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COMMENT CONDUIRE LES GRANDS TROUPEAUX

À travers interviews et reportages, nous vous proposons d’entrer dans le monde des grands troupeaux laitiers. Un univers où les hommes et les femmes sont les moteurs essentiels de l’efficacité et de la réussite.

LA PROBLÈMATIQUE
D’UN GRAND
TROUPEAU, C’EST D’ABORD
DE GÉRER L’HUMAIN :
LA COMMUNICATION,
LA RÉPARTITION DES TÂCHES,
L’ORGANISATION DU PLANNING…
LA PROBLÈMATIQUE
D’UN GRAND
TROUPEAU, C’EST D’ABORD
DE GÉRER L’HUMAIN :
LA COMMUNICATION,
LA RÉPARTITION DES TÂCHES,
L’ORGANISATION DU PLANNING…
© F. Mechekour

Qu’appelle t-on grands troupeaux? Une chose est sûre, le curseur ne sera pas le même qu’on se situe au Danemark, aux États-Unis, en Arabie Saoudite ou en France. Face à des troupeaux parfois gigantesques, nos grands élevages français peuvent paraître bien petits. « En France, on peut commencer à parler de grand troupeau à partir de 80 à 100 vaches laitières, estime Philippe Arzul, vétérinaire pratiquant pour la société Vitalac spécialisée en nutrition animale, et habitué à parcourir les quatre coins de la planète pour se rendre au chevet des plus grands troupeaux du monde. Au-delà de ce seuil, les éleveurs sont forcément amenés à modifier leurs pratiques et rechercher une plus grande simplification. »

Mais passer ce cap ne s’improvise pas. Souvent, les exploitants pensent pouvoir gérer cent vaches comme ils en gèrent cinquante, et sous-estiment la phase critique à traverser. « C’est en général un pépin d’ordre sanitaire ou alimentaire qui les fait déchanter et prendre conscience de la réelle nécessité d’adopter une autre conduite de troupeau. » Il arrive aussi dans certains élevages que le cheptel augmente significativement, mais que derrière, le bâtiment ne suive pas. Et c’est le début des ennuis…

Un grand troupeau, c’est d’abord plus de personnes qui travaillent sur l’exploitation. Qu’il s’agisse d’associés ou de salariés, la gestion de la main-d’oeuvre et l’organisation du travail constituent le facteur essentiel de réussite. Comme vous pourrez le découvrir dans les trois reportages de notre dossier, à travers le cas d’un Gaec spécialisé lait, d’un Gaec multiproduction et celui d’une société de gérant avec des salariés, les problématiques de spécialisation des tâches et de personnes interchangeables sont capitales. « Il faut savoir composer lorsque l’on travaille entre associés, insiste Philippe Arzul. Et manager une équipe de salariés constitue aussi un véritable métier en soi. »

Autre dénominateur commun aux grands troupeaux : la recherche d’une plus grande productivité de la maind’oeuvre, qui implique une mécanisation accrue et des objectifs de production par vache élevés. Qui dit grand troupeau dit aussi plus d’investissements et d’engagements financiers. La dimension « entreprise » de ces structures impose un raisonnement résolument axé sur l’économique. « Il faut sortir du résultat coûte que coûte, il n’y a pas droit à l’erreur. D’où évidemment une pression plus forte sur le dos des éleveurs. »

D’autre part, dans le travail, la recherche de simplification devient omniprésente. Fini les raisonnements à la vache, le troupeau ne peut plus se gérer que collectivement. « L’adoption d’une conduite en lots permet une gestion performante. Je conseille de ne pas dépasser 70 vaches par lot. Au-delà, on pénalise les animaux les plus faibles. » Les lots sont constitués en fonction du stade de lactation. Par exemple, pour un troupeau de 140 vaches, on aura les primipares et les vaches en deuxième lactation d’un côté, et les vaches adultes de l’autre. L’objectif est de faciliter les démarrages en lactation des primipares et limiter les phénomènes de compétition à l’auge, à l’abreuvoir, etc. qui inhibent les jeunes animaux. « J’ai remarqué que les primipares parvenaient à nettement mieux exprimer leur potentiel de production (2 à 3 litres de mieux par jour) lorsqu’elles n’étaient pas mélangées aux multipares. » De même, tout changement de lot en cours de lactation, source de stress social supplémentaire, est déconseillé.

Les vaches taries sont séparées du reste du troupeau et se répartissent en deux lots : un groupe « période sèche » et un groupe « préparation au vêlage » vingt et un jours avant la date présumée du terme. Le premier lot reçoit une ration très fibreuse, commune à celle des grandes génisses. Le second reçoit une fraction de la ration des vaches en lactation (8 kg MS), du foin grossier (4-5 kg) et différents additifs tels que les précurseurs de glucose (glycérol, monopropylène glycol…) apportés à raison de 300 grammes par vache. Des sels anioniques (balance cations-anions négatives) et des CMV spécial vaches taries, enrichis en vitamines et oligo-éléments sont également distribués, pour prévenir l’amaigrissement, les fièvres de lait, les cétoses, métrites, non-délivrances, etc. « Placer les vaches dans les meilleures conditions possibles avant le vêlage évite bon nombre de problèmes post-partum. »

■ Une alimentation stable sur l’année

Le pâturage s’apparente le plus souvent à une simple aire de parcours. Plusieurs freins sont évoqués au pâturage des grands troupeaux, notamment la mise en place d’aménagements spécifiques (chemins d’accès, etc.). Le pâturage implique aussi une conduite très dépendante de la météo, ainsi que des transitions alimentaires. « Concrètement, les grands troupeaux ont tout intérêt à stabiliser leur ration au maximum », considère l’expert. Cela se traduit par une seule ration toute l’année, voire deux : une l’hiver et une l’été avec introduction d’un peu de pâturage.

Dans tous les cas, sa part ne doit pas dépasser la moitié de la ration, pour maintenir un maximum de régularité à l’auge. « L’ensilage de maïs permet cette stabilité de ration. Pour autant, les rations 100 % maïs ne marchent pas. Il faut aussi de l’ensilage d’herbe, du foin ou de la luzerne, au moins 3 kg MS par vache. »

La même ration est distribuée aux différents lots de vaches en lactation, quel que soit le niveau de production. Les élevages sont en général équipés d’une mélangeuse- peseuse pour une meilleure régularité et homogénéité et une gestion au plus près des stocks. La distribution intervient deux fois par jour à la fois pour stimuler l’ingestion et éviter le tri. « Je conseille des rations équilibrées hautes à 0,95 UFL et 16-17 de MAT pour produire entre 28 et 35 kg de lait, indique Philippe Arzul. En début de lactation, l’ajout d’un précurseur de glucose (comme pour les vaches en préparation au vêlage) est le bienvenu pour stimuler l’appétit et compenser le déficit énergétique. »

■ Des rations multi-ingrédients

La ration des grands troupeaux se caractérise par un nombre d’ingrédients important, souvent plus de dix contre cinq dans les élevages de taille classique. « L’idée est de jouer sur la complémentarité entre les différents ingrédients et d’ajuster les quantités distribuées en fonction des prix et de la disponibilité, explique Thierry Singeot, ex-gérant d’un troupeau de plus de 200 laitières (voir page 32). Plusieurs explications à cela : la sécurité alimentaire, en limitant les risques à chaque transition alimentaire ou changement de silo du fait de la moindre importance de chaque constituant ; la sécurité économique, en réduisant la dépendance à certaines matières premières ; la sécurité climatique en répartissant le risque météo sur différentes cultures ; et la sécurité digestive en améliorant l’efficacité de la ration. » Les effectifs permettent de recourir à des achats de matières premières en vrac, livrées par semi-remorques. Les éleveurs passent des contrats par l’intermédiaire de courtiers pour couvrir leurs achats sur les marchés à terme.

■ Un sanitaire axé sur la prévention

Les problèmes de santé les plus fréquemment rencontrés dans les grands troupeaux - mammites, cellules, troubles de reproduction, boiteries - sont les mêmes qu’ailleurs. Sauf que la pression microbienne se voit multipliée par deux ou trois du fait d’un plus grand nombre d’animaux. Ainsi, un épisode pathologique peut-il facilement prendre plus de proportion… D’où la nécessité de mettre en oeuvre une vraie politique sanitaire préventive. Par exemple, les vaches sont vaccinées en prévention de diarrhées et des vaccins préventifs contre les troubles pulmonaires sont réalisés sur les veaux. À partir de la deuxième lactation, les vaches reçoivent systématiquement du calcium pour prévenir les hypocalcémies.

« Les troubles rencontrés diffèrent aussi selon le type de logement. Les logettes sont nettement plus nombreuses que dans les troupeaux plus petits. Les problèmes de pattes y sont plus fréquents. Un parage des pieds deux fois par an est nécessaire, comme la présence de pédiluve en sortie de salle de traite. » Les bâtiments avec tapis de logettes et caillebotis sont de loin les plus durs, car ils sollicitent beaucoup les articulations. En aire paillée, ce sont les mammites et les cellules qui soucient davantage. « Audelà de 50 vaches, il devient difficile de maintenir une aire paillée correcte et les logettes se montrent plus adaptées. »

■ Vêlages étalés, chaleurs synchronisées

Adopter une stratégie de vêlages étalés sur l’année paraît plus adapté. Aussi bien d’un point de vue travail que sanitaire. « Les techniques de synchronisation de chaleur sont fréquentes et facilitent la surveillance. » Le temps consacré à la détection des chaleurs se doit d’être uniquement dédié à cette tâche. « Au-delà de 100 vaches, on estime aussi qu’il faut quelqu’un en permanence autour des animaux : de 6 heures du matin à 19 heures » ■ Emeline Bignon

Sommaire du dossier

Page 32 : « Tout découle de la gestion de la main-d’oeuvre » Thierry Singeot

Page 34 : « Nous avons choisi d’investir dans trois robots pour nos 200 vaches » À la SCEL O’Lait dans la Somme

Page 38 : « Notre recette, c’est la confiance et les échanges entre nous » Au Gaec Beets, dans le Loiret

Page 42 : « Nous impliquons au maximum nos salariés » À la ferme de la Tremblaye, dans les Yvelines

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