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Innover pour améliorer les conditions de travail

Grâce à des enquêtes auprès d’éleveurs innovants, AmTrav’Ovin propose des solutions pour améliorer les conditions de travail, qui portent sur les systèmes, les équipements et la main-d’œuvre.

Ils ont mené l’enquête en France, en Espagne et en Écosse. Une bonne quarantaine de visites, d’élevages, centres de recherche, coopératives… Et en ont ramené un plein panier d’innovations de nature à améliorer les conditions de travail en élevage ovin. Associant de multiples organismes, sous la coordination d’Idele et se déroulant sur trois ans (2018-2021), le projet AmTrav’Ovin a pour but de faire émerger de nouvelles formes d’organisation du travail et de produire des repères ergonomiques (parage, alimentation, traite des agnelles…). Des premiers résultats ont été présentés en janvier dernier. Ils se concrétisent sous forme de 45 innovations, qu’on retrouve souvent sur plusieurs exploitations, voire d’un pays à l’autre. Individuelles et collectives, elles s’appuient à la fois sur la simplification des systèmes de production, sur des équipements destinés à réduire la pénibilité du travail et sur l’organisation de la main-d’œuvre. Les nouvelles technologies contribuent également à la facilitation du travail quotidien. « Tout concourt à améliorer le travail, les équipements permettent de mettre en œuvre les pratiques en adéquation avec la main-d’œuvre disponible », résument les auteurs de ce projet. Mais, plutôt que de vraies innovations, il s’agit le plus souvent d’adaptation à des situations individuelles « d’innovations vues ailleurs et parfois connues depuis longtemps », soulignent-ils.

Remplacement des cultures par des prairies médicinales

Depuis 40 ans, l’évolution des systèmes de production s’est traduite par un retour en bergerie. Des équipements innovants ont permis d’améliorer les conditions de travail. « C’est un vrai gain de temps d’avoir les agneaux en bergerie car on fait moins d’interventions, moins de vermifuges, et il n’y a pas besoin d’aller les chercher en pâture à chaque fois, on les a sous la main », affirme par exemple un des éleveurs enquêtés, dans le Maine-et-Loire (Gaec Pontron, 930 brebis). Néanmoins, la simplification des systèmes passe aujourd’hui plutôt par un retour à l’herbe. Une évolution qui n’est pas liée qu’aux préoccupations travail mais aussi à la pression sociétale, à l’évolution du prix des intrants… Le développement du pâturage fait souvent appel à des techniques pointues et originales (pâturage cellulaire, continu mixte simultané…). « Avec des équipements adaptés (clôtures, contention), la surveillance des animaux en pâture nous prend une heure de marche le matin. C’est moins pénible que le travail en bâtiment », expliquent Charlotte et Alex Moriarty, en Mayenne. Éleveurs en bio avec 350 brebis, ils ont supprimé 20 ha de cultures, remplacées par des mélanges de plantes médicinales. « En dehors de la grosse période d’agnelage et la manipulation fréquente des agneaux sur avril et mai, la journée de surveillance type, c’est balade en quad », vont jusqu’à dire les éleveurs du Gaec Trouillet, en Dordogne. Le Gaec a également supprimé de nombreuses heures de tracteur en réduisant les cultures de céréales.

Type génétique britannique adapté au pâturage intégral

Poussant cette logique au maximum, des éleveurs font les agnelages à l’extérieur. Ainsi, chez Christophe Guillaumin, dans l’Allier, plus de mille brebis conduites en un seul lot mettent bas dehors sur 50 jours du 10 mars au 1er mai. Chez Marc Humeau, 500 brebis dans le Maine-et-Loire, les mises bas ont lieu à extérieur mais les mères rentrent en bergerie (avec pâturage quotidien) pendant 10 jours pour prévenir le risque de prédation. Ces évolutions s’accompagnent souvent d’un changement de race vers un type génétique britannique plus adapté au pâturage intégral (Mules pour le Gaec Trouillet et Marc Humeau, Poll Dorset pour l’élevage Moriarty). « Les mises bas sont faciles, avec essentiellement des agneaux doubles et très peu de triples, souligne Marc Humeau. C’est une race qui valorise l’herbe, qui est laitière et adaptée à la conduite que je souhaitais mettre en place. » D’autres ne changent pas de race mais sélectionnent pour avoir des agnelages faciles et des agneaux vigoureux à la naissance.

