Marchés agricoles
« Nous sommes sur la corde raide »
À l’occasion de la sortie de Cyclope 2012, Philippe Chalmin a rappelé à quel point le monde des marchés est « instable ».
« LE CHOC des marchés mondiaux, qui a démarré en 2006 et que l’on croyait voir s’achever en 2008, se poursuit avec des prix équivalents à 2008 voire 2011 », a estimé Philippe Chalmin à Paris, lors de la présentation de Cyclope 2012, qui fait chaque année le point sur les matières premières. Pas de grande révélation donc, pour cette nouvelle édition, mais le constat d’une instabilité toujours d’actualité sur les marchés, agricoles compris. Seule certitude, les stocks de matières premières restent limités et les besoins ne cessent de progresser, notamment en Asie.
Quid de la demande mondiale
« Alors que le taux de croissance de l’économie chinoise a été ralenti, à 8,2 % ces derniers mois par la volonté de Pékin d’éviter la surchauffe de l’économie du pays, je table sur un taux de 9 à 9,5 % annuel, et cela changera la donne des marchés mondiaux de matières premières », a évalué l’économiste Philippe Chalmin. Si le professeur parisien ne se trompe pas, cette croissance s’accompagnera vraisemblablement de celle de la demande en viande carnée et donc de maïs, tirant ainsi les importations chinoises et les prix sur le marché mondial. Si les stocks sont abondants et devraient continuer de l’être étant donné les surfaces plantées cette année, se posera tout de même la question du programme éthanol nord-américain, dont certaines subventions ont déjà été remises en question. Mais peut-être que la Chine se décidera à produire son maïs plutôt que d’importer massivement, comme s’est interrogé François Luguenot, responsable de l’analyse des marchés chez InVivo. A noter également que d’importants projets de culture de soja ont été lancés par la Chine sur les terres brésiliennes, confirmant ainsi l’intérêt du pays pour les matières premières agricoles.
La demande de certains pays importateurs, notamment du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, sera également un facteur de fermeté avec un printemps arabe qui s’est traduit, entre autres mesures, par « une volonté de maintenir un niveau de consommation de leurs habitants en céréales, huiles, sucre et viande », commente Philippe Chalmin. « Tout est largement lié. Au niveau de la demande mondiale, nous sommes littéralement sur la corde raide », conclut-il.
Régulation des marchés en panne
« Malgré des efforts, la communauté internationale est impuissante à réguler (...). Jamais au fond, la panne de la gouvernance mondiale n’a été aussi patente. Jamais aussi les espoirs de résultats concrets n’ont été aussi lointains. Il n’y a vraiment plus de pilote dans l’avion », a insisté Philippe Chalmin, faisant référence aux nombreuses réunions internationales de Durban à Genève (cycle de Doha), en passant par le G20, qui n’ont pas accouché de réforme importante. Une régulation qui pourrait aussi passer par une production plus importante. Mais là aussi, les efforts seraient trop minces. « Le temps de l’investissement dans les matières premières est un temps long et nous avions oublié, avec la crise, que nous avions besoin de nourrir, d’éclairer... une population toujours plus importante ». Si les achats de terre transnationaux se poursuivent, les conditions d’exploitation ne sont pas suffisantes suivant les régions. Par ailleurs, le modèle d’une agriculture plus raisonnée, et certains blocages (OGM et gaz de schistes, notamment) au niveau de l’Union européenne, s’intègrent difficilement dans cet objectif d’accroissement de la production mondiale de denrées agricoles.