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En direct d’une formation pour mieux comprendre le revenu

1re journée. Six éleveurs mayennais débutent la formation nationale « Mieux comprendre son revenu pour l’améliorer ». Suivons-les pas à pas sur les traces du coût de production, du prix de revient et du prix d’équilibre...

POUR LES STAGIAIRES, l’une des difficultés consiste à affecter les charges
entre les différents ateliers. Des clés de répartition ont été élaborées
pour les charges non spécifiques à l’activité laitière.
POUR LES STAGIAIRES, l’une des difficultés consiste à affecter les charges
entre les différents ateliers. Des clés de répartition ont été élaborées
pour les charges non spécifiques à l’activité laitière.
© E. Bignon

Mardi 22 février, dix heures dix. Devant la salle polyvalente de Villaines-la- Juhel, petite bourgade du nord de la Mayenne, les derniers retardataires se pressent de monter les marches deux à deux pour rejoindre un petit groupe déjà affairé au premier étage. Ouf! La formation n’a pas encore démarré. Autour de la cafetière, tout le monde se connaît ou presque. L’objectif des six éleveurs présents est le même : trouver des solutions pour améliorer leur revenu dans un contexte économiquement difficile et instable. Après quelques brèves locales échangées, chacun sort bloc-note, stylo et documents comptables dans une atmosphère studieuse… La formation démarre en douceur, animée par deux conseillers, l’un de la chambre d’agriculture, l’autre du Clasel (contrôle laitier).


Délimiter les contours de l’atelier laitier

Avant de parler chiffres, un temps est consacré à l’échange entre exploitants. Quelles sont leurs motivations et aspirations au niveau de leur métier ? Quelles sont leurs préoccupations du moment ? Comment envisagent-ils l’avenir ? Pour délier les langues, les conseillers recourent au photolangage, une méthode qui facilite la prise de parole.

Concrètement, une cinquantaine de photos diverses sont disposées sur une table. Chaque éleveur doit choisir celle qui illustre le mieux ce qu’il attend de son métier et expliquer la raison de son choix. Un exercice moins anodin qu’il n’y paraît. A tour de rôle, chacun est amené à livrer ses objectifs professionnels, mais aussi personnels, et exprimer son ressenti face à sa situation. Le contexte économique est naturellement évoqué par les exploitants. « Le monde du lait se complique et nécessite des compétences nouvelles pour intégrer la fluctuation des prix dans la gestion de l’exploitation», avance Katel, qui participe à la formation. « Comment améliorer notre revenu dans ce contexte ? », s’interroge l’éleveuse.

« La première chose à faire est de calculer le prix de revient du litre de lait, expliquent les conseillers. Cet indicateur va permettre de situer la rentabilité de l’atelier laitier et d’analyser les marges de manoeuvre sur les exploitations. Avec ce calcul, l’éleveur dispose d’un repère qui correspond à un prix de vente objectif. »

Pour commencer, il faut approcher le coût de production du litre de lait, c’est-à-dire l’ensemble des charges opérationnelles et charges de structure qui se rapportent à l’atelier laitier. Le détail de ce calcul constitue le coeur de cette première journée de formation. Fanny Busson, conseillère à la chambre d’agriculture décortique pas à pas la méthode de calcul harmonisée par l’Institut de l’élevage et qui fait référence. « Il est primordial de bien délimiter les contours de l’atelier laitier, insiste-t-elle. Ce dernier inclut la production laitière, l’élevage des génisses de renouvellement, la production fourragère et la production de céréales autoconsommées par le troupeau laitier. »


Détailler les trois grandes catégories de charges

Le coût de production se compose de trois grandes catégories de charges : les charges supplétives (qui rémunèrent le travail, les capitaux propres et les terres en propriété), les amortissements, et les charges courantes (qui correspondent aux dépenses de l’exercice comptable ajustées des variations de stocks).

La première étape consiste à ventiler dans le tableau ci-contre toutes les charges de l’atelier lait. « Pour les charges opérationnelles, c’est assez simple. Elles se trouvent déjà affectées dans la comptabilité au niveau des marges brutes lait », signale Michel Betton, conseiller économique au Clasel. Les choses se corsent pour les postes de charge communs à plusieurs ateliers de l’exploitation, notamment les charges de structure. La grande majorité des éleveurs présents disposent d’un atelier viande ou cultures en plus du lait. Réaliser une telle répartition leur semble pour le moins délicat. « Comment attribuer la part de carburant, d’électricité, d’entretien du matériel, etc. revenant aux vaches laitières, génisses et veaux laitiers? » Heureusement, pour faciliter les calculs, des clés d’affectation, élaborées au niveau national à partir des systèmes de production issus des Réseaux d’élevage, sont utilisées.


