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A l´étranger/Argentine
Avec du lait compétitif, après la crise, l´Argentine laitière mise sur l´export

Ces deux dernières années, la filière laitière argentine a retrouvé ses couleurs d´avant-crise. La production laitière s´est redressée, la consommation commence à repartir, les exportations ont explosé. Le lait est considéré comme un des produits agricoles les plus rentables.


La crise qui a secoué l´Argentine entre 1999 et 2002 aura été aussi brève que violente. Aujourd´hui, la crise est déjà loin, et l´Argentine laitière regarde posément l´avenir. La filière de l´or blanc est aujourd´hui considérée comme l´une des plus rentables du domaine agricole, aussi bien au niveau de la production que de la transformation. Dans ce pays où les quotas n´existent pas, la production laitière augmente. Le marché intérieur se développe progressivement grâce à l´augmentation du pouvoir d´achat des Argentins. Le pays n´a jamais autant exporté qu´en 2004 et 2005 (plus qu´avant la crise), grâce à un marché mondial porteur et une monnaie sous-évaluée qui rend les produits argentins très compétitifs.
La production laitière argentine est concentrée sur cinq provinces situées autour de Buenos Aires, la zone tempérée du pays. La plaine de Buenos Aires fait l´effet d´un désert vert. Des parcelles immenses de céréales, soja, tournesol, de larges prairies où paissent les bovins, et bien peu d´hommes. En Argentine, les fermes laitières sont grandes : environ 70 % possèdent plus de 100 vaches.

La ferme laitière argentine type possède en moyenne 180 vaches laitières de race Prim´Holstein, et s´étend sur environ 250 hectares. Le système repose sur un maximum de pâturage (67 % en moyenne de l´alimentation), géré de façon extensive. Les vaches sont à l´herbe toute l´année, grâce à un climat sec et froid l´hiver, et chaud et humide l´été.
Le reste de l´alimentation est composé en moyenne de 11 % de fourrages ensilés et de 22 % de concentrés. Tout est produit sur l´exploitation, de façon économe. Le système argentin affiche ainsi des coûts de production parmi les plus faibles du monde, de l´ordre de 0,09 euro par litre de lait. Les autres charges sont également maîtrisées. La salle de traite est souvent le seul bâtiment, et l´équipement est souvent simple. Les travaux des champs sont exécutés par des entreprises. La main-d´oeuvre est peu chère.

Les grandes fermes argentines appartiennent souvent à des entrepreneurs, qui ont parfois des intérêts financiers engagés dans d´autres activités économiques, agricoles ou non. Federico Guillermo Stegmann est vice-président de l´association AAGREA (équivalent de nos Ceta) et éleveur de 800 vaches. « Mon cas est courant en Argentine. Je partage mon temps entre l´exploitation, où je dirige mes salariés, et la ville, où je négocie des achats et des ventes pour la ferme et où je m´occupe aussi de mes autres activités. » Les entrepreneurs agricoles argentins emploient des responsables et des ouvriers agricoles. Les salariés peuvent parfois loger sur place, si la ville est trop loin. Sur la ferme Las Liebres, le salaire des ouvriers agricoles est d´environ 300 euros par mois. Sur la ferme de Federico Guillermo Stegmann, le salaire est d´environ 330 euros par mois, avec un treizième mois en plus.
Une aire d´attente dans un grand élevage argentin. Les bâtiments sont des plus simples, le plein-air est la règle. les charges de structure sont réduites au strict nécessaire. ©C. Pruilh

La production laitière a rattrapé son niveau d´avant-crise
L´Argentine comptait 21 000 exploitations laitières au début des années quatre-vingt-dix. Aujourd´hui, elles ne sont plus que 10 630, et la baisse du nombre d´exploitations devrait se poursuivre. « Certaines fermes ne sont pas reprises après le départ en retraite du propriétaire, d´autres arrêtent le lait pour faire des grandes cultures, plus faciles à produire. La pression urbaine joue aussi : c´est à proximité de Buenos Aires que la baisse du nombre d´exploitations est la plus forte », commente Federico Guillermo Stegmann.
Les exploitations restantes grossissent, et la production laitière nationale augmente. Elle est passée de 7,9 milliards de litres en 2003, son niveau le plus bas durant la crise, à près de 9,9 milliards de litres en 2005. Dans un futur proche, l´Argentine devrait atteindre à nouveau les 10,3 milliards de litres de lait qu´elle produisait en 1999. « La croissance du secteur laitier est liée à sa rentabilité par rapport aux autres productions : maïs, soja, etc. », expose Sean Scally, président de DeLaval pour l´Amérique latine(1). Les Argentins considèrent en effet l´activité laitière comme rentable.

