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« Comment faire mieux en gagnant du temps »

Dans la Loire, le Gaec de Boisy transforme et vend 380 000 litres de lait et 200 porcs. Il est plus dans la recherche des ventes que dans la maîtrise des coûts. Avec un double objectif : dégager du revenu et du temps libre.

Ici, c’est l’activité de transformation qui commande la ferme, affirme Hervé Burnot, l’un des quatre associés du Gaec de Boisy, en montrant avec enthousiasme leur nouveau magasin, très design. Notre meilleur investissement, ce sont les 70 000 euros que nous venons d’ y mettre, à peine le prix d’un tracteur à deux marches! Il nous a donné de l’avenir. Avant nous avions une clientèle âgée. Le magasin permet de fidéliser une clientèle péri-urbaine jeune et régulière avec un pouvoir d’achat un peu plus élevé.» Pour aménager ce « vrai magasin », le bureau des associés et le local des salariés, le Gaec n’a pas hésité à faire appel à un architecte. « Cela ne nous a pas coûté plus cher: le pourcentage sur le montant des travaux perçu par l’architecte a été compensé par les économies réalisées sur les pratiques, les tarifs, etc. »  

Fournir une matière première stable en qualité et quantité

Au fil des années, la ferme familiale sur laquelle se sont installés Hervé et Alexandre Burnot dans les années 90 est devenue une véritable entreprise. Après le départ à la retraite de leurs parents en 2000, les deux frères se sont associés avec d'anciens salariés du Gaec, Alexandre en  2004 et Thomas en 2010. Les associés ont su profiter de l’opportunité qu'offrait la proximité de Roanne, une ville de 35 000 habitants. Le Gaec emploie 4 salariés, un apprenti et, pendant la haute saison l’été, des saisonniers. « Ce sont nos enfants ; ils sont payés et déclarés », souligne-t-il. L’exploitation transformait au début des années 90 transformait 70 000 litres de lait et livrait 110 000 litres à la coopérative de Roanne. Elle transforme aujourd’hui la totalité des 380 000 litres produits en fromages. Une pâte molle caillé lactique au lait cru typique de la région dont les deux tiers sont vendus au magasin et un tiers dans les grandes surfaces locales. Depuis 2010, une activité de transformation de porcs est venue se greffer sur l’activité laitière. « Nous engraissons 200 porcs lourds sur litière accumulée que nous transformons sans salpêtre, conservateur et sels nitrités, et vendons dans notre magasin. L’idée au départ était simplement de valoriser les 250 000 litres de sérum issu de la fabrication de fromages. Mais les porcs ont aussi permis au lait de se développer, en amenant des clients. » Sur les dix dernières années, l’activité de l’exploitation (fromages et porcs) a été multipliée par deux.

Des besoins satisfaits avec 50 Prim’holstein à 9000 litres

Pour autant, ne vous y trompez pas : que ce soit pour le lait ou le porc, les associés recherchent « de la valeur pas de la quantité ». « On pourrait loger sans problème une quinzaine de vaches supplémentaires dans le bâtiment, ce qui permettrait de diluer les charges de structure et réduire le coût de production. Mais notre objectif en production laitière est avant tout de fournir une matière première stable en qualité et quantité.» La production est calée sur les besoins en transformation : « en moyenne 1050 litres de lait par jour, 800 litres les mois creux (décembre-janvier hors semaine de Noël) jusqu’à 1200 litres en juillet. Nos ventes sont très prévisibles ». Ces besoins sont satisfaits avec 50 Prim’holstein à 9 000 litres et des vêlages étalés sur l’année. « On peut faire du bon fromage avec de la Prim’holstein. Nous ne cherchons pas à monter à 11 000 ou 12 000 litres, nous demandons à nos vaches de faire une course de fond pas de faire un sprint », insiste ce sportif. Leur ration comporte moitié ensilage herbe moitié ensilage de maïs avec un peu de maïs épi, des céréales, et du tourteau de colza acheté par 30 tonnes. « Nous faisons du 'non OGM' depuis dix ans. » Sans le mettre en avant pour le moment. Depuis quelques mois, des graines de lin sont introduites dans la ration. « Il faut que l’on communique plus, sans en faire trop. » Les vaches sortent sur un parcours mais pâturent peu. « L’herbe ne pousse pas l’été ici. Le pâturage n’est pas non plus l’idéal pour les fromages, car l’herbe modifie les arômes du lait. » Le Gaec joue au maximum la transparence : "tous nos clients peuvent aller voir l’étable quand ils veulent ». Une stabulation spacieuse, bien ventilée, conçue pour nos étés chauds :  "on veut nos litres de lait l’été où sont nos mois de forte demande. »

