COMMENT PASSER EN BIO
Avec un marché en hausse, un prix du lait attractif , un règlement
assoupli... la production de lait bio attire. Quelles sont les étapes
à franchir et les écueils à éviter pour réussir sa conversion ?
«Depuis 2008, tous nos clients nous demandent plus de lait bio, et nous n’avons pas assez de collecte pour répondre à cet essor de la demande. On est même sollicités par de nouveaux transformateurs », dépeint Yannick Allard, président de Biolait. Avec 41 millions de litres collectés, Biolait est le deuxième collecteur français de lait bio. Plus de 60 % de ses contrats sont établis sur cinq ans, 30 % sur trois ans ; signe que les transformateurs ont besoin de consolider leurs approvisionnements. Chez Biolait, le prix de base, déconnecté du prix de lait conventionnel, reflète la réalité du marché bio. « Le prix moyen annuel pour 2008 et 2009 est de 430 euros pour 1000 litres. Il est fonction des contrats que nous passons avec les transformateurs. Nous sommes un groupement de producteurs, donc toute la valeur ajoutée est distribuée aux éleveurs », explique Yannick Allard. Le marché est donc tendu, avec une demande qui semble faire fi de la crise économique. « Le marché du lait de consommation bio se développe à un rythme de 10 % par an. Le lait de consommation utilise la moitié du lait bio collecté (239 millions de litres, soit 1 % de la collecte française). C’est donc lui qui tire la filière laitière bio. Mais la croissance est également forte pour le beurre et l’ultra frais », détaille Jean-Paul Picquendar, directeur de Sodiaal Sud-Est. Le groupe Lactalis étoffe d’ailleurs sa gamme de beurre bio, avec le lancement d’un beurre bio Président.
DES PRIMES INCITATIVES
Ces deux laiteries ont engagé depuis plus d’un an des actions pour convertir à la bio des éleveurs. Pour les motiver, elles versent une aide à la conversion, de 30 euros pour 1000 litres, et une prime à la production de lait bio, qui s’ajoutent au prix de base du lait conventionnel. Chez Lactalis, elle est de 100 euros pour 1000 litres en moyenne sur l’année (montant variable suivant la saison). Sodiaal garantit une prime minimum de 60 euros pour 1000 litres, qui varie suivant les marchés. « Aujourd’hui, elle fait presque le double », ajoute Jean-Paul Picquendar. Il souligne également que le contrat Sodiaal porte sur sept ans, pour rassurer les éleveurs quant à l’engagement de l’entreprise.
Tout le monde a en effet en mémoire la crise de 2002, où l’offre avait dépassé la demande. Une partie du lait bio n’était plus valorisée en bio, et des producteurs ne touchaient plus leur prime. Pour rester compétitives même en cas de crise, les entreprises essayent de développer la collecte en fonction des marchés, et de tenir leurs coûts. « On essaye de susciter davantage les vocations dans des zones de collecte ciblées(1), pour maîtriser le coût de collecte », indique Lactalis. De même,chez Sodiaal, l’objectif est de 25 millions de litres de lait bio dans les régions Sud (Auvergne, Sud-Est) et de 15 millions de litres sur le Nord et l’Ouest. Le développement du marché de la bio, le prix du lait conventionnel qui fluctue fortement et atteint des prix très bas aujourd’hui, et l’encouragement politique forment un trio motivant pour franchir le pas de la bio.
DES SOUTIENS POLITIQUES
De récents choix politiques encouragent la bio. La réorientation des aides PAC, dans le cadre du bilan de santé, va dégager 50 millions d’euros pour l’agriculture biologique. Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’objectif pour l’agriculture biologique est de passer de 2 % de la SAU actuellement à 6 % en 2012. Une autre ambition est l’introduction de 20 % de produits bio dans la restauration collective de l’État d’ici 2012. Pour répondre à ces objectifs, le ministre de l’Agriculture a proposé un plan d’action « Agriculture biologique: horizon 2012 ». Les mesures visent la recherche et ledéveloppement, et la consolidation des filières bio. Par exemple, un fonds d’intervention des industries agroalimentaires est mobilisé depuis 2008 pour soutenir des projets de transformation et de commercialisation de produits bio.
Le risque est que trop d’éleveurs s’engagent en bio, dépassant la demande. Mais pour l’instant, si le rythme des conversions s’est accéléré en janvier 2009, personne ne sait dire jusqu’à quand cet engouement persistera. « De cinq conversions en 2008, on en est aujourd’hui à quinze conversions pour 2009, et on suppose que ça continuera à s’accélérer, chiffre Jérôme Vilouvet, animateur du GAB de la Manche. Leur motivation est surtout de sécuriser leur revenu, et d’être plus sereins par rapport à la demande sociétale. Ne plus être accusés d’être pollueurs est souvent cité par les éleveurs qui s’engagent dans une conversion. » ■
(1) Bretagne, Pays de la Loire, Basse-Normandie, Lorraine, Franche-Comté
Note : Les trois plus gros collecteurs : Lactalis (80 millions de litres), Biolait (41 millions de litres), Sodiaal (40 millions de litres à l’issue des conversions engagées). Triballat Noyal est également un transformateur important de la filière.
SOMMAIRE
Page 32 : Un an et demi suffit pour livrer un lait certifié bio Réglementation
Page 34 : Un processus en cinq étapes
Page 35 : Les différentes aides MAE, crédit d’impôts…
Page 36 : Puis-je me convertir en bio ? Diagnostic
Page 38 : « Il faut dédramatiser le passage à l’agriculture biologique » Jérôme Pavie, Institut de l’élevage
Page 40 : « Nous sommes des éleveurs bio productifs et autonomes » Au Gaec de la colmont