Le prix du lait est de 150 euros pour 1000 litres, et les coûts de production tournent autour de 90 euros pour 1000 litres. La marge brute à l´hectare est considérée comme très bonne ; elle dépasse celle du soja. Par contre, « les investissements et la main-d´oeuvre sont plus élevés dans l´élevage laitier. La rentabilité finale est meilleure pour le soja », nuance Federico Guillermo Stegmann.
« L´inflation reste forte en Argentine, ce qui a des répercussions sur les charges des agriculteurs », ajoute la mission économique de l´ambassade de France en Argentine. La perspective d´une baisse de leur marge brute incite les éleveurs à augmenter la production laitière de leur exploitation. La production argentine augmente sous l´effet de la hausse modérée du nombre de vaches (2,1 millions actuellement) et plus encore sous l´effet de l´amélioration du rendement laitier des vaches. En 2004, il était en moyenne de 4400 litres par vache et par an. « Les éleveurs utilisent de plus en plus l´ensilage de maïs. Nous cherchons à augmenter le rendement fourrager, pour supporter la concurrence du maïs, du soja et du blé », explique Federico Guillermo Stegmann.
Le lait est produit dans cinq provinces sur vingt-trois.

Les taxes à l´exportation agacent les exportateurs
L´activité laitière a également repris au niveau des entreprises de transformation. « Les entreprises multiplient les projets d´investissement. Les bons résultats sont portés par la santé du marché interne et encore davantage par le niveau des prix à l´exportation », annonce la mission économique de l´ambassade de France en Argentine.
La consommation des ménages avait accusé un net recul pendant la crise, passant de 230 litres équivalent lait par habitant (1997-1999) à 160 litres au plus fort de la crise. L´année 2004 a signé le retour à la croissance du marché intérieur. « Aujourd´hui, la demande intérieure croît de 6 à 7 % par an. Et la consommation est d´environ 200 litres par habitant », indique Federico Guillermo Stegmann.

En 2004, les exportations de produits laitiers argentins ont véritablement explosé : 59 % de volume en plus par rapport à 2003, et 85 % de plus en valeur ! Elles représentaient alors le quart des destinations des produits laitiers. Ceci est le résultat de l´effet combiné d´une hausse de la production, d´une reprise trop timide de la consommation intérieure, d´un marché mondial porteur et d´une monnaie argentine (pesos argentin) sous-évaluée qui rend l´export très lucratif. « En 2005, la hausse des exportations s´est ralentie. D´une part, la demande intérieure s´est renforcée. D´autre part, les taxes à l´exportation ont joué leur rôle dissuasif. Je pense que l´année prochaine, les exportations devraient se maintenir à leur niveau actuel », indique Federico Guillermo Stegmann. Les taxes à l´exportation ont été instaurées « provisoirement » par l´Etat argentin pour maîtriser l´inflation. L´export étant beaucoup plus lucratif que le marché intérieur, le pays risquait de se vider des denrées alimentaires qu´il produit. Or qui dit produit rare, dit produit cher.
Les taxes à l´exportation sont de 15 % pour les poudres de lait, de 10 % pour les fromages, de 6 % pour les yaourts. En freinant les exportations, ces taxes ont permis aux prix locaux de rester faibles, et par conséquent de relancer la consommation. Aujourd´hui, les agriculteurs et les entreprises agro-alimentaires réclament leur baisse, voire leur suppression.
Traditionnellement, l´Argentine exportait essentiellement chez ses voisins d´Amérique du sud et au Mexique. Aujourd´hui, les exportateurs visent tous les marchés. L´Algérie est devenue en 2004 le premier client de l´Argentine (28 % du volume total exporté). Le Venezuela occupe la deuxième place. Le Brésil et le Mexique arrivent ensuite. « Le développement de la Chine et de l´Inde représente une grosse opportunité pour l´Argentine : une demande importante et une absence de barrière à l´entrée de ces marchés », estime Enrique Szewach, économiste, conseiller à la Chambre de commerce argentine. Mais l´éloignement géographique rend l´activité exportatrice de l´Argentine dépendante de l´évolution du prix du transport.
Les fermes argentines continuent de grossir.

Chiffres clés
 Superficie : 277 millions d´hectares (5 fois la France) ;
 SAU : 129 millions d´hectares, dont 3/4 en prairie ;
 population : 39,5 millions d´habitants (60,6 millions en France) ;
 production laitière : 9,9 millions de tonnes de lait de vache (quota de 24,24 millions de tonnes en France) ;
 prix du lait : en 2002, entre 80 et 90 euros/1000 litres. En 2004, environ 120 euros/1000 litres.
En 2005, 120 euros en début d´année, 150 euros au mois d´août ;
 exportations : l´Argentine est exportatrice nette de produits laitiers.
Source : Ambassade de France, Economia lactea

(1)DeLaval est leader sur son marché en Amérique latine.

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