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Deux unités collectives autonomes en substrats

La SARL Agritexia en Ardèche regroupe huit exploitations. Le projet a été scindé en deux unités, plus faciles à faire accepter et à conduire.

Le premier projet de méthanisation, en cogénération, qui prévoyait de valoriser 30 000 tonnes d’effluents sur un même site (650 kWe), s’est heurté à la création d’une association d’opposants menée par un spécialiste de la communication… « Nous avons réfléchi autrement. C’est finalement très bien ainsi », reconnaît François Coste, un des associés de la SARL Agritexia, qui réunit autour de la méthanisation huit exploitations laitières (17 éleveurs) d’Ardèche, toutes en agriculture biologique. Le projet initial a été scindé en deux unités (200 et 250 kWe), une troisième étant envisagée pour plus tard. François Coste n’y voit que des avantages : des démarches administratives moins lourdes (ICPE soumise à déclaration au lieu d’autorisation), un financement bancaire plus facile à négocier, des transports d’effluents et de digestats mieux rationnalisés et un dimensionnement qui permet une gestion en direct par les agriculteurs. Et, d’opposants, il n’y a plus eu. La première unité, en fonctionnement depuis l’automne 2014, a été implantée sur le site du Gaec Coste ; la deuxième, à quelques kilomètres, sur une zone d’activités. Elle est en service depuis février dernier. Toutes deux sont construites sur la technologie voie liquide infiniment mélangée de l’assemblier allemand Agrikomp. Chacun des associés de la SARL est responsable à tour de rôle pendant une semaine d’une unité de méthanisation. Il remplit le digesteur le week-end et, en semaine, un autre éleveur s’en charge pour les deux sites.

« Financement collectif du stockage des effluents »

Pour ce groupe d’éleveurs, la méthanisation est une étape supplémentaire d’un cheminement collectif né en 2009 d’un appel à projets sur la réduction des pesticides. Quelques années plus tard, une dizaine d’entre eux se sont convertis à l’agriculture biologique, puis se sont intéressés à la méthanisation. « Notre idée de départ était d’assainir les effluents, d’améliorer leur valeur fertilisante et d’avoir des fourrages de meilleure qualité en séchant de la luzerne avec la chaleur. Des objectifs capitaux en agriculture biologique », explique François Coste. Après un an et demi de recul, l’éleveur estime que la méthanisation leur a apporté « deux choses fondamentales ». D’une part, « la capacité d’épandre des effluents qui ne sentent plus ». D’autre part, « le financement collectif du stockage des effluents et du transport et de l’épandage du digestat. C’est déjà un joli billet. » Le groupe a créé début 2015 le GIE - Méthabio 07 - labellisé GIEE (Groupement d’intérêt économique et environnemental), qui a investi, à hauteur de 400 000 euros (70 % d’aides), dans des équipements de transport des effluents et d’épandage du digestat.

« Configurer le projet sur un gisement endogène »

Le projet a été rondement mené - trois ans pour la première unité, sept mois seulement pour la seconde. Il est bâti sur une autonomie en substrats. « Pour sécuriser un process, il est important de le configurer sur un gisement endogène, insiste Nicolas Ribes, directeur du bureau d’études Scara, qui accompagne le groupe d’éleveurs depuis ses débuts. Les apporteurs de capitaux sont aussi les apporteurs d’effluents et de parcelles d’épandage. Il n’y a pas de risque de rupture de contrats. Les banques sont très vigilantes sur cet aspect-là. » Pour améliorer le pouvoir méthanogène du substrat, des déchets de céréales, de pommes de terre et de fabrication de jus de fruits - non contractualisés - complètent (à hauteur de 10 à 15 %) la ration des digesteurs. « On ne peut pas intégrer ces gisements en amont du projet car ils ne sont pas sécurisés, poursuit le consultant. On met en exploitation puis on développe l’approvisionnement. La rentabilité est exponentielle car les charges de structure sont identiques. Cela permet aussi d’être crédible auprès des fournisseurs de déchets. Mais, dans le projet, il faut anticiper ce développement. » Les digesteurs ont donc été dimensionnés en prévision d’une augmentation de puissance. Il suffira de changer les moteurs de cogénération et de modifier le contrat d’achat d’électricité. Des ensilages d’intercultures (seigle, trèfle) sont également utilisés en été, lorsque les volumes d’effluents sont moins importants.

La chaleur n’est pas encore valorisée au maximum

« Ces projets de méthanisation sont très complexes à appréhender. il reste encore des aspects à optimiser », reconnaît Nicolas Ribes. La valorisation de la chaleur, notamment, n’est pas encore à la hauteur des espérances. Sur la première unité, elle est utilisée par le Gaec Coste pour chauffer une maison d’habitation, le robot de traite et alimenter deux chauffe-eau de 500 litres. Une zone artisanale, qui prévoit notamment du séchage de bois, doit être créée à proximité. Mais, elle n’a pas encore vu le jour. Sur la deuxième unité, la chaleur devrait être utilisée en hiver par un maraîcher qui va s’installer à proximité. Un séchoir de balles rondes (Clim. Air.50) a été installé sur chacun des deux sites. Mais, ils sont encore peu utilisés. « Dans un premier temps, nous nous sommes focalisés sur le montage du projet. C’est difficile de tout gérer », concède François Coste. Loin de les décourager, la complexité inhérente à tout projet de méthanisation a renforcé la cohésion de ce groupe d’éleveurs. « Individuellement, on ronronnait. On était au bout d’un système. Aujourd’hui, ce sont huit fermes qui ont la banane », se réjouit François Coste.

Un investissement optimisé

L’investissement réalisé par Agritexia s’élève à 1,5 million d’euros pour la première unité (200kWe) et 1,8 million pour la seconde (250 kWe). Les deux ont bénéficié d’un taux de subvention de 22,5 % (Ademe, région Rhône-Alpes, Feader). « Le taux de subventions est relativement bas parce que nous avons fait un important travail d’optimisation en termes d’investissement », précise Nicolas Ribes. Pour financer la première unité, les associés de la SARL ont mis sur la table 250 000 euros d’autofinancement et un emprunt sur 15 ans a été contracté auprès de deux banques (Crédit agricole Sud-Rhône-Alpes et Centre-Est). Le même pool bancaire a soutenu le second projet en mettant 150 000 euros en compte courant. « Ce montage est d’une importance capitale car il permet aux exploitants de financer le projet sans mettre d’apport », souligne Nicoles Ribes. La troisième unité envisagée au départ n’est pas programmée pour l’instant. Sur le premier exercice d’exploitation, la première unité de méthanisation a dégagé un chiffre d’affaires de 305 000 euros, supérieur de 10 % aux prévisions, établies sur un « business plan plancher ». Il n’intégrait pas la valorisation de la chaleur faute de visibilité suffisante. L’installation a fonctionné 8 350 heures pour 8 000 heures attendues. La partie semble donc bien engagée.

Chiffres clés

8 exploitations totalisant 1 200 ha et 600 vaches laitières

25 000 tonnes d’effluents par an

2 unités avec digesteur et postdigesteur de 1 600 m3 et moteur de 200 kWe pour l’une ; 1 800 m3 et 250 kWe pour l’autre

1 555 MWh d’électricité et 1 520 MWh de chaleur produite par la première unité en 2015

175 euros/MWh d’électricité

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