison par producteur se situe à 263 000 litres contre moins de 150 000 dans la Loire. André Bonnard, président de la Fédération régionale laitière de Rhône-Alpes, ne s’en cache pas : « Une restructuration est indispensable. Des gens se démotivent parce que depuis vingt ans, ils n’ont pas pu évoluer. Il faut leur redonner des perspectives. C’est une vraie demande du terrain. Rhône-Alpes a beaucoup installé dans les années passées et ainsi préparé le terrain pour la restructuration. » Tous les acteurs de la filière partagent notamment la volonté de favoriser les formes sociétaires d’exploitation. Le directeur d’Orlac compte beaucoup et se dit très confiant sur la capacité des éleveurs à répondre aux besoins d’innovation des entreprises : « Nous avons dans cette région des producteurs qui sont beaucoup plus ouverts qu’ailleurs à travailler une segmentation des laits qui pourrait déboucher sur des produits que le consommateur serait prêt à payer plus cher. » Un potentiel d’adaptation qu’il explique par la proximité des centres urbains, la taille des exploitations… L’embellie actuelle du marché des produits laitiers devrait également donner de l’oxygène à la filière régionale.

■ Bernard Griffoul

(1) La région Rhône-Alpes compte huit départements. Mais les deux Savoie, fortes de leurs fromages d’appellation, ont des préoccupations très différentes du reste de la région, et ont d’ailleurs leur propre gestion interprofessionnelle, que nous aborderons dans un prochain numéro. Les chiffres indiqués, sauf mention contraire, concernent les huit départements de la région Rhône-Alpes.

Cet article de synthèse comporte d'autres encadrés, une carte, et deux autres articles. Pour lire l'intégralité, reportez-vous au numéro de septembre 2007, n°206, pages 48 à 52. 

 

Une grille de prix adaptée pour limiter le trop plein de matière grasse

 Produire des ultra-frais et du lait de consommation a son corollaire: il faut gérer le trop-plein de matière grasse. Les entreprises de la région (hors Savoie) collectent 42 grammes de matière grasse par litre de lait. L’excédent, évalué à un tiers, est expédié hors de Rhône-Alpes pour être transformé en beurre et pèse sur la valorisation du lait. « Pour nous, le problème est encore plus important du fait de notre mix-produits, explique le directeur d’Orlac. Nous n’utilisons que 17 grammes par litre. » Deux solutions à ses yeux : « Travailler sur le profil d’acides gras par l’alimentation des animaux pour réhabiliter la matière grasse laitière, abaisser le taux de matière grasse ». La grille de prix du lait (hors Savoie) a été adaptée pour freiner la production de matière grasse. Tout gramme supérieur à 44 g/l ne fait plus l’objet de bonification. Elle n’est bien valorisée qu’entre 38 et 40, et les taux inférieurs à 38 sont moins pénalisés. Un plan de communication et de suivi des producteurs a été mis en place.

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