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Cibler les traitements contre les strongles

Quels animaux, quand les traiter et avec quels produits ? Le bon ciblage dépend de vos priorités, de la météo de l’année et de votre conduite de pâturage.

Les objectifs des traitements sont d’assainir les animaux, de limiter le nombre de générations de parasites et leur nombre. Cela nécessite de déterminer les moments où la multiplication des parasites est intense », a expliqué Yolande David, lors de son intervention au Breizh Vet Tour 2017. Cela ramène aux questions inhérentes à tout traitement raisonné, à savoir qui et quand traiter ? Le choix de traiter ou non repose sur un diagnostic pour évaluer les risques pour l’animal. Il prend en compte l’acquisition de l’immunité, la conduite et les conditions de pâturage, la présence ou non de signes cliniques (diarrhées…), de la météo…

"Quand traiter" revient à repérer les périodes à risque. Comme les conditions changent chaque année, il faut être assez réactif. Des outils informatiques comme Parasit’Info permettent si besoin de peaufiner le diagnostic.

Repérer les périodes à risque de forte infestation

F. Mechekour

Les périodes à risque peuvent débuter dès le début du pâturage si la contamination résiduelle de la prairie est élevée. "Cela peut arriver en cas d’hiver doux sur des parcelles pâturées tardivement l’automne précédent par des jeunes animaux non immuns. Cependant, cette contamination résiduelle est en général assez faible parce que peu de larves survivent en hiver. Elle est par ailleurs favorable à l’acquisition de l’immunité par les animaux », rappelle Nadine Ravinet. Qui plus est, « il faut plusieurs cycles parasitaires pour qu’il y ait des conséquences sur la croissance et la santé des animaux », complète la vétérinaire. Autrement dit, si votre priorité est de ne traiter qu’en période de risque avéré, il est généralement inutile de le faire en début de saison de pâturage.

De l’été jusqu’à la rentrée à l’étable, la charge en parasites varie selon les conditions météo, le chargement en animaux et la conduite du pâturage (une ou plusieurs parcelles en rotation, temps de présence des animaux…). La sécheresse réduit en général la contamination des pâtures par les larves de parasites. Cette dernière peut néanmoins augmenter à nouveau au retour des pluies. Les larves restées dans les bouses en période de sécheresse peuvent alors migrer. Un pic d’automne n’est donc pas à exclure. D’où l’intérêt des dosages de pepsinogène à la rentrée à l’étable chez les génisses ou d’anticorps anti-Ostertagia dans le lait de tank pour les vaches en lactation.

Des produits à effet flash ou rémanent

S. Leitenberger

Une fois que vous savez qui et quand traiter, une troisième question émerge : quel produit vais-je utiliser ? Pour répondre à cette question, votre vétérinaire pourra vous aider à faire le meilleur choix en fonction de vos objectifs, vos contraintes et des particularités des produits. Pour commencer, il faut savoir que les molécules ont une action soit rémanente (endectocides) soit flash (lévamisole et les benzimidazoles). « Le choix de la durée d’action dépend de l’analyse de risque. Par exemple, en cours de saison de pâturage, une molécule rémanente permettra de limiter le recyclage parasitaire. Mais à la rentrée à l’étable, il faudra se demander si une telle molécule est nécessaire. Elle ne l’est pas forcément si la charge parasitaire des animaux est modérée », indique Nadine Ravinet.

La facilité pour rattraper et manipuler les animaux pendant la saison de pâturage joue également. « Quand cela ne pose pas de problèmes, le choix en molécules est large. Dans le cas contraire, les possibilités se limitent à un traitement à la mise à l’herbe avec un bolus ou une molécule à longue durée d’action. » Mais le traitement à la mise à l’herbe est critiquable pour deux raisons. D’une part, on n’est pas certain de bien contrôler le risque parasitaire en fin de saison de pâturage. D’autre part, traiter des animaux alors que la pression parasitaire est faible est défavorable au maintien d’une population refuge de parasites dans la prairie.

Autrement dit, cette stratégie peut favoriser l’apparition de résistance des parasites aux produits de traitement. Elle a également des conséquences sur l’acquisition de l’immunité. « Avec les anthelminthiques rémanents, on privilégie les performances de croissance des animaux au détriment de l’acquisition de l’immunité », a expliqué Carole Keryvin lors de son intervention au Breiz Vet Tour 2017. Pour favoriser l’installation de l’immunité, « mieux vaut ne pas traiter en début de pâturage ou alors avec un produit peu rémanent quitte à rectifier le tir si nécessaire en cours de pâturage pour palier la phase critique où la charge parasitaire est élevée. On pourra également attendre la rentrée à l’étable », selon Carole Keryvin.

Une efficacité variable sur les différents stades de développement

La ou les cible(s) du traitement est un autre point déterminant dans le raisonnement. « S’il a pour but d’agir contre les strongles digestifs mais aussi des ectoparasites comme les poux, les agents de la gale… la seule solution est de choisir un produit de la famille des endectocides », souligne Nadine Ravinet. Par ailleurs, les molécules ne sont pas forcément actives contre tous les stades de développement des strongles. « Le Lévamisole n’est pas efficace pour traiter les larves enkystées dans la caillette. Cette molécule est par conséquent à éviter lors des traitements réalisés en fin de saison de pâturage. » Lorsque les génisses ont un peu souffert et si les analyses de pepsinogène confirment l’intérêt de traiter, alors mieux vaut utiliser des endectocides. « Les Benzimidazoles sont également utilisables mais leur efficacité contre les stades larvaires enkystés est partielle », prévient la vétérinaire.

Côté formulation, si vous êtes un adepte du traitement sélectif, il faudra quasiment oublier les formulations « pour-on », les animaux pouvant se lécher ou se frotter après l’application du produit. « C’est toutefois possible quand on peut séparer les animaux traités des non traités. » Pour un traitement sélectif, il est donc plutôt conseillé de vermifuger par voie orale ou par injection. « Pour des traitements à l’aveugle, il est préférable d’utiliser des solutions buvables plutôt qu’un traitement « pour-on » qui sont à large spectre et détruisent donc tous les strongles (larves et adultes) », prévient Gilles Rouquet, vétérinaire dans la Manche.

Combiner plusieurs méthodes de contrôle

La conduite du troupeau intervient également dans le choix. Pour des vêlages précoces par exemple, on peut vouloir jouer la sécurité en mettant l’accent sur les performances de croissance des génisses au détriment dans un premier temps de l’installation de l’immunité. Les génisses seront alors traitées avec un produit rémanent avant la mise à l’herbe ou quelques semaines après avec les limites connues sur l’acquisition de résistance des parasites aux produits de traitement et l’installation de l’immunité chez les génisses.

Quel que soit le produit que vous utilisez, n’oubliez pas de respecter le délai d’attente pour la viande et le lait quand il y en a un. Au final, pour Nadine Ravinet, « l’idéal serait de combiner plusieurs méthodes de contrôles entre elles afin de ne pas générer de résistances aux traitements : gestion du pâturage, plantes à tannins… de nombreuses pistes sont encore à explorer comme aussi la vaccination ».

Comment s’y retrouver dans les familles d’anthelmintiques ?

Il existe trois familles d’anthelminthiques utilisables chez les bovins : les benzimidazoles, le lévamisole et les lactones macrocycliques encore appelés endectocides ou avermectines-milbélycine. « Les benzimidazoles et le lévamisole ont une action flash alors que les endectocides ont une action rémanente comprise en général entre 14 jours et un mois », précise Nadine Ravinet. « L’utilisation du Lévamisole est interdite chez la vache laitière et les génisses dans les deux mois qui précèdent la mise bas », prévient la vétérinaire. « Les produits à spectre étroit et non rémanent comme les benzimidazoles sont efficaces sur tous les parasites adultes. Mais sur les larves enkystées, ils ont une activité partielle de 70 à 80 %. Cela permet de maintenir un peu d’immunité », souligne Gilles Rouquet, vétérinaire dans la Manche.

Bolus à action continue ou séquentielle

Les bolus offrent deux solutions de relargage de la matière active. Il est soit continu, soit séquentiel. Le relargage continu permet de détruire la majorité des larves infestantes avant leur implantation dans la caillette. « La libération s’étale sur environ 90 jours. Ces bolus contiennent du Lévamisole. Cette molécule a une action flash, mais le bolus permet de la relarguer progressivement », explique Nadine Ravinet.

De son côté, le relargage séquentiel, toutes les trois semaines, permet d’éviter l’émission d’œufs. Les produits proposés sur le marché sont à base de Benzimidazoles.

En savoir plus

L’éprinomectine est le seul endectocide ayant un délai d’attente nul pour le lait (15 à 63 jours pour la viande et les abats suivant la voie d’administration). Les temps d’attentes pour les benzimidazoles ont évolué ces dernières années. C’est notamment le cas du fenbendazole dont le délai d’attente lait est passé de 0 à 6 jours.

La pratique du « Dose and Move » qui consiste à traiter les animaux puis à les faire passer sur une parcelle saine n’est plus d’actualité. « Elle ne permet pas de conserver une population refuge de parasite. Mieux vaut faire passer les animaux sur une nouvelle parcelle puis les traiter quelques jours plus tard en cas de besoin », explique Nadine Ravinet.

Choisir le bon moment grâce aux outils informatiques

« Pour cibler les traitements sur les génisses, on peut soit évaluer le risque à des dates clés à savoir deux à trois mois après la mise à l’herbe et à la rentrée à l’étable, ou identifier la période à risque en cours de saison de pâturage », explique Nadine Ravinet. Pour identifier les périodes à risque, il faut prendre en compte trois éléments : la conduite de pâturage, les données météorologiques et l’historique de contact avec les strongles digestifs. C’est ici que des outils informatiques comme Parasit’info et Parasit’Sim développé par les GDS en collaboration avec Oniris s’avèrent utiles. " Parasit’Info est accessible aux éleveurs via les GDS. » Eva3P proposé par Merial est utilisé par des vétérinaires. « Ce logiciel simule le risque parasitaire de façon un peu différente. Il ne prend pas en compte de façon aussi précise la conduite du pâturage ». « Ces outils permettent d’évaluer la pertinence et l’efficacité de plusieurs stratégies de traitement, de visualiser l’impact de la conduite de pâturage et des conditions météorologiques sur le risque parasitaire ».


 

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