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Ce qu’il faut savoir pour bien utiliser les huiles essentielles

Qu’est-ce qu’une huile essentielle ? Comment agit-elle ? Et quelle efficacité en attendre ? Michel Derval, aromatologue, multiplie les formations auprès des éleveurs. Il explique le B.A.-BA pour s’initier et comprendre les bases de l’aromathérapie.

Les huiles essentielles s’appliquent de préférence sur l’épi de la vache 
ou en spray sur la mamelle.
Les huiles essentielles s’appliquent de préférence sur l’épi de la vache
ou en spray sur la mamelle.
© Cedapa

Les huiles essentielles ont le vent en poupe. En témoignent les multiples formations proposées aux éleveurs sur ce thème ces derniers temps. Cette voie est-elle prometteuse ? S’il n’y a pas, à ce jour, de véritable publication scientifique permettant d’objectiver les résultats obtenus avec des huiles pures en élevage, de nombreux producteurs les utilisent et les expérimentent au quotidien sur leur troupeau.
« Sur le département, une trentaine d’éleveurs ont déjà été initiés aux huiles essentielles. Il s’agit en majorité d’éleveurs conventionnels, animés par la même envie de découvrir l’aromathérapie et de trouver des alternatives aux antibiotiques pour soigner leurs vaches », indique Arnaud Mouillet, de la chambre d’agriculture de la Vienne, lors d’une récente session de formation. Des groupes d’éleveurs comme celui-là, Michel Derval en suit plus d’une vingtaine sur toute la France. Naturopathe de formation, il travaille depuis dix ans sur les bovins en extrapolant les connaissances et l’expérience acquises en médecine humaine. « La vache fonctionne exactement comme l’homme au regard des traitements proposés, observe-t-il. Nous obtenons des résultats très encourageants. Notamment sur les mammites, où les huiles font aussi bien que les antibiotiques. Avec moins de vingt huiles essentielles, on peut traiter la majorité des problèmes sanitaires rencontrés en élevage. » Il s’agit de produits très concentrés en principes actifs. Avec très peu, on peut accomplir beaucoup. Mais encore faut-il les utiliser à bon escient. C’est pourquoi leur usage requiert une formation spécifique d’au moins une journée pour comprendre leur mode d’action et éviter les mauvais choix. Donnons la parole à ce formateur pour approcher les bases de l’aromathérapie.


Toutes les huiles ne se valent pas


Une huile essentielle est la forme la plus concentrée sous laquelle on puisse trouver une plante aromatique. Les molécules présentes dans la plante varient selon la partie utilisée (tige, racine, feuilles), le moment où la plante est récoltée, ainsi que le lieu et les conditions de milieu dans lesquels elle est cultivée. Les propriétés de l’huile obtenue à partir de cette plante varient de la même façon. C’est pourquoi, on définit un chémotype qui affiche le nom précis de la molécule dominante dans une huile essentielle. « Prenons par exemple thymus vulgaris thymol. Thymol est le chémotype. Cela signifie que l’huile essentielle issue de ce thym vulgaire se compose en grande partie de thymol. Cette huile aura des propriétés différentes de thymus vulgaris linalol, un thym vulgaire cultivé quant à lui en climat méditerranéen. » Les conditions pédo-climatiques influent sur les molécules aromatiques produites, et donc sur les propriétés de l’huile.
La méthode de distillation joue aussi un rôle important dans la composition finale et la qualité de l’huile obtenue. Une distillation intégrale à la vapeur d’eau sous basse pression doit permettre de recueillir l’ensemble des fractions aromatiques. « L’étiquette du produit constitue sa carte d’identité. Il faut absolument y retrouver le chémotype, le pourcentage des différentes molécules et la date de fabrication. Les laboratoires les plus sûrs sont : Herbes et traditions, Essenciagua ou Prânarôm. » Enfin, pour distinguer une bonne huile à l’odeur, il doit s’en dégager un trait aromatique qui monte de façon fine et légère. Si l’odeur est lourde, ce n’est pas bon signe.

