« Bâtiments : Le confort des vaches est la première priorité »
Toute erreur peut coûter très cher dans la conception des
bâtiments adaptés aux grands troupeaux. Dans ce dossier,
des spécialistes et éleveurs - français et allemands - font
part de leur expérience dans ce domaine.

Christiane Brandes, directrice d’InnovationsTeam, le plus important bureau d’études privé en Allemagne, défend un modèle de bâtiment rationnel et économique.
■ Pourquoi construire des stabulations de plusieurs centaines de vaches ?
Christiane Brandes - « La demande des éleveurs allemands va dans ce sens. Ils veulent gagner de l’argent. Et ce sont les grands troupeaux qui en font gagner le plus en comprimant les coûts d’investissement et de fonctionnement à la place. Ne vaut-il pas mieux qu’une salle de traite tourne 21 heures par jour pour 1 200 vaches que 4 heures pour 200 vaches ? Un tel élevage supporte mieux des prix du lait bas. Même à 190 €/1 000 litres, ces élevages n’ont pas été dans le rouge en 2008. Dans le contexte laitier actuel, leurs bilans sont florissants. Une exploitation de type familial obtient le plus souvent seulement un niveau de revenu moyen. Beaucoup d’éleveurs ont encore des bâtiments de 120 vaches enclavés dans les villages. Construire du neuf est plus simple que d’agrandir. Ces éleveurs préfèrent tout de suite passer à 600 vaches (le seuil d’une installation classée) et plus, pour pouvoir payer des personnes qui traient en 3x8. En fait, 200 vaches c’est déjà trop pour une exploitation familiale, mais 400 ce n’est pas assez pour occuper des salariés rationnellement. »
■ Quelles sont, selon vous, les caractéristiques d’un bon bâtiment ?
C. B. - « Il y en a trois. Le confort des vaches est la première priorité pour qu’elles expriment tout leur potentiel génétique. Elles n’aiment pas les murs trop hauts, les coins sombres, les rebords, les sols glissants. Deuxièmement, ce bâtiment doit permettre une forte productivité. La production de 450 000 litres par salarié est un minimum, en sachant que les meilleurs élevages parviennent à un million de litres. C’est pourquoi tout doit être organisé pour que le travail du salarié soit le plus efficace possible. Enfin, les coûts doivent être les plus bas possibles. »
■ Vous préconisez aussi de séparer vaches et bâtiment de traite…
C. B. - « Les hommes et les vaches n’ont pas les mêmes besoins. Une vache veut de l’air frais et un couchage agréable. Elle supporte les -20 °C. Il faut simplement la nourrir plus. La salle de traite doit être confortable, lumineuse et tempérée pour les hommes car c’est leur poste de travail. Il ne faut pas oublier que la traite est une contrainte de plus en plus mal acceptée. »
■ De tels bâtiments sont-ils envisageables en France?
C. B. - « Les mentalités des éleveurs allemands et français sont différentes. J’ai l’impression que la France en est aujourd’hui au stade où l’Allemagne était en 1990. À l’époque, les éleveurs d’Allemagne de l’Ouest ont vu avec la réunification qu’on pouvait avoir des troupeaux de 500 vaches et plus dans le même bâtiment. Cela a été un déclic. Nous avons été sollicités il y a trois ans pour un projet de 1 000 vaches en Picardie. C’est un dossier très difficile. Mais s’il se concrétise, ce sera un exemple que l’on viendra voir, et je suis alors persuadée que ce ne sera pas le dernier en France. »
Propos recueillis par Christophe Reibel