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Des pratiques d’hygiène plus respectueuses de la flore du lait

Appellations fromagères. Des pratiques d’hygiène de traite alternatives, favorables aux micro-organismes utiles du lait, sont envisageables à condition que les vaches arrivent propres à la salle de traite.

Rémy Lavaur, éleveur dans l’Aveyron, a remplacé la douchette, la mousse désinfectante et l’essuyage papier par un nettoyage à la laine de bois.
Rémy Lavaur, éleveur dans l’Aveyron, a remplacé la douchette, la mousse désinfectante et l’essuyage papier par un nettoyage à la laine de bois.
© B. Griffoul

« Aujourd’hui, je dis presque le contraire de ce que je disais il y a dix ans en matière d’hygiène de traite. Le programme Floracq nous a ouvert les yeux sur des pratiques alternatives plus respectueuses de la flore utile du lait », reconnaît Christian Miquel, responsable production de la coopérative Jeune Montagne, dans l’Aveyron, qui fabrique le fromage AOP laguiole. Le programme de recherche Floracq, mené dans six zones d’appellation d’origine protégée, avait pour but d’apporter aux filières des réponses techniques à leurs préoccupations quant à l’appauvrissement des laits en micro-organismes utiles à la fabrication fromagère. « Depuis quinze à vingt ans, nous avons fait la guerre aux bactéries chez les producteurs pour être présents sur les marchés des produits laitiers tout en restant en lait cru, rappelle Christian Miquel. Mais nous avons aujourd’hui des laits avec moins de 5 000 germes par millilitre de flore totale. Sans le vouloir, nous avons quasiment “pasteurisé” le lait avant la transformation. » Cet état de fait est partagé par beaucoup d’AOP qui prennent conscience qu’elles doivent changer de stratégie pour améliorer les équilibres microbiens des laits et préserver la typicité des fromages au lait cru. « En dix ans, l’environnement des bâtiments et du lait à beaucoup changé. Il est beaucoup moins à risque aujourd’hui. Les bâtiments sont plus confortables et nous sommes passés d’un système stock avec des fourrages humides à des systèmes tout foin et pâture... Mais nous avons incité les producteurs à rester sur des pratiques d’hygiène standard », poursuit le responsable de la production.

« Les producteurs doivent satisfaire à des prérequis »

Rémy Lavaur faisait partie des producteurs les plus « hygiénistes » de la coopérative Jeune Montagne et son lait était parmi les plus pauvres en flore totale (moins de 5 000 germes par millilitre) alors que la moyenne de la coopérative se situe autour de 12 000. Il produit 260 000 litres de lait avec 55 vaches Simmental. Ses pratiques de traite étaient « draconiennes ». Hormis le premier jet qui n’était pas systématique, tout le reste était fait : douchette, pré-trempage avec une mousse désinfectante, essuyage papier, post-trempage avec un produit cosmétique. Le nettoyage de la machine à traire l’était tout autant, avec notamment un détartrage quotidien.

L’idée de la démarche Floracq était de faire évoluer les pratiques d’hygiène de traite chez les 42 producteurs associés au projet et d’en mesurer les conséquences sur la qualité du lait. Tout en restant bien évidemment conforme aux exigences sanitaires. Un état des lieux a été réalisé dans chaque exploitation. « Floracq nous a montré que tous les producteurs ne peuvent pas mener ces évolutions, insiste Christian Miquel. Ils doivent satisfaire à un certain nombre de prérequis. Les animaux doivent arriver propres à la salle de traite. La procédure de nettoyage de la machine à traire doit être parfaite et régulièrement contrôlée. » Sur les six producteurs de la coopérative engagés dans la démarche, seuls trois sont allés jusqu’au bout.

« Savoir revenir à des pratiques plus conventionnelles »

Chez Rémy Lavaur, le contrôle de nettoyage Net Traite a montré que la quantité d’eau était trop importante (85 litres par phase au lieu de 50 litres en théorie). Un simple réglage a permis de baisser le volume d’eau et de rétablir ainsi la turbulence nécessaire à un bon nettoyage. Le protocole de lavage a été modifié. Un lavage classique a été maintenu le matin mais avec une lessive non chlorée. Et le détartrage n’est réalisé plus que deux fois par semaine. Le soir, le lavage se limite à un simple rinçage à l’eau froide.

Quant aux pratiques d’hygiène, elles ont été fortement simplifiées. La douchette, le pré-trempage et l’essuyage papier ont été remplacés par un nettoyage à la laine de bois. Les premiers jets sont tirés systématiquement et le post-trempage a été maintenu. L’éleveur a tout de même conservé un produit de pré-trempage sous la main pour les vaches sales. En revanche, l’été, lorsque les animaux sont à la pâture, il supprime la laine de bois et le post-trempage. Si Christian Miquel ne recommande pas d’aller jusque-là, il apprécie néanmoins que « les éleveurs adaptent leurs pratiques aux conditions climatiques et aux animaux ». Et insiste encore : « en cas de problème sanitaire, il faut savoir revenir ponctuellement à des pratiques plus conventionnelles ».

« Avec la laine de bois, j’ai gagné une demi-heure »

Après une année de pratiques alternatives, la flore totale du lait de Rémi Lavaur a doublé ; elle reste néanmoins à un niveau assez faible. Floracq a montré que l’évolution de la flore microbienne au niveau des tanks à lait, suite à des changements de pratiques, se faisait très lentement. « Un suivi régulier de la qualité des laits sur le long terme est important pour les producteurs qui sont impatients de mesurer l’effet de l’évolution de leur pratique et pour le fromager qui souhaite mettre ces résultats d’analyse en lien avec la qualité des fromages », recommandent les auteurs de l’étude. Mais l’éleveur y voit bien d’autres avantages : « J’ai gagné une demi-heure de temps de traite matin et soir. L’hiver, j’apprécie d’avoir les mains sèches. De plus, j’ai l’impression que les vaches donnent plus vite leur lait. »

Une quinzaine de producteurs de la coopérative ont déjà adopté la laine de bois. L’objectif est d’en amener le maximum vers ces pratiques alternatives en s’appuyant sur le diagnostic Floracq. Un contrôle systématique du nettoyage de la machine à traire va être mis en œuvre. Mais, pour Christian Miquel, ces évolutions doivent se faire avec prudence : « Nous sommes tellement traumatisés par le sanitaire que nous ne pouvons pas tenir ce discours à tous les producteurs ». Pour un certain nombre encore, la priorité est de « continuer à travailler sur le logement des animaux et la propreté des pâtures pour que les vaches arrivent le plus propre possible à la traite ». L’appellation est bel et bien engagée dans la reconquête de la flore d’intérêt du lait.

En savoir plus

Le projet Floracq, qui a été conduit sur trois ans, a été finalisé par la publication d’une guide pour accompagner les filières AOP qui veulent faire évoluer les comportements et les pratiques en faveur de la flore d’intérêt. Il propose une méthode d’accompagnement des producteurs très élaborée et des outils (diagnostic dans les élevages, méthodes d’analyses des équilibres microbiens du lait, connaissances de l’influence des pratiques d’élevage) pour sensibiliser les acteurs des filières et les aider à structurer une démarche de progrès. Le guide est disponible  auprès de francoise.monsallier@cantal.chambagri.fr ou www.rmtfromagesdeterroirs.com.

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