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Agriculture péri-urbaine
Avec 76 000 hectares qui disparaissent chaque année, l´urbanisation menace les terres agricoles

L´équivalent de la SAU d´un département français disparaît tous les 6 ans, avalé par l´urbanisation. Pour ralentir le phénomène et protéger les meilleures terres, le Conseil économique et social prône une réforme de la politique foncière.


« On constate un véritable gaspillage des terres : à croissance économique égale, la France consomme deux fois plus de foncier que l´Allemagne », dénonce le Conseil économique et social dans son rapport qui propose au gouvernement des solutions concrètes face à l´incohérence de la gestion foncière. C´est lors de la présentation le 12 avril dernier de ce rapport intitulé « La maîtrise foncière » : clé du développement rural « que le CES a souligné l´importance d´une véritable politique foncière. En effet, si la régulation entre les différents usages du sol devait se faire par l´ajustement entre l´offre et la demande, les terres agricoles disparaîtraient à un rythme accéléré.
Or la tendance à l´étalement urbain se poursuit depuis les années soixante. On est passé d´une situation d´exode rural à une situation d´exode urbain, principalement lié à la croissance démographique, au coût du foncier en ville et aussi à l´attachement des français à l´habitat individuel. Depuis peu on assiste aussi à un mouvement de déconcentration industrielle vers le périurbain.

« Entre 1992 et 2003, la surface agricole utilisée a diminué de 76 000 hectares par an. 55 000 hectares ont été artificialisés dont 35 000 hectares pour l´habitat et 10 000 hectares pour les réseaux (routes, lignes de chemin de fer, canalisations de distribution d´eau, de gaz.). L´équivalent de la SAU d´un département français disparaît tous les 6 ans, avalé par l´urbanisation », précise Jean-Pierre Boisson, le rapporteur du CES sur ce sujet, maire de la ville de Châteauneuf du Pape et président de la Chambre d´agriculture du Vaucluse. Hors Ile de France, le Nord et le Rhône sont les départements les plus urbanisés. « L´urbanisation se fait souvent en plaine ou dans les vallées, c´est-à-dire au détriment des meilleures terres agricoles. Or, les terres à haut potentiel agronomique ne représentent que 6 millions d´hectares. Elles pourraient donc être rapidement épuisées », remarque Antoine de Boismenu, directeur de la FNSafer.
De plus, les espaces agricoles sont véritablement déstructurés et compartimentés par l´habitat diffus et les réseaux. La pression foncière urbaine est la plus forte dans les zones d´habitat dispersé, notamment dans les zones de bocage traditionnel, à la périphérie des agglomérations, le long des grands axes de communication, de vallées et du littoral, dans les zones touristiques, ou encore au sud.
Pourtant il existe un stock de friches industrielles important (15 000 à 20 000 ha) qui pourrait offrir des espaces pour l´urbanisation mais cette réhabilitation a un coût et n´est pas toujours possible.
Sur le marché foncier de l´artificialisation, ce sont surtout les collectivités qui interviennent. Leurs achats se font sur des lots importants en surface à des prix par hectare moindre. Le marché de l´espace résidentiel et de loisir perturbe aussi le marché agricole. Il suffit qu´un urbain offre 10 à 20 % de plus qu´un agriculteur pour être en mesure d´acheter.
Dans la région Nord-Pas-de-Calais, 15 % du territoire est occupé par des usages urbains, soit presque le double de la moyenne nationale. ©S. Roupnel

Les terres à haut potentiel sont les plus menaçées
En termes de politique foncière, le CES estime qu´il convient de s´orienter vers des documents plus pérennes que ceux existants et plus précis pour s´imposer concrètement aux documents d´urbanisme qui sont des documents de projets à court terme. Pour ne pas laisser les maires seuls décideurs, la politique foncière doit reposer sur une cohérence entre les différents niveaux territoriaux. Le CES propose donc une politique foncière nationale menée sur le long terme et basée sur la définition de « zones naturelles et agricoles à protéger ». Ce zonage serait défini tant du point de vue de la richesse biologique que de l´intérêt agronomique. Pour le CES, la région semble être l´échelon territorial le plus adéquat pour organiser la politique foncière. Il propose d´élargir les prérogatives des opérateurs fonciers qui interviennent pour le compte des collectivités territoriales : les établissements publics fonciers et les Safer.
Il s´agit aussi de créer un opérateur foncier des espaces naturels et ruraux compétent à l´échelon régional. Ce rôle devrait être assuré par les Safer, notamment en élargissant leur droit de préemption pour motif environnemental et de développement rural à l´ensemble des espaces naturels et ruraux. Ce droit de préemption ne pourrait s´exercer que sur demande des collectivités, de l´Etat et des parcs régionaux. Il conviendrait aussi d´augmenter de 100 millions d´euros les capacités de stockage des Safer au profit des collectivités. Par ailleurs, selon le CES, il est nécessaire de mettre en place une fiscalité adéquate qui pourrait notamment contribuer au financement d´une politique foncière. Il propose une fiscalisation de la plus-value immobilière résultant des documents d´urbanisme, indépendamment de la durée de détention des terrains. Il conseille aussi de généraliser la taxation du terrain pour accompagner le changement d´usage conformément au document d´urbanisme.
Le prix des terres urbanisées est en moyenne 17 fois plus élevé que le prix de la terre agricole. ©S. Roupnel

Créer une structure compétente à l´échelon régional
Le CES souhaite en outre encourager la transmission des terres agricoles et supprimer la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Il contribue ainsi à ouvrir les yeux des décideurs politiques sur un problème que l´aspect lucratif occulte. « Les terres agricoles ne sont souvent considérées que comme des espaces libres et donc disponibles. Elles constituent pourtant l´outil d´un secteur économique à part entière et une richesse naturelle », observe André Thévenot, président de la FNSafer.
Dans certains départements (Vaucluse, Loire-Atlantique...) des chartes ont été élaborées afin de prendre en compte l´agriculture dans les démarches d´aménagement du territoire (lire en pages d´actualité, en début de revue). Ces chartes ont été signées par les services de l´Etat (DDE, DDAF, préfecture), les associations des maire et les Chambres d´agriculture.
Le débat semble aujourd´hui remonter au niveau national mais encore faudrait-il que le gouvernement intègre ces aspects dans la future loi d´orientation agricole.

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