Ammoniac : Cinq leviers pour réduire les émissions dues aux effluents d’élevage
De la gestion des effluents en bâtiment jusqu’à l’épandage, des leviers permettent de réduire les émissions d’ammoniac, tout comme l’ajustement de l’alimentation protéique ou l’augmentation du pâturage.
De la gestion des effluents en bâtiment jusqu’à l’épandage, des leviers permettent de réduire les émissions d’ammoniac, tout comme l’ajustement de l’alimentation protéique ou l’augmentation du pâturage.
Les réglementations européennes et nationales liées à la qualité de l’air visent une réduction des émissions d’ammoniac, précurseur des particules fines, de 13 % à horizon 2030 par rapport à 2005.
L’élevage bovin est fortement contributeur (22 % des émissions en France), notamment les troupeaux laitiers qui, comparé aux bovins viande, passent plus de temps en bâtiment et sont plus souvent en système lisier. Heureusement, il existe des solutions qui devraient permettre de respecter cet engagement. En bonus, ils présentent d’autres intérêts pour les éleveurs : amélioration de la qualité fertilisante des effluents, économie de correcteur azoté…
1 - Ajuster l’alimentation protéique
« Nous avons travaillé sur trois scénarios pour réduire les émissions d’ammoniac dans l’air, a décrit Vincent Manneville, de l’Institut de l’élevage, lors d’une conférence au Space. Le premier est un ajustement de l’alimentation. Une baisse de 10 % de la MAT des rations des vaches laitières, sans changer le temps de pâturage, permettrait un abattement des émissions d’ammoniac de 4 % dans les élevages bovins lait. »
2- Couvrir les fosses à lisier
Le deuxième scénario est d’augmenter le nombre de fosses à lisier couvertes et d’atteindre 25 % de fosses avec une croûte végétalisée maîtrisée et 70 % de fosses couvertes avec une bâche spécifique. Ce levier permettrait un abattement d’émissions de 3,5 % en élevage bovin lait.
« La couverture de fosse de type bâche permet de réduire de 60 % les émissions d’ammoniac qui ont lieu quand le vent favorise la volatilisation de l’ammoniac dans l’air, explique Vincent Manneville. Mais elle peut augmenter les émissions de gaz à effet de serre, notamment le méthane, en provoquant une augmentation de la température du lisier. »
La croûte végétalisée maîtrisée permet un abattement de 50 % des émissions d’ammoniac et elle n’a pas cet inconvénient de favoriser les émissions de GES. « Le croûtage naturel peut être "maîtrisé" avec un saupoudrage de paille d’orge, d’avoine ou de triticale à la surface du lisier pour former rapidement la croûte ou la reformer après un brassage. Cette solution très peu coûteuse et efficace mérite d’être travaillée, pour affiner les bonnes pratiques. »
3 - Enfouir rapidement est très efficace
Le troisième scénario est d’utiliser les pendillards pour 80 % des épandages de lisier et d’enfouir dans les quatre heures 20 % du fumier et 20 % du lisier. La réduction d’émissions espérée est de 15,4 % en élevage bovin lait. « Enfouir très rapidement demande du matériel spécifique et/ou une organisation du travail et de la main-d’œuvre disponible, ce qui peut constituer un frein. Mais c’est le levier le plus efficace », fait remarquer Vincent Manneville.
La combinaison de ces trois leviers permettrait de réduire de 23 % les émissions des élevages bovins lait. « L’objectif politique pourra donc bien être respecté au niveau des bovins laitiers », conclut Vincent Manneville.
4 - Augmenter la durée de pâturage
Au pâturage, les émissions d’ammoniac sont sensiblement moindres qu’en bâtiment. Pour l’expliquer, Xavier Vergé rappelle que l’ammoniac provient essentiellement des urines et qu’il est émis rapidement, dans les douze heures. « Au pâturage, il y a une sorte de "séparation de phase" naturelle qui s’effectue : avec d’un côté les fèces et de l’autre les pissats qui sont très rapidement intégrés dans le sol. » D’autre part, l’herbe est un couvert qui limite la volatilisation.
5 - Racler toutes les deux heures
En bâtiment, il est recommandé d’éliminer au plus tôt le lisier, avec un raclage toutes les deux heures. « Pour réduire vraiment les émissions avec un raclage plus fréquent, il faut que le sol soit bien plat et que les racleurs soient équipés de caoutchouc en bon état », insiste Xavier Vergé, de l’Institut de l’élevage. La séparation de phase avec élimination rapide des urines peut aussi être recommandée. Elle peut se faire par des sols en pente ou par égouttage des raclages pour ne laisser que la partie solide en tas. Des tapis pour les aires d’exercice permettent de récolter l’urine séparément des fèces.
Le saviez-vous ?
Efficace, l’acidification du lisier est peu pratiquée en France. « Un lisier plus acide (pH __SWYP_INC__ 6,5) émet moins d’ammoniac », explique Xavier Vergé, de l’Institut de l’élevage. De l’acide sulfurique ou du vinaigre est ajouté dans la fosse ou dans la tonne à lisier avant épandage. Des additifs à base de minéraux permettent aussi de réduire les émissions. « Mais dans les deux cas, ce sont des produits chimiques à manipuler avec précaution. Nous nous interrogeons également sur leurs effets agronomiques. »
Chiffres clés
94 % des émissions d’ammoniac proviennent de l’agriculture en France
37 % sont liées aux activités d’élevage
22 % sont attribuables aux élevages bovins