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La filière CRC se développe en meunerie

Malgré des contraintes spécifiques de traçabilité et de stockage, les volumes de farine produits sous filière CRC ont progressé en 2023, et le GIE cherche à se développer.

Farine La Bleuette issue de blé CRC, meunerie, façonnage, boulangerie
La filière CRC rencontre un intérêt croissant chez les acteurs de la filière blé-farine-pain.
© Réussir SA

En 2023, la production de farine sous filière CRC (Culture raisonnée contrôlée) a progressé de 19 % par rapport à 2022. « Les volumes de farine labellisés CRC progressent de façon très régulière, et la filière CRC est maintenant la première filière qualité en farine, devant le label Rouge et le bio », relève Anne-Céline Contamine, directrice générale de l’ANMF (Association nationale de la meunerie française). Le GIE (Groupement d’intérêt économique) de la filière CRC continue d’enregistrer de nouvelles adhésions chaque année, dont pas moins de neuf sur la campagne 2023-2024. « Les adhésions se poursuivent à tous les stades de la filière », souligne Marc Bonnet, directeur général de la filière CRC. Les utilisations de farine CRC progressent également chez ses utilisateurs, comme Auchan. « Les courbes d’utilisation de farine conventionnelle et de farine CRC se sont croisées il y a deux ans, pour atteindre 70 % de farine CRC dans nos utilisations de farine à présent. Ce chiffre augmente de 5 à 10 % par an », détaille Thomas Catry, acheteur national en boulangerie-viennoiserie-pâtisserie pour Auchan.

Les volumes de farine labellisée CRC (Culture raisonnée contrôlée) ont progressé de 19 % en 2023 (source : ANMF)

Lire aussi : "La production de farine recule légèrement en 2023, mais se diversifie"

Une demande dynamique en boulangerie industrielle

La boulangerie industrielle se démarque en termes de débouché pour la farine CRC. Alors qu'elle ne représente que 25 % des utilisations totales des farines en 2023 selon FranceAgriMer, elle compte pour pas moins de 65 % du segment de la farine CRC, d’après le GIE. Ces utilisations recoupent à la fois la production de produits sous marques de distributeur, marques propres et celle de pains et pâtisseries surgelés à destination des boulangers et chaînes de boulangerie, à l'image de La Mie câline, qui utilise uniquement de la farine CRC pour ses pains. « Nous utilisons environ 8 000 t par an de farine CRC pour nos pains courants et nos cookies, ce qui représente 90 % de notre approvisionnement », se félicite Sébastien Longépé, directeur industriel de La Mie câline.

Chez Auchan, qui a rejoint le GIE CRC en 2018, le débouché industriel reflète la diversité des utilisations de farine CRC, mais c’est la consommation des ateliers en grande et moyenne surface qui représente la majeure partie des utilisations. « La farine CRC représente 70 % de nos consommations de farine de blé tendre, soit 15 000 t/an de farine transformée par nos ateliers en grande et moyenne surface », explique Thomas Catry. « La farine CRC est utilisée pour les brioches industrielles, les baguettes saveur et pains saveurs, certaines pâtisseries comme le flan et la tarte aux pommes », précise Erwan Loaec, chef de groupe Boulangerie-pâtisserie chez Auchan. 

Diagramme de répartition des débouchés de la farine CRC : 65 % en boulangerie industrielle, 20 % pour les artisans boulangers, 15 % en ateliers GMS
La boulangerie industrielle représente un débouché plus important en CRC qu'en farine conventionnelle (source : GIE CRC)

Le développement de la filière dans les principaux bassins de production a soutenu la hausse des utilisations industrielles

Pour Sébastien Longépé, directeur industriel de La Mie câline, c’est le développement de la méthode culturale dans des zones de production plus larges sur l’ensemble du territoire français qui a permis le développement des utilisations de farine CRC dans l’industrie en levant certaines contraintes techniques. « Il y a vingt ans, nous nous étions déjà engagés dans la filière CRC. Mais l’expérience n’avait duré qu’un an. La forte régionalité des zones de production de blé CRC, concentrées dans les Pays de la Loire, avait occasionné des problèmes de qualité dans les maquettes de blé », rappelle-t-il. À présent, le développement des surfaces en CRC permet de faire face aux potentiels accidents climatiques localisés sur une zone de production en diversifiant les zones d’approvisionnement. « Il n’y a plus de contrainte spécifique à l’utilisation de blé CRC en boulangerie industrielle », se félicite Sébastien Longépé. Cela a permis à La Mie câline de reprendre un approvisionnement en farine CRC il y a cinq ans, « grâce à nos partenaires de longue date, les Moulins Girardot et les Moulins Soufflet », précise Sébastien Longépé.

