Perte de productivité
COMMENT RÉNOVER VOS PRAIRIES ?
Sous l’effet du climat et
des conditions d’exploitation, les prairies
se dégradent. Des solutions existent pour
les rénover et prolonger leur durée de vie.
exploitation, désherbage) des prairies où la densité de bonnes graminées reste élevée et où la présence de sol nu est faible.
La décision de rénover ou non une prairie repose sur l’évaluation de son niveau de dégradation. Le vieillissement du couvert se caractérise par l’apparition de sol nu puis par l’installation d’espèces nouvelles. L’incidence de ces dernières sur la qualité de l’herbe et la productivité de la prairie rend le vieillissement plus ou moins supportable pour l’éleveur. « Des prairies à la flore évoluée peuvent avoir leur place dans le système fourrager en produisant par exemple un foin de qualité moyenne pour les génisses ou un pâturage estival », a fait remarquer Patrice Pierre, de la chambre d’agriculture de la Mayenne, lors des dernières journées de l’AFPF(1).
L’examen de la flore est un bon indicateur du vieillissement de la prairie. L’identification des espèces permet de qualifier le niveau de productivité et de repérer les espèces indicatrices du milieu et des pratiques. La méthode des poignées — environ 30 par parcelle — permet de noter l’abondance des espèces. La dégradation du couvert peut être classée en trois niveaux de gravité auxquels correspondent trois niveaux d’intervention.
1 / Amélioration par des pratiques adaptées
Une forte densité de bonnes graminées avec peu de sol nu rend possible une amélioration par les pratiques. À ce stade, le salissement, notamment par des dicotylédones annuelles, ne fait que débuter. C’est le cas des prairies salies par le mouron des oiseaux.
La fertilisation azotée tend à diminuer le nombre d’espèces présentes dans la prairie. Parmi les bonnes espèces, le ray-grass anglais et la fétuque élevée répondent favorablement aux apports d’azote. « Mais attention, d’autres espèces moins désirables, telles que le vulpin des prés ou la houlque laineuse, apprécient aussi les sols riches, met en garde Patrice Pierre. Une fertilisation sur des prairies humides en fin d’hiver, plutôt qu’un pâturage, favorise la montée en graines de ces espèces. » Le mode d’exploitation de la prairie constitue un second levier d’amélioration. La fauche tend à sélectionner les plantes à port dressé (fétuque élevée, dactyle, brome mou...) et le pâturage les espèces gazonnantes (ray-grass anglais, agrostis...).
Selon Patrice Pierre, « l’alternance des modes d’exploitation est un facteur favorable au regarnissage de la prairie ». Le désherbage permet aussi d’assainir le couvert si l’on prend garde aux placages de zones nues susceptibles d’être colonisés par les espèces plus agressives du stock semencier (graines viables du sol). Le désherbage sélectif est d’autant plus efficace que le couvert comporte un mélange homogène des adventices et des bonnes espèces.
2 / Sursemis d’espèces agressives
Lorsque les trous dans le couvert sont plus importants et atteignent la taille d’une assiette mais qu’ils ne sont pas encore envahis par des espèces indésirables, le sursemis peut être envisagé. Le principe est de maintenir la flore existante, de semer une ou plusieurs espèces souhaitées et de gérer la prairie de telle sorte que les plantes semées dominent l’ancienne flore. Cette technique apparaît comme un compromis intéressant entre la préservation d’un fonds de flore naturelle et les exigences techniques et économiques de l’éleveur.
Mais le sursemis reste une technique exigeante dans sa mise en oeuvre et aléatoire dans sa réussite. Il est possible d’envisager cette option dans quatre situations : lorsque l’éleveur ne peut se passer de la parcelle qui a une position stratégique, par sa proximité des bâtiments par exemple ; lorsqu’une grande partie de la surface est nue, suite à un piétinement excessif, un accident climatique ou un échec du semis ; lorsque les plantes présentes sont intéressantes ; ou lorsque l’éleveur s’est engagé dans des mesures agri-environnementales qui limitent le retournement des prairies.
À noter qu’un réensemencement naturel par simple égrainage peut être envisagé, avec une fauche tardive par exemple, si la prairie n’est pas trop sale. Il peut aussi être pratiqué par un pâturage sur une végétation en montaison. Ce sont les animaux qui disséminent les graines. Le respect de quelques règles contribue à la réussite du sursemis. Il convient d’être vigilant sur les conditions d’implantation. Visez 500 plantes par mètre carré et une profondeur de semis de 1,5 cm dans un sol fin.
La surface doit être aplanie et dépourvue de résidus végétaux pour un bon accès à la lumière. L’idéal est de semer sur une végétation rase, surpâturée ou derrière un broyage. Il est bon d’agrandir les trous dans la végétation par un hersage dynamique qui ameublit aussi le sol en superficie. Seules les espèces agressives à implantation rapide peuvent être sursemées : les ray-grass et les trèfles agressifs. Des espèces comme la fétuque élevée et le dactyle semblent moins adaptées au sursemis. Au moment du semis, pensez à contrôler fréquemment la profondeur de travail en raison de l’hétérogénéité du couvert. Le rappuyage du sol est ensuite nécessaire.