La question de la rémunération du travail suscite débat

Pour aboutir au coût de production, il reste encore à prendre en compte les charges supplétives, en particuliers la rémunération du travail. Elle se calcule à partir de l’estimation du temps de travail annuel consacré à l’atelier laitier, et valorisé à hauteur de 11 €/h. Ce point a suscité quelques réactions au sein du petit groupe. « Ce montant ne reflète pas une rémunération de chef d’entreprise, considèrent les éleveurs. Si on le compare au prix payé lorsqu’on prend un vacher de remplacement, on est moins bien rémunéré ! » Ce coût horaire forfaitaire a été calculé sur la base d’une rémunération de deux Smic net annuel par unité de main-d’oeuvre, soit 25 000 € par an. Ramené à un équivalent temps plein effectuant 2 200 heures par an (moyenne des Réseaux d’élevage), cela donne un salaire net de 11 €/h.

Une fois le coût de production calculé, le prix de revient n’est plus très compliqué à obtenir. Il suffit de retirer le montant du produit viande et les aides affectées à l’atelier lait, qu’ils s’agissent des aides couplées spécifiques à l’atelier ou non couplées (DPU). Et à diviser le total par le litrage vendu sur l’exercice. Il est 17h30, les têtes sont pleines. Il est grand temps pour chaque éleveur de rentrer traire ses vaches. Cette première journée a été dense. Il faudra sans doute un peu de temps pour la digérer. D’ici deux ou trois semaines, tous les participants passeront de la théorie à la pratique en calculant leur propre coût de revient du lait avec l’aide du conseiller ! A suivre…

(1) Vivea est le fonds professionnel de formation.

Le prix d’équilibre est un repère de trésorerie

Le prix de revient est un indicateur de gestion technico-économique qui permet de mesurer la rentabilité de l’atelier laitier et d’identifier des marges de progrès. Mais il ne reflète pas toujours la santé économique et financière de l’entreprise. Pour cela, il faut recourir à un autre repère : le prix d’équilibre, qui rend compte des mouvements d’argent dans l’entreprise. « C’est en ce sens qu’il colle mieux à ce que peuvent vivre les éleveurs sur leur exploitation, indique Michel Betton du Clasel. Ces deux outils s’avèrent complémentaires. »

Contrairement au prix de revient, le prix d’équilibre intègre les charges réelles de trésorerie que sont les annuités et les prélèvements privés, et non pas des charges calculées, comme c’est le cas dans le prix de revient. « La durée d’amortissement retenue dans le calcul du prix de revient ne correspond pas à la durée de remboursement des prêts et la rémunération de la main-d’oeuvre n’est pas forcément en lien avec les besoins privés réels. »


Prix de revient et prix d’équilibre sont complémentaires

Le prix d’équilibre correspond au prix de vente du lait nécessaire pour couvrir les prélèvements privés, les frais nécessaires à la production et les annuités bancaires, tout en tenant compte des autres produits. S’il est supérieur au prix de vente du lait, l’exploitation dégrade sa trésorerie ; s’il est inférieur, elle dégage des excédents. « Par rapport au prix de revient, il est très facile à calculer a posteriori à partir des données comptables. Il ne nécessite pas d’affectation des charges de structure », indique Fanny Busson de la chambre d’agriculture de la Mayenne.

Ce critère est encore plus intéressant quand on rai-sonne en prévisionnel. Il peut s’utiliser pour évaluer la capacité de résistance de l’exploitation vis-à-vis de l’évolution du prix. « La limite du prix d’équilibre est qu’il se calcule globalement sur l’exploitation, précise le conseiller. La performance entre les différentes productions se trouve donc confondue et masquée. Son calcul présente un réel intérêt pour des exploitations spécialisées. »

Calcul du prix d’équilibre

Besoin en ressources (prélèvements privés + annuités)

+ Charges de structure (hors amortissements et frais financiers) et impôts divers

+ Salaires et charges sociales

- DPU

= Besoin en marge brute totale

- Total marge brute des autres activités

= Besoin en marge brute atelier lait

+ Charges opérationnelles atelier lait (concentrés + coût SFP + frais véto/élevage)

= Besoin en produit total atelier lait

- Produit viande et divers de l’atelier lait et lait veaux et autoconsommé

= Besoin en produit lait

/ Litrage livré

= Prix d’équilibre (en €/1000 l)

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