Les béliers deux à trois jours par semaine

Sans changer totalement leur système, pour simplifier le travail, des éleveurs jouent sur le rythme des tâches, notamment l’agnelage, avec des choix complètement opposés. Certains préfèrent les concentrer, d’autres au contraire les fractionner pour écrêter les pointes de travail. Plus original, cet élevage de Dordogne (Bergerie de Genthial, 800 brebis), qui ne laisse les 25 béliers dans des lots de 250 brebis que deux à trois jours par semaine, pendant la période de lutte (trois semaines), pour éviter d’avoir des agnelages durant le week-end. Ce même élevage a également choisi de distribuer la ration sèche deux fois par semaine à la mélangeuse-distributrice, pour n’avoir plus qu’à repousser l’aliment si nécessaire les autres jours. Deux élevages du Vaucluse font pâturer des surfaces additionnelles moins contraignantes que les parcours. Des vergers (80 ha de pommiers et poiriers) pour l’un, qui lui procurent quatre mois d’alimentation gratuite en hiver ; des champs de lavande bio pour l’autre. L’enjeu du projet AmTrav’Ovin est désormais le suivant : « Comment introduire ces solutions dans les élevages français ? ».

Bernard Griffoul

En Écosse, la logique herbagère poussée à son maximum

Un couple d’éleveurs écossais a poussé à son maximum la logique du système pâturant en imaginant le « système de ses rêves », selon l’équipe AmTrav’Ovin.

Andrea et Charley Parker ont transformé « un système plein air intégral écossais classique en un système plein air intégral avec pâturage tournant dynamique. L’objectif est de mieux gérer le temps de travail et d’augmenter la production ». Le couple élève 100 vaches et 550 brebis conduites en deux lots. Ce changement radical s’est fait d’un coup. Au lieu de quelques dizaines de paddocks auparavant, le pâturage se fait aujourd’hui sur plus d’une centaine de micro-parcelles. De nombreux équipements et astuces facilitent le travail : clôture électrique mobile utilisée en fixe, contention mobile, barrières basculantes, un abreuvoir pour deux ou quatre paddocks, des nourrisseurs tractés par le quad, valorisation de l’électronique… Le parc de tri est positionné au centre du parcellaire et adapté à la taille des lots. Les chantiers sont réalisés lorsque les animaux se rapprochent du parc de tri pendant la rotation au pâturage, pour limiter les déplacements. Les lots sont dimensionnés pour une journée (6h-19h).

« Gérer un troupeau pas des individus »

Les éleveurs ont sélectionné leur troupeau de brebis Easycare (origine galloise) sur la facilité de travail en menant une politique de réforme drastique. Leur but : « Gérer un troupeau et pas des individus ». « Les mises bas sont faciles et elles s’occupent bien de leurs agneaux, très vigoureux à la naissance. Nous gagnons trois jours pour la tonte et il n’y a plus besoin de couper les queues des agneaux, car la laine tombe », expliquent-ils. Les luttes sont très courtes pour grouper les agnelages. En fin de gestation, des petits lots de 25 brebis par paddock sont constitués pour des mises bas de plein air. Les échographies sont systématiques avec dénombrement et allotement selon la taille de la portée (vides, simples, doubles, triples et plus). L’alimentation est conduite en conséquence (simplification pour les vides et les simples) selon la qualité de la prairie et avec une complémentation adaptée. Des coproscopies sont réalisées tous les 15 jours sur les agneaux d’herbe pour surveiller le parasitisme et intervenir à bon escient. Le couple s’est spécialisé sur l’élevage : il embauche des saisonniers pour les interventions sur les animaux et délègue les travaux culturaux.

Une multitude d’équipements innovants

Les enquêtes ont permis de découvrir les nombreux équipements et astuces mis en place par les éleveurs pour se faciliter le travail. Dans trois domaines tout particulièrement : le travail en bergerie, la contention et la conduite du pâturage. En bergerie, cela va de la distribution (distribution automatique de concentré en salle de traite, roulimètre, vis pour l’aliment agneau, tapis, brouette distributrice, mélangeuse distributrice) jusqu’au paillage (chariot ou rail suspendu au-dessus des couloirs d’alimentation, dérouleuse). L’organisation des cases d’agnelage est facilitée par des claies télescopiques sur roues ou des claies en métal très pratiques et ou chez un autre éleveur par un rangement optimisé sur le mur du couloir de circulation. Des éleveurs se sont équipés d’abreuvoirs basculants pour faciliter le nettoyage ou de systèmes de tri automatisés. En élevage laitier, certains ont