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Des solutions pour mieux et moins utiliser d’antibiotiques 

Comment utiliser moins d'antibiotiques en gardant des bovins en bonne santé. Tour d'horizon des solutions pratiques pour les quatre pathologies les plus concernées: boiteries, mammites, diarrhées.

Reconnue comme un sujet  majeur, la question de l’antibiorésistance a été prise à bras le corps par les filières d’élevage. À travers le plan Écoantibio puis la Loi d’avenir agricole d'octobre 2014, le législateur a fixé des objectifs de réduction d'utilisation des antibiotiques vétérinaires. À mi-parcours du plan Écoantibio, (((( la moitié du chemin a effectivement été faite.)))) Des solutions pratiques existent pour utiliser mieux et moins d’antibiotiques en élevage. Les chambres d’agriculture de Bretagne, en collaboration avec les GDS, GTV et le GIE élevages de Bretagne les ont présentées lors d'une journée organisée autour de quatre grandes problématiques : boiteries, infections mammaires, diarrhées et maladies respiratoires des jeunes. Morceaux choisis.

Boiteries : pas d’antibiotique sans lever le pied

Pour Rémy Vermesse, vétérinaire au GDS Bretagne, « beaucoup trop de traitements antibiotiques non justifiés sont faits contre les boiteries, et notamment avec du ceftiofur. Ce dernier est très apprécié en raison de son délai d’attente nul, mais il n’en est pas moins un antibiotique critique, utilisable en dernier recours en médecine humaine,

« Seul le panaris nécessite un traitement antibiotique systématique par voie générale », a rappelé le vétérinaire. Et un panaris c’est une douleur intense et brutale, une inflammation symétrique et une vache qui a de la fièvre. Si vous ne retrouvez pas l’ensemble de ces symptômes : levez le pied de la vache, nettoyez-le et commencer à dégager la corne pour essayer de voir quel est le problème, si vous pouvez le traiter seul et, si oui, comment ou s’il est nécessaire de faire appel à un spécialiste. « Même les boiteries infectieuses comme le fourchet ou la maladie de Mortellaro peuvent se traiter avec un soin local. »

Établir un plan d'actions au-delà de 15% de "boiteuses" 

Les boiteries sont des affections multifactorielles. Lorsqu’elles interviennent de façon récurrente sur un élevage, il est nécessaire de faire une analyse globale pour améliorer de façon durable la situation. Et mieux vaut ne pas attendre qu’elles prennent trop d’importance car les boiteries coûtent cher. En regardant vos vaches au cornadis ou à la marche, si vous en avez plus de 15% qui ont des soucis d’aplombs, ou si plus de 15% des vaches sont traitées pour boiteries et/ou contre la maladie de Mortellaro, il est intéressant de faire intervenir un spécialiste pour réaliser un parage diagnostic. Il  permettra de recenser les principales causes de boiteries de l’élevage et les actions prioritaires à mettre en œuvre, au niveau du logement, de l’alimentation ou de la conduite sanitaire.  

Diarrhées des veaux : priorité à la prévention

Les problèmes digestifs représentent un peu plus de 10% des causes de recours aux antibiotiques, mais les voies orale ou générale utilisées pour leur administration sont les plus « à risque » en matière d’antibiorésistance. « Les antibiotiques critiques, notamment les fluoroquinolones, sont trop largement utilisés. Et des résistances commencent à apparaître vis-à-vis d’antibiotiques récents, ont souligné les intervenants. Pourtant, la mise en place d’une bonne prévention reposant sur quelques règles simples permettrait d’éviter nombre de ces diarrhées. » 

Une diarrhée peut être liée à des causes alimentaires et/ou infectieuses. Et dans ce cas, elle survient si les capacités de défenses du veau sont dépassées par la charge infectieuse. Il est donc essentiel de tout mettre en œuvre pour limiter cette pression infectieuse, en assurant notamment une hygiène sans faille des lieux de vêlage et d’élevage des veaux, du matériel de buvée. La pratique du vide sanitaire est fortement recommandée. « Après avoir nettoyé et désinfecté avec un produit adapté et  homologué, l’idéal est de laisser le bâtiment vide pendant un mois. Mais huit jours valent mieux que rien ! » Autre priorité : la qualité du transfert colostral. Le veau doit recevoir 2 litres de colostrum de bonne qualité à 50 g/l dans les deux heures après vêlage et 4 litres au total au cours des 12 premières heures.
La prévention peut aussi reposer sur une vaccination des vaches gestantes destinée à enrichir le colostrum en anticorps spécifiques pour limiter la fréquence et la gravité des diarrhées touchant l’élevage.