Le principe d’action repose sur la loi des contraires


La loi des contraires est le grand principe de l’aromathérapie. Pour faire simple, il s’agit de vaincre le chaud par le froid, l’humide par le sec, et vice versa. « Si un problème survient sur une vache et qu’elle développe un symptôme de type chaud, comme une fièvre ou une inflammation, il faut chercher à la rééquilibrer en utilisant une huile essentielle de type froid, explique Michel Derval. À l’inverse, en cas de problème respiratoire ou de souci lié à la repro qui sont des symptômes de type froid, on utilisera une huile essentielle de type chaud. »
Autre exemple lié à la présence de cailles dans le lait. Celles-ci correspondent chez l’animal à l’élimination d’un excès d’humidité, qu’il convient de compenser par une huile de type sec. Mais il y a cailles et cailles. « Des cailles plutôt claires, fluides et sans odeur sont un signe de froid. Tandis qu’à l’inverse, si elles se révèlent sèches comme des grains, blanchâtres ou jaunâtres, odorantes, avec présence de « mèches », c’est un signe de chaleur. Dans les deux cas, l’huile essentielle à appliquer n’est pas la même. »

Intervenir sur le germe seul ne suffit pas


L’action des huiles essentielles est différente de celles des antibiotiques qui n’agissent que contre le germe. « Traiter le germe en lui–même ne suffit pas, considère Michel Derval. Il faut aussi intervenir sur les causes du déséquilibre. Il faut donner les moyens à la vache de résoudre elle-même les choses en rééquilibrant son terrain. »
Une vache tombe malade si un déséquilibre se crée entre la toxémie, les germes et le terrain. La toxémie représente l’accumulation de déchets dans le corps ; les germes englobent les bactéries, virus, champignons, parasites ; et le terrain traduit les équilibres immunitaire, métabolique et neuro-émotionnel de l’animal. Tous les éleveurs ont pu l’observer, il n’est pas rare qu’un germe entraînant une mammite par exemple, se manifeste suite à un stress ou à un problème alimentaire, traduisant une perturbation de l’équilibre de l’animal.
En agissant à la fois sur les germes, la toxémie (par exemple grâce à une action sur le foie) et le terrain, les huiles essentielles visent à rétablir l’équilibre de l’animal. « L’effet sur les germes a été testé en laboratoire. Quatre-vingt huiles ont donné lieu à près d’un millier d’aromatogrammes qui ont permis de repérer les huiles les plus adaptées à tel ou tel germe. »

Se concentrer sur l’événement de rupture


« L’essentiel est d’identifier d’où vient le problème et la raison du déséquilibre. Quand une mammite survient, elle ne tombe pas du ciel ! Elle résulte d’un déséquilibre qui s’est opéré en amont chez l’animal. Il faut comprendre quel élément a pu déclencher ce symptôme. » Traiter la mammite sans s’intéresser à l’origine du symptôme n’est pas satisfaisant et risque de conduire à des récidives. Il faut remonter en arrière et trouver l’événement de rupture. La vache a-t-elle connu un traumatisme, a-t-elle changé de bâtiment ou reçu un nouveau régime ? « Le vêlage constitue un événement de rupture à part entière. Dès qu’un événement de rupture survient, je conseille de le traiter. Les symptômes ne sont que la réponse à un événement antérieur. Il est plus efficace de traiter la cause que les symptômes. » Il faut essayer d’oublier les symptômes pour se concentrer sur le déséquilibre et opter pour l’huile essentielle adéquate. Ce peut être un stress, un changement de lot, un changement de temps… On ne soignera pas de la même manière la mammite en fonction du point de départ. D’une manière générale, le recours aux huiles nécessite d’observer ses vaches et de porter une attention au troupeau dans sa globalité. « Chez la vache laitière, la mamelle est le lieu privilégié de la manifestation d’un déséquilibre de santé. Une vache est en quelque sorte faite pour faire une mammite. Quand elle va mal, il y a de fortes chances pour que cela se répercute sur sa mamelle. Le déséquilibre s’inscrit en général sur l’organe le plus faible de son système le plus fort. »

Utiliser les huiles en pur plutôt qu’en mélange


« Je déconseille d’utiliser différentes huiles en même temps. Les interactions entre molécules aromatiques inhibent l’efficacité infectieuse des huiles unitaires et le mélange s’en trouve moins performant, affirme Michel Derval. C’est le constat auquel nous sommes parvenus suite aux expériences menées avec le groupe d’éleveurs de l’Adage en Ille-et-Vilaine(1). En employant un mélange de trois huiles essentielles, on crée en fait un nouveau produit. » Des chromatographies effectuées en laboratoires ont permis de visualiser toutes les molécules présentes dans chacune des trois huiles essentielles. Elles différaient de celles retrouvées dans le mélange de ces trois mêmes huiles : certaines molécules avaient disparu, et de nouvelles étaient apparues. « D’autre part, les mélanges d’huiles vieillissent mal. En moins de quatre mois de conservation, ils n’affichent plus aucune action bactériostatique, contrairement aux huiles pures qui peuvent se conserver très longtemps. »
S’il vaut mieux travailler avec des huiles seules, il est par contre recommandé d’utiliser plusieurs huiles essentielles successivement, en les échelonnant sur les différentes phases de la maladie. Une première huile au début, pendant l’inflammation, une seconde au moment où les symptômes s’expriment le plus, puis une troisième quand les signes visibles ont disparu. Les éleveurs peuvent aussi utiliser plusieurs huiles en simultané mais à différents endroits du corps. Par exemple, lepstospermum sur la mamelle, ocimum basilicum sur l’articulation fémoro-tibiale et cymbopogon martinii sur l’épi. Mieux vaut aussi connaître les propriétés des huiles essentielles : litsea citrata et eucalyptus citriodora sont par exemple des huiles essentielles qui ont une forte action anti-inflammatoire, thymus vulgaris à thymol agit plutôt contre le germe, tandis que leptospermum scoparium a une action contre la toxémie.

 


(1) Synthèse des six ans d’expérimentation le 24 mars à Rennes (voir p. 24).

Conseils pratico-pratiques

 

. Pour la conservation, les huiles ont deux ennemis : l’air et la lumière.
Les huiles s’oxydent facilement. Aussi faut-il les conserver à l’abri de la lumière dans des flacons bleus ou bruns et faire attention à bien revisser le bouchon mais sans trop le serrer non plus (sinon il se fissure et l’huile s’évapore). À cette condition, elles se conservent des années durant. La date de péremption inscrite sur l’étiquette est une simple obligation légale. Les huiles ne craignent pas le gel ; elles peuvent éventellement cristalliser mais elles retrouvent leurs propriétés en se réchauffant.


. Le traitement dure cinq jours minimum, l’idéal se situe entre sept et dix jours. L’action est rapide. Si on a fait le choix de la bonne huile, on voit un effet dans les deux heures qui suivent.


. On parle en nombre de gouttes. Il existe deux types de gouttes : la goutte codex, c’est le langage officiel utilisé dans les prescriptions, et la goutte codigoutte, celle qui tombe du flacon. Elle correspond à 1,5 goutte codex. Pour les bovins, il y a peu d’incidence étant donné la masse corporelle de l’animal.


. L’application peut se faire par voie externe ou orale. La voie intramammaire ne donne pas de bons résultats. Il est possible d’appliquer les huiles par massage à main nue. Éviter les gants car certaines huiles dégradent le plastique. L’idéal est de recourir à un spray (des vaporisateurs s’adaptent aux flacons). Cela permet une meilleure diffusion et évite le contact de l’éleveur avec l’huile.


. L’efficacité est meilleure en certains points que d’autres. Le plus efficace est de verser les gouttes sur l’épi du garrot. Attention, les huiles de la famille des phénols et des aldéhydes aromatiques ne s’appliquent jamais sur l’épi car elles brûlent le cuir et la peau. Il est possible de les étaler sur la mamelle, le pli du grasset ou du creux du jarret.

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