Des investissements calés sur la productivité du travail

Tous les investissements, que ce soit sur la ferme ou en transformation, sont calés sur la productivité du travail. « Nous sommes toujours en train de nous demander comment faire mieux en gagnant du temps», résume-t-il. Le Gaec vient par exemple d’investir en transformation fromagère 20 000 € dans des blocs moules : un équipement qui permet de gagner en rendement et en qualité. « On ne raisonne pas les investissements de la même façon quand on emploie des salariés à un coût de 15 € de l’heure». Ainsi, l’engraissement des porcs a été conçu pour prendre le minimum de temps : 5 minutes matin et soir en dehors des période de nettoyage. Pour réduire le temps de traite d’un quart d’heure, le Gaec va passer cette année en 2x6; actuellement la traite des 40 vaches en lactation prend une heure dans une 2x5 épi 45°.

« Notre objectif est économique, mais nous tenons aussi à nos vacances », assure Hervé Burnot. Il prend chaque année au minimum cinq semaines de congé et estime travailler beaucoup moins que la génération de ses parents. L’organisation du travail est le point clé. Chaque associé a son domaine de compétences, tout en étant au quotidien interchangeable. « Quand on passe à quatre associés, on ne peut pas tout savoir sur tout. Et la transformation est un métier à part. » Alexandre est responsable de la ferme, Thomas de la transformation viande, Franck de l’administratif. Hervé a en charge la fromagerie et l’organisation. « On est tout le temps dans l’anticipation. Nous fonctionnons avec plusieurs plannings communs aux associés et salariés: pour les semaines à venir, les week-ends, et les vacances. Chacun sait ainsi si tel jour il travaille sur la ferme, la fromagerie, le porc ou s’il est en formation, en repos, au bureau…» Les associés travaillent un week-end sur deux (samedi et dimanche) ; les salariés un week-end par mois le matin. Une réunion entre les associés est organisée tous les lundis de 14 à 16 heures. Les salariés ont eux aussi chacun une zone de responsabilité. Une épargne salariale a été mise en place, pour l’instant limitée à 500 € mais qui devrait doubler. « Deux associés sont d’anciens salariés du Gaec, cela se voit dans l’état d’esprit ». Le salaire à l’entrée est de 1400 € net par mois. « Nous n’avons pas eu de mouvement de salariés pendant quinze ans, mais depuis un à deux ans, il y a pas mal de changements. »

« À quatre associés, on ne peut pas tout savoir sur tout »

Depuis trois ans, le Gaec vend 70 000 litres à une petite laiterie voisine. « Cela facilite énormément notre organisation du travail : le week-end on vend mais on ne fabrique plus ». La relation avec la laiterie est basée sur la confiance. Le prix est fixé à l’année (400 €/t transport compris). « Nous livrons le lait en poches stériles de 1000 litres. C’est contraignant mais ce dégagement est un régulateur très important pour nous ».

Seuls les associés assurent la traite : Hervé assure 200 traites par an, Alexandre 400, Thomas 100. « La réussite de la traite conditionne tout le reste: il faut surveiller les températures, les ferments … Nous avons trois tanks : un premier tank à 15°C puis 20°C pour le fromage lactique, un second à 30°C pour une petite fabrication-tampon de tomme, et un tank à 4°C pour la mise en poches".

L’exploitation, qui fait partie du réseau Eurodairy (voir p….), est aujourd’hui dans une phase de stabilité et d’ajustement. « Elle est à la fois forte et fragile. Les résultats économiques sont là, mais dépendent des ventes.  À nous d’être vigilants et de tenir notre qualité,» reconnaît cet éleveur de 50 ans plein d'énergie. Il en sait quelque chose: « il y a dix ans nous avions eu un problème d’affinage lié à un excès d’hygiène qui avait pulvérisé la flore d’affinage. On n'avait pas été loin de la chute totale ». Et de conclure :« même si tout ceci n’avait pas été pensé au départ, notre exploitation est cohérente ».

Les idées fortes du Gaec de Boisy

La production est calée sur les besoins en transformation.
Se développer permet d’être suffisamment nombreux.
On est tout le temps dans l’anticipation.
La reconnaissance des clients, c’est plus que de l’argent.

Côté éco

En 2017

° Produit 780 000 € dont 70% bovins

° EBE 308 555 €

° EBE/Produit 39%

° Résultat courant 115 738 €

° Valorisation du litre de lait : 1,4 €

° Actif au bilan : 1 390 000 €

° Taux d’endettement 64%

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