Penser aux kits de diagnostics rapides

Si malgré les mesures de prévention, la diarrhée survient : isoler rapidement le malade — s’il s’agit d’une diarrhée infectieuse, il peut excréter de très importantes quantités de germes — vérifier que l’on a bien affaire à une/des bactéries et déterminer la(les)quelle(s) pour cibler au mieux l’antibiotique à utiliser. « Les bactéries, seules ou en association, ne sont présentes que dans un quart des cas de diarrhées. » Dans une majorité de situations, l’antibiotique n’est donc pas utile. Il existe aujourd’hui des kits d’analyses rapides testés pas les GDS et GTV de Bretagne qui permettent en une quinzaine de minutes de mettre en évidence avec une précision suffisante les principaux agents des diarrhées  (E. coli K99 ou CS 31a, rotavirus, coronavirus, cryptosporidies) et ainsi de déterminer directement au chevet du malade s’il faut ou pas un antibiotique et si oui lequel.

L’antibiotique, même lorsqu’il est nécessaire n’est pas non plus suffisant. La prise en charge du veau doit aussi s’appuyer sur une réhydratation précoce et adaptée à son état, par voie orale ou perfusion. « Lorsqu’une réhydratation par voie veineuse est nécessaire, le temps de passage du soluté peut justement être mis à profit pour faire un test rapide », soulignait Kevin Leroux, vétérinaire.

« En matière d’alternative aux antibiotiques, le complexe lactoferrine-lactoperoxydase, s’il n’a pas fait l’objet d’études cliniques contrôlées, semble favoriser une diminution d’emploi des antibiotiques. » Un certain nombre de vétérinaires l’utilisent d’ailleurs avec succès.

Mammites : cibler et limiter les traitements

Cause majeure d’utilisation d’antibiotiques, le traitement des affections mammaires, même s’il génère globalement peu de résistances doit cependant être bien balisé. L’optimisation de l’efficacité de ces traitements passe notamment par la suppression des traitements inutiles (en renonçant, par exemple, à traiter les rechutes cliniques au-delà du second échec), l’utilisation ciblée des matières actives — choisies en fonction de la situation et du profil bactériologique des infections de l’élevage et réajustées au fil du temps en fonction des résultats — mais aussi PAR un encadrement strict des traitements par voie générale et un recours limité aux antibiotiques critiques.

Oser le traitement sélectif au tarissement

Traiter toutes les infectées, y compris celles qui le sont par des pathogènes mineurs, mais uniquement les infectées : voilà ce qui doit guider l’éleveur sur le traitement éventuel à appliquer à une vache au tarissement. « L’arrivée des obturateurs de trayon a changé la donne en matière de prévention des nouvelles infections en période sèche. » L’antibiotique est à réserver aux vaches infectées. Les indicateurs et seuils permettant d’identifier les vaches saines sont maintenant connus. Ces vaches n’ont pas besoin d’antibiotique, éventuellement d’un obturateur de trayon, en fonction du niveau d’infection du troupeau au tarissement et du risque de nouvelles infections. « La mise en œuvre du tarissement sélectif peut permettre de réduire de 40 à 60% l’utilisation d’antibiotiques avec des résultats au niveau économique et sanitaire au moins aussi bons, voire meilleurs. »
La mamelle étant normalement stérile, le traitement des infections mammaires, le plus souvent réalisé par voie intramammaire génère peu d’antibiorésistances. « Même s’il existe quelques exceptions, on constate que malgré la fréquence des traitements, les niveaux de résistance des bactéries impliquées dans les mammites restent globalement bas », a expliqué Marylise Le Guenic.  Mais une autre problématique, liée au devenir du lait traité doit aussi être prise en compte. « Ce lait ne doit pas être jeté dans l’environnement. Mais il ne doit pas non plus être donné aux veaux car cette pratique entraîne le risque de voir apparaître au sein de la flore digestive des jeunes des bactéries résistantes. Et la meilleure solution pour limiter les risques liés au devenir du lait avec des résidus d’antibiotiques est d’intervenir à la source, en limitant au maximum les traitements. »