« Il n’y a plus de contrainte spécifique à l’utilisation de blé CRC en boulangerie industrielle », indique Sébastien Longépé, directeur industriel de La Mie câline

« Entre 15 et 20 millions d’euros sont redistribués chaque année aux producteurs engagés »

D’après Marc Bonnet, ce serait « entre 15 et 20 millions d’euros qui sont redistribués aux producteurs engagés, via une prime de 30 €/t payée par les meuniers aux organismes stockeurs ». Un engagement pour une meilleure rémunération des agriculteurs qui fait partie des arguments phares de la filière, mis en avant par les distributeurs dans leurs supports de communication auprès des clients. « Le montant de la prime CRC, le même pour l’ensemble des acteurs, est revu tous les ans en assemblée générale du GIE via des négociations entre producteurs, meuniers et clients », explique Thomas Catry. 

Lire aussi : "Blé de qualité : « Je suis engagé en filière CRC et en HVE pour une valorisation économique de mes pratiques »"

Un surcoût logistique et d’exploitation qui appelle aux économies d’échelle

L’engagement dans la filière CRC représente cependant un surcoût pour les organismes stockeurs,  la meunerie et les industries de deuxième transformation. En effet, l’utilisation de farine CRC implique de disposer d'un plus grand nombre de silos afin de séparer la farine certifiée de la farine conventionnelle. « L’engagement dans la filière CRC représente un investissement pour Auchan en demandant plus de silos, des inventaires plus contraignants, un réajustement des recettes pour y intégrer du levain également CRC, ainsi que de nombreux contrôles à tous les niveaux pour intégrer les exigences de traçabilité », explique Erwan Loaec. Même son de cloche du côté de La Mie câline : l’achat de farine représente un coût supplémentaire aux alentours de 36 €/t, soit « un surcoût d’environ 300 000 € pour l’entreprise, mais que nous considérons plutôt comme un investissement dans le développement d’une filière plus responsable », indique Sébastien Longépé, directeur industriel de La Mie câline.

Les opérateurs doivent donc engager une part conséquente de leurs volumes dans la démarche pour diluer les coûts. « Une application marginale de nos engagements est plus compliquée, ce qui implique une massification pour optimiser l’organisation des process », déclare Marc Bonnet. « Le 100 % CRC est beaucoup plus simplifiant pour nos magasins, ce qui va dans le sens d’une progression des utilisations chez Auchan », acquiesce Erwan Loaec. Chez La Mie câline, cela s’est traduit par l’utilisation de farine CRC sur les cookies en plus des pains courants, car le silo utilisé est le même pour ces produits, précise Sébastien Longépé.

La démarche filière est bien engagée, mais souffre d’un déficit de notoriété

« La filière est reconnue pour son histoire et son écosystème politique », se félicite Marc Bonnet. Le travail en filière est indispensable pour estimer les besoins et jauger des emblavements nécessaires. « Auchan travaille avec les adhérents au sein du GIE CRC pour contribuer à programmer la production », explique Thomas Catry. La notoriété du label CRC est cependant « très faible », et a été identifiée comme axe de progression par le GIE dans le cadre de son plan stratégique horizon 2030. La démarche est souvent intégrée à d’autres démarches RSE des entreprises, comme chez Auchan avec le dispositif « Cultivons le bon ». Chez La Mie câline, Sébastien Longépé déplore également le manque de notoriété de la marque : « Nous avons prévu de mettre en place des écrans sur les lieux de vente qui expliquent au consommateur notre démarche RSE, en y intégrant l’engagement CRC », annonce-t-il.

Lire aussi : "La Filière CRC engrange une récolte céréalière record en 2023"

Un élargissement à venir de la démarche CRC à d’autres espèces

La large majorité des utilisations de farine CRC concerne le blé tendre, mais le GIE souhaite élargir la démarche à d’autres espèces comme le colza. « Le GIE a quasiment terminé l’élaboration du cahier des charges pour le colza CRC, mais nous n’avons pas encore identifié quels seront les acteurs engagés sur ce produit », annonce Marc Bonnet. 

Du côté des industriels, l’engouement pour la filière est présent. « Même si pour l’instant nous nous concentrons sur la farine blanche, qui représente 80 % de nos ventes, nous souhaiterions à terme utiliser plus de farine de seigle CRC, notamment en mélange pour proposer à la vente un pain de campagne CRC », espère Erwan Loaec. Mais pour le moment, le distributeur se concentre sur des produits à base de farine issue d’une seule espèce. « Nous lancerons un pain de seigle CRC d’ici la fin de l’année », annonce-t-il. « Nous espérons que le développement de la filière CRC sur d’autres espèces augmentera la notoriété de la démarche auprès des consommateurs » avance de son côté Sébastien Longépé. 

Mais le défi est de taille sur ces petites filières encore peu développées. La surprime du sarrasin CRC avait d’ailleurs été relevée à 50 €/t en 2023-2024 à cause de gros problèmes de disponibilités lié à la sécheresse subie en cours de cycle, d’après le GIE.

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