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Actionner le levier génétique en sens inverse

Après des années de dégradation du TB, surtout en Prim’Holstein, les tendances de sélection commencent à s’inverser. Le croisement et le changement de race sont d’autres options.

Au cours des vingt dernières années, le niveau génétique de la race Prim’Holstein en taux butyreux (TB) a reculé de 3 g/kg. Un effet très net de la pénalisation de la matière grasse qui a orienté des choix génétiques en défaveur du TB. Ce recul ne s’est pas totalement exprimé dans la production (- 1,6 g/kg à 39,3 g/kg en 2016) car il a été compensé par la conduite des troupeaux. Cette baisse du niveau génétique est beaucoup moins forte dans les autres races, voire inexistante en Brune, Simmental et Tarentaise. Mais, la Prim’Holstein représentant les deux tiers des vaches laitières, cette dégradation du TB pèse beaucoup sur le troupeau français et explique en partie le déficit actuel de matière grasse. Ce qui n’empêche pas la Prim’Holstein d’être la plus grosse productrice de matière de grasse (326 kg/an) vu sa capacité à produire beaucoup de lait. Les entreprises recherchant davantage de matière grasse et pas vraiment plus de lait, c’est bien l’augmentation du TB qui est le plus adaptée à cet objectif. Par chance, le TB génétique des Prim’Holstein commence à repartir à la hausse. « Les taureaux choisis depuis 2010 n’étaient pas très laitiers : en mettant moins la pression sur le lait, cela a eu pour effet de libérer les taux, explique Pascale Le Mezec, chef de projet génétique à l’Institut de l’élevage. Mais, il faut six à sept ans entre le choix de taureaux et les effets sur le troupeau des femelles. On attend une amélioration génétique de 0,5 g/kg de TB pour le troupeau Prim’Holstein de 2020. Le point bas semble passé avant même qu’on se soit posé la question de la matière grasse. »

Une offre d’index TB positif de plus en plus étoffée

La voie la plus facile pour améliorer le niveau génétique du TB consiste à inscrire ce critère dans les objectifs de sélection. « Vu qu’il y a une forte variabilité de potentiel génétique dans la population et que ce caractère est très héritable, l’éleveur peut avoir un retour très rapide », affirme Étienne Doligez, spécialiste génétique à Littoral normand. Dans les catalogues des entreprises de sélection, l’offre de taureaux avec un index TB positif est de plus en plus étoffée. « Il y a une corrélation négative assez forte (- 0,3) entre production laitière et TB. Il est donc difficile de sélectionner efficacement les deux, prévient-il. En revanche, il y a une corrélation très positive entre TB et TP. »

Les autres voies génétiques sont plus radicales parce qu’elles ont des implications sur le système de production. Elles consistent à faire appel à une race qui a de meilleures aptitudes beurrières. Soit par croisement soit par changement partiel ou total de race. La Jersiaise est en train de connaître un fort regain d’intérêt de par ses TB hors normes (55,9 g/kg au contrôle laitier 2016), même si d’autres races ont aussi capacité à améliorer le TB, comme la Normande ou la Brune.

Gérer la cohabitation d’animaux de races différentes

L’introduction de vaches d’une autre race dans le troupeau permet d’aller plus vite dans la reconquête du TB. Mais, il faut être prêt à gérer la cohabitation d’animaux de gabarits et caractères différents. Les échos de terrain semblent dire que ça se passe plutôt bien. « Introduire 10 % de Jersiaises à 4 500 litres dans un troupeau de Prim’Holstein à 9 000 litres augmente le TB du troupeau de moins d’un point, mais diminue la production laitière de 5 %, calcule Étienne Doligez. Il faut en mettre beaucoup pour que l’effet soit vraiment visible et, dans ce cas, cela modifie fortement la conduite du troupeau et nécessite sans doute une adaptation des installations. » Le changement complet de race a des conséquences encore plus radicales : sur la matière grasse mais aussi sur la production laitière, la valorisation des veaux et réformes… Et, l’intérêt que suscite une race comme la Jersiaise renchérit le prix des génisses. « Il faut avoir un regard d’ensemble sur les conséquences positives et négatives d’un tel changement y compris sur le système fourrager et le travail », recommande Étienne Doligez. Et, bien évidemment les chiffrer.

« Considérer plutôt la quantité de matière grasse »

« Si la date de diffusion et la formulation du nouvel ISU ne sont pas encore arrêtées, il est en tout cas certain que cette nouvelle formule donnera plus de poids à la matière grasse. Il faudra plusieurs années avant d’en voir les premiers effets mais la forte héritabilité de l’index TB devrait permettre d’avoir une réponse rapidement visible. Nous observons que les éleveurs y accordent déjà de l’importance. Dans les taureaux utilisés en 2016, sur 1,5 million d’IA premières, le TB est en moyenne à + 1,5, en hausse de 0,3 point par rapport à l’année précédente. Parmi les taureaux qui sortent tous les ans, il n’y en a pas davantage avec des index positifs en taux mais ils sont plus utilisés et les taureaux négatifs sont moins demandés. On trouve des taureaux très hauts en TB mais, souvent, ils sont trop faibles en lait. Il faudrait plutôt considérer la quantité de matière grasse et ne pas descendre au-dessous de 500 en lait, en particulier dans les élevages avec robots de traite qui ont besoin de démarrer haut en lait, tout en gardant des taux positifs. Pour progresser, il faudrait viser au moins 50 kilos de matière grasse. Dans l’offre de taureaux français, il y a une soixantaine de taureaux qui répondent à ce critère. Il faut aussi prendre en compte les index fonctionnels et morphologie, mais cela laisse un certain choix. »

Rémy Vermès, du service fichier de Prim’Holstein France

Un effet d’hétérosis sur les taux est quasiment nul

En ce qui concerne le croisement entre races, "il n’y a quasiment pas d’effet hétérosis, le TB sera donc intermédiaire entre les deux races », explique Pascale Le Mezec. « C’est un moyen d’adapter progressivement le troupeau et de moins bouger le standard des vaches que si on passait en Jersiaise. Mais, les effets sont amoindris », analyse Étienne Doligez. Souvent, le croisement trois voies est utilisé pour mieux préserver l’effet d’hétérosis sur la production et la reproduction.

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