AU CAS OU - Photo d'archive montrant un veau à la buvée.
Pour maîtriser les risques d'antibiorésistance, le lait de délai d'attente ne doit pas être donné aux veaux.

Nous avons réduit de 60% l’utilisation d’antibiotiques sur les veaux

Diarrhées, toux et pathologies respiratoires, contagion rapide au DAL, problèmes de croissance… les associés du Gaec Pautonnier-Jamin (900 000 litres de droit à produire) étaient confrontés à d’importants soucis sanitaires sur leurs veaux. « Nous perdions 20 veaux par an, dont la moitié pour des problèmes respiratoires », se souviennent Bertrand Pautonnier et Laurent Jamin. « Au départ, explique Gaël Gounot, vétérinaire, nous avons utilisé pour le traitement, des antibiotiques anciens à tropisme pulmonaire, qui ont dû ensuite être remplacés par des antibiotiques critiques, sans pour autant parvenir à vraiment maîtriser la situation. Il fallait trouver autre chose."

La rénovation de la nurserie a changé la donne

"Les éleveurs ne s’en rendaient pas forcément compte, mais les conditions d’ambiance dans la nurserie n’étaient pas bonnes. » Une rénovation complète du bâtiment a donc été décidée. Un plafond isolant diminuant d’un bon tiers le volume de la nurserie et des extracteurs d’air ont été installés. Les murs froids en contact avec les animaux ont été recouverts. « Une vaccination a également été mise en place pour éviter que les bactéries ne se développent sur les lésions créées par les virus », ajoute le vétérinaire. La rénovation de la nurserie a couté 18 000 euros, « mais nous ne le regrettons pas. Depuis, la situation des veaux s’est bien améliorée. Nous avons beaucoup moins de traitements à faire, la consommation d’antibiotiques sur l’atelier a diminué de 60% et les croissances sont meilleures. L’investissement sera vite remboursé. Un de nos maîtres de stage disait 'Prévenir, c’est investir,  guérir, c’est dépenser'. Nous en sommes maintenant convaincus.»

Homéopathie, huiles essentielles : des résultats mitigés

Quelques essais ou suivis ont été réalisés avec des spécialités homéopathiques ou des huiles essentielles en intramammaire ou massage externe. Ils montrent des résultats intéressants en termes d’amélioration des signes cliniques, à l’origine d’une satisfaction des éleveurs. Mais ces résultats semblent plus mitigés concernant les comptages cellulaires et la guérison bactériologique. « L’utilisation des huiles essentielles en intrammamaire, notamment, pose question, a estimé  Marylise Le Guenic. Car si les huiles essentielles retenues avaient bien un pouvoir antibactérien ou anti-inflammatoire in vitro, l’effet antibactérien était inhibé en présence de lait. »
De plus, si le recours à l'homéopathie pose peu d’interrogations en matière d’innocuité et de risques de résidus — les spécialités diluées à au moins un millionième (3 CH) ne nécessitent d’ailleurs aucun délai d’attente — il n’en est pas de même avec les huiles essentielles. « Très concentrées, ces huiles essentielles nécessitent une vigilance pour l’animal, l’utilisateur et le consommateur. Seules les huiles essentielles inscrites au tableau 1 du règlement LMR sont autorisées et en l’absence d’AMM, les délais d’attente à respecter sont de 7 jours pour le lait, 28 jours pour la viande. »

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