Le simple piétinement des animaux s’avère efficace. À défaut, un rouleau compartimenté peut être utilisé. Pendant le temps d’implantation des espèces semées, il est conseillé de maintenir une végétation rase, de surveiller d’éventuelles attaques de prédateurs (taupins, limaces...) d’azote, favorables au développement de la flore en place.
Côté matériel, il est possible d’avoir recours à un semoir à céréales, éléments semeurs relevés, après hersage. L’utilisation d’un distributeur centrifuge électrique monté sur le chassis de la herse fonctionne également. Sans oublier le matériel spécialisé pour semis direct en ligne ou à la volée. Ces outils coûteux donnent parfois de bons résulats. « Inutile de se compliquer, souligne Patrice Pierre. Les outils à disposition des éleveurs font souvent l’affaire. D’autant que les conditions de semis apparaissent plus importantes dans la réussite du sursemis que le choix du matériel »
Enfin, le sursemis peut être pratiqué au printemps, au redémarrage de la végétation pour boucher les vides où les vers de terres ont travaillé le sol. Derrière un ensilage, la végétation redémarre plus lentement et il y a plus d’espaces entre les chaumes. C’est le moment idéal pour sursemer des légumineuses qui apprécient la chaleur et la lumière. La mi-août constitue la dernière période favorable. La terre est chaude et les levées rapides. Et les jeunes plantules sont moins concurrencées. Signalons aussi une expérience canadienne dans laquelle le sursemis est effectué à moindre coût, en hiver, sur un sol argileux repris en masse par le gel. L’alternance gel-dégel permet l’enfouissement de la graine dans le premier centimètre et demi.
3 / Rénovation totale avec ou sans labour
Lorsque les vides dans le couvert sont colonisés par des mauvaises espèces qui diminuent fortement la valeur fourragère de la prairie, il faut rénover complètement par un resemis. Reste à choisir entre les techniques avec ou sans labour. L’inconvénient du labour est de relarguer beaucoup d’azote et de défaire la structure de surface. Le labour est conseillé dans les situations où le couvert est très sale, lorsque la structure de surface a été perturbée ou lorsque l’on craint des attaques de ravageurs. Les techniques sans labour fonctionnent très bien avec un désherbage total. Il est délicat de s’affranchir de désherber quand la prairie est dégradée car les adventices et espèces spontanées risquent de repartir. Le désherbage ne doit pas être effectué trop proche du semis pour laisser le temps au matelas de se décomposer.
Le sans-labour permet de préserver la portance du sol. « Lorsqu’il existe un risque de sécheresse, je conseille de semer à l’automne, ajoute Patrice Pierre. Le salissement y est moins important mais l’installation des légumineuses est plus difficile. » Au Nord, les semis de printemps sont couramment pratiqués. Les prairies apparaissent plus sales mais un simple pâturage ou une fauche suffisent généralement à les désherber naturellement et à couper le cycle avant la montée en graines. Avec des problèmes de vivaces (chardon, rumex), le désherbage peut être compliqué par la présence de nombreuses espèces ou de légumineuses. À noter que « la rénovation doit parfois être accompagnée d’un changement de pratiques sous peine de revenir à la situation initiale », signale enfin Patrice Pierre.
■ (1) Association française pour la production fourragère
EN SAVOIR PLUS
■ Le « Guide pour un diagnostic prairial » combine une méthode pour faire le diagnostic de vos prairies et une flore pour identifier les espèces. Ce guide existe en livre ou sous forme d’un CDrom qui comporte en plus un outil interactif pour faciliter les recherches.
■ Prix : 36 euros - Chambre d’agriculture du Maine-et- Loire, Secteur productions végétales, 14 avenue Jean Joxé, BP 646, 49006 Angers cedex 1.
EN SURSEMIS
Les causes d’échec sont multiples
■ C’est surtout la concurrence avec la flore initiale dont le développement est mal contrôlé qui provoque le plus de déboires car les jeunes plantules ont besoin de lumière et d’espace. Il convient donc de maintenir la végétation rase et d’éviter les apports azotés. Parmi les adventices concurrentielles, citons certaines plantes comme l’agrostis ou le chiendent qui empêchent le développement des bonnes espèces. Mieux vaut éviter le sursemis en présence d’agrostis, particulièrement envahissant. Les adventices qui poussent à basse température, comme le mouron et le pâturin annuel, peuvent aussi concurrencer les jeunes plantules.
■ Au moment du semis, il faut éviter le lissage du sillon par les outils à disques qui empêche les racines de s’ancrer. Le feutrage ou la litière et les semis trop profonds réduisent fortement le pourcentage de levée. Les attaques de ravageurs comptent aussi parmi les causes d’échec. Sans oublier les accidents climatiques.