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Des éleveurs de Haute-Loire séduits par le zéro pâturage

À l’image du Gaec des Pinsons, des éleveurs de ce département de montagne suppriment le pâturage. Pour de multiples raisons mais, souvent, parce que la taille du troupeau n’est plus adaptée au parcellaire.

AU GAEC DES PINSONS, la ration de base type se compose
de 4 kg MS d’ensilage d’herbe (en été : foin enrubanné),
10 kg MS de maïs, 2 kg de foin de luzerne. Viennent s’y ajouter
du blé, un complémentaire azoté et du tourteau de colza.
AU GAEC DES PINSONS, la ration de base type se compose
de 4 kg MS d’ensilage d’herbe (en été : foin enrubanné),
10 kg MS de maïs, 2 kg de foin de luzerne. Viennent s’y ajouter
du blé, un complémentaire azoté et du tourteau de colza.
© B. Griffoul

«On ne peut pas extrapoler notre situation au reste du département. Nous sommes à une altitude moyenne, nous avons un super parcellaire et nous avons beaucoup de terres labourables. » Christophe Soulis est éleveur laitier en Haute-Loire, à 700 mètres d’altitude, en Gaec avec ses parents, Marie-Christine et Pierre.

Le Gaec des Pinsons élève 65 vaches et bénéficie d’un quota de 540 000 litres de lait. Depuis sept ou huit ans, le pâturage a été complètement arrêté. Les trois associés ne se veulent pas représentatifs, mais il semble que dans ce département de montagne ne disposant pratiquement pas d’AOP et donc pas soumis à une obligation de pâturage, ce phénomène soit en train de prendre de l’ampleur. Même à des altitudes beaucoup plus élevées. Pourtant, à première vue, montagne et pâturage paraissent indissociables.

La Haute-Loire est un département assez sensible à la sécheresse estivale. «Depuis le début des années 2000, nous avons en permanence un silo de maïs ouvert », raconte Christophe Soulis. « L’herbe n’est bien valorisée par le pâturage que pendant deux mois, du 15 avril au 15 juin », convient Sébastien Brignon, son conseiller élevage. De plus, le Gaec a misé depuis longtemps sur une part importante de luzerne dans la sole fourragère. Elle produit la totalité du foin distribué aux laitières, qui est un complément idéal des ensilages d’herbe et de maïs. Mais la luzerne n’est pas très adaptée à la pâture. « Et les meilleurs champs sont à côté des bâtiments », précisent les éleveurs.

Christophe Soulis se reconnaît aussi une aversion pour la pose des clôtures, surtout quand, dans le même temps, il faut continuer à distribuer des fourrages. De plus, l’exploitation est située au bord d’une départementale très fréquentée. Invectives des automobilistes, tracasseries de la maréchaussée… Déplacer un troupeau de 60 vaches devenait de plus en plus périlleux.

Après l’installation de Christophe, la stabulation a été rénovée et le libre-service abandonné au profit d’une distribution classique qui permet d’alimenter toute l’année dans de meilleures conditions. Auparavant, pendant l’été, l’ensilage était distribué dans des auges.

Le zéro pâturage s’est imposé comme une évidence

Depuis le début des années 2000, la référence laitière a presque doublé. Cette évolution s’est faite très progressivement et essentiellement par l’augmentation de la production par vache. Le cheptel s’est agrandi d’une dizaine d’animaux seulement. Parallèlement, la laiterie (Bongrain) a mieux valorisé le lait d’été. Or, maintenir la production laitière à la pâture devenait de plus en plus difficile au fur et à mesure que la productivité des vaches progressait.

Faire deux lots : un à l’intérieur, un à la pâture

Beaucoup de bonnes raisons donc, aux yeux des éleveurs, de passer au zéro pâturage. À un moment donné, il s’est imposé comme une évidence pour atteindre la productivité qu’ils recherchaient. La courbe laitière est aujourd’hui beaucoup plus régulière et le creux d’été quasi inexistant.

