Les marges brutes de la meunerie se dégradent à nouveau en 2024
Selon l’Observatoire de la formation des prix et des marges de FranceAgriMer, les marges brutes de la meunerie ont reculé en 2024. Les comptes de résultats de l’industrie demeurent inquiétants, selon l'ANMF.
Selon l’Observatoire de la formation des prix et des marges de FranceAgriMer, les marges brutes de la meunerie ont reculé en 2024. Les comptes de résultats de l’industrie demeurent inquiétants, selon l'ANMF.

L’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) de FranceAgriMer a publié ses résultats de décomposition des prix en 2024 et d’évolution des marges nettes en 2023 pour la filière blé-farine-pain. Selon le rapport 2024, le prix moyen de la baguette a augmenté en 2024, tandis que les marges brutes de la meunerie ont reculé après leur reconstitution l’année précédente. « Elles restent cependant plus élevées que celles observées en 2020 et 2021 », remarque Anne-Céline Contamine, directrice de l’Association nationale de la meunerie française (ANMF). La contribution de la meunerie dans le prix de la baguette recule ainsi de 0,8 point en 2024, pour atteindre 6,8 % du prix au détail hors TVA de la baguette. « La part de la marge brute de la meunerie (en diminution de 2017 à 2022) baisse à nouveau après s’être redressée en 2023 », précise le rapport.

La progression des marges brutes des boulangeries et de la distribution tire les prix au détail vers le haut en 2024
Entre 2023 et 2024, si la baisse des cours du blé s’est traduite par une baisse de la contribution de la matière première agricole au prix de la baguette, ce sont les marges brutes en aval de la meunerie qui ont soutenu la hausse des prix de la baguette. Ceux-ci ont en effet augmenté de 1,2 % en 2024, sous l’inflation alimentaire à 1,4 % d'après l’Insee.
Selon Anne-Céline Contamine, « cela montre la nécessité d’appliquer un juste prix de la farine pour permettre à la meunerie française d’investir et de gagner en compétitivité ». Notons tout de même que la hausse des prix de la baguette sur le cycle inflationniste 2021-2024 est essentiellement lié à la progression des marges brutes de la meunerie sur la période, selon l’OFPM.

Les marges nettes de la meunerie progressent en 2023, mais le résultat des entreprises reste négatif
En 2023, les marges nettes de l’industrie de transformation du blé en farine ont progressé, le taux de marge nette (résultat courant avant impôt/chiffre d’affaires) gagnant 1,2 point entre 2022 et 2023. « Les marges nettes sont toujours négatives en meunerie, ce qui pose problème sur ce secteur en difficulté », a déclaré Sophie Devienne, présidente de l’OFPM lors de la présentation du rapport à la presse. « Le secteur de la meunerie a beaucoup souffert de l’augmentation des charges ces dernières années, que ce soit pour les achats de blé ou l’électricité », déplore Anne-Céline Contamine. « La difficulté à faire passer cette augmentation des charges dans les prix des farines a des conséquences sur la capacité d’investissement, alors que le secteur a des besoins urgents pour avancer dans la décarbonation, répondre aux enjeux de sécurité sanitaire, et moderniser les moulins », renchérit-elle.
Rappelons que la meunerie française fait face à une forte concurrence de l’industrie allemande sur le secteur des sachets de farine à destination de la grande distribution. Comme Abdoulaye Traoré, chargé d’études économiques à l’ANMF, l’a développé lors de la convention annuelle de l’organisation le 20 juin dernier à Paris, les moulins allemands bénéficient d’outils de production à forte capacité et beaucoup plus récents que les moulins français.

Des charges toujours élevées pour la meunerie en 2024
Si les comptes de résultat de la meunerie pour 2024 ne sont pas encore rendus disponibles, la directrice de l’ANMF tient à signaler « des charges encore élevées en 2024, que ce soit pour les emballages, les salaires et l’électricité, qui ne rassurent pas beaucoup sur l’amélioration de la rentabilité ». Reste à savoir si la hausse des marges brutes en 2024 améliorera la situation.
Le résultat des entreprises de boulangerie artisanale reste proche de la moyenne en 2023
Si en 2023 les entreprises de boulangerie artisanale ont dû faire face à la hausse des charges externes, de la matière première et des salaires, le résultat courant (*qui sert également à la rémunération du ou de la chef·fe d’entreprise) reste supérieur à ceux observés entre 2016 et 2018. Il recule cependant de 26 % en 2023, malgré la hausse du chiffre d’affaires. Selon l’OFPM, il est à noter « la baisse des subventions d’exploitations, qui avaient fortement augmenté en 2022, du fait de la mise en place des mesures d’accompagnement pour faire face aux augmentations du prix de l’électricité à l’automne 2022 ».

Du côté des entreprises de la boulangerie industrielle et du rayon boulangerie-viennoiserie-pâtisserie (BVP) de la grande distribution, la marge nette reste négative. Pour la boulangerie industrielle, la progression du chiffre d’affaires n’a pas permis de compenser la hausse du prix de la matière première. Et le résultat courant avant impôt (RCAI) reste négatif, même si le taux de marge nette gagne 1,2 point à 0,1 % en 2023. De même pour le rayon BVP de la grande distribution. « La marge nette du rayon a progressé, mais elle reste inférieure à zéro », analyse Sophie Devienne.
Le coût de production du blé tendre repasse sous le niveau du prix du blé en 2023 et 2024
Selon l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM), le résultat net des exploitations productrices de blé tendre a reculé en 2023, sous l’effet de la baisse des prix du blé et de la hausse des coûts des intrants. Le résultat courant avant impôt (RCAI) se monte ainsi à 10 900 euros par unité de travail non salariée (€/UTNS), la valeur la plus basse depuis 2010 si l’on exclut la catastrophique année 2016. Par rapport au niveau exceptionnel de 2023, cela correspond à une chute de 83,6 %. La part des subventions cultures dans les produits d’exploitation augmente. Notons, toujours selon l’OFPM, que 50 % des entreprises étudiées ont un RCAI compris entre 26 000 €/UTNS et -13 000 €/UTNS. Parmi les autres produits agricoles étudiés, seul le blé tendre a une dispersion aussi proche de zéro. En 2024, selon Arvalis, le solde disponible (servant à la rémunération de l’exploitant et des UTNS) devient négatif. En intégrant la rémunération du ou de la chef·fe d’exploitation, le coût de production du blé tendre est même inférieur au produit blé tendre et aux aides. Ce contexte ainsi que les faibles prix du blé actuels expliquent la forte rétention à la vente des producteurs sur ce début de campagne, et la hausse des primes sur le marché physique sur la période juillet-septembre pour faire sortir des intérêts vendeurs.