« Notre objectif est de produire entre 45000 et 50000 litres de lait par mois. » La ration des vaches en production coûte 113,50 euros pour mille litres de lait (ou 2,80 euros par vache et par jour), sans tenir compte du coût de la distribution. C’est exactement dans la moyenne départementale. La suppression du pâturage n’a pas renchéri outre mesure ce coût. «C’est l’efficacité alimentaire qui fait la différence. Ici, elle est bonne. Les fourrages permettent de produire 12,6 kg de lait par vache », fait observer Patrice Mounier, conseiller bovins lait à la chambre d’agriculture.

Si la Haute-Loire est encore un département de pâturage, de plus en plus d’éleveurs s’interrogent ou l’ont déjà abandonné. L’une des raisons principales, contrairement au Gaec des Pinsons, est l’inadéquation grandissante entre le parcellaire et la taille des troupeaux qui s’accroît très vite. Trouver 15 hectares, proches du bâtiment et pas trop morcelés pour faire pâturer à mi-temps un troupeau de 70 vaches n’est pas si simple. « En Haute-Loire, il y a un gros problème de parcellaire », confirme Patrice Mounier.

Pour pallier cette difficulté, le conseiller préconise de « faire des lots en alimentant les vaches à haut potentiel à l’intérieur et celles qui sont à moins de 20 litres exclusivement à la pâture. C’est-à-dire d’avoir une ration à 120 euros pour mille litres pour une partie du troupeau, et à 50 euros pour l’autre. Mais les éleveurs nous disent que cela donne trop de travail ».

« Il faut reconnaître que ça peut prendre du temps »

Le manque de main-d’oeuvre dans les exploitations est aussi une des raisons majeures du recul du pâturage. «On gagne du temps en supprimant le pâturage mais on en reperd sur l’épandage des effluents », tempère Patrice Mounier. Il observe encore que l’arrivée des robots est fatale au pâturage.

Une gestion non optimisée du pâturage a sans doute découragé bon nombre d’éleveurs également. « Ceux qui gèrent correctement le pâturage y trouvent du plaisir, assure Patrice Mounier. Mais il faut reconnaître que ça peut prendre du temps. Certains ont de bons résultats avec le pâturage mais rarement avec de gros troupeaux. » Et de citer le cas d’un éleveur qui est revenu au pâturage, herbomètre en main, après l’avoir longtemps abandonné et a vu sa production remonter au printemps. « Pour bien profiter du pâturage, il faut prévoir un minimum d’aménagements : paddocks, accès, chemins, abreuvement… Mais, les gens ne le font pas car la période où le pâturage est bien valorisé ne dure pas assez longtemps », note Sébastien Brignon. Face à un intérêt qui leur semble limité et des contraintes trop fortes, beaucoup préfèrent jeter l’éponge.

« Pas de zéro pâturage sans maïs ensilage » - Patrice MOUNIER, conseiller bovins lait de la chambre d’agriculture

« En tant que techniciens, nous ne pouvons pas préconiser le zéro pâturage pour tout le monde. Mais il faut admettre que dans certains cas, cela se justifie. Aujourd’hui, l’objectif n’est plus de faire du plein pâturage mais d’en conserver un peu pour assurer une partie de la ration.

Il faut que les éleveurs soient bien conscients que le zéro pâturage n’est pas envisageable sans maïs ensilage. En altitude, nous avons une vraie difficulté. Certains font du maïs à plus de 1000 mètres et nous disent qu’ils ont obtenu de bons rendements ces dernières années. Mais ça tient du miracle. Ils ont à peine la somme de température indispensable pour les variétés les plus précoces. Même si le rendement est correct, souvent la teneur en grain est insuffisante. Nous allons faire un essai de semis de maïs sous plastique. Pour les gros troupeaux situés en zone tout herbe, qui n’ont pas un parcellaire favorable au pâturage, nous n’avons pas la réponse. Des attributions très importantes de quotas ont eu lieu ces dernières années. Un jeune qui construit un bâtiment peut doubler sa référence. Mais nous sommes inquiets de voir que certains tablent sur des achats de fourrages pour faire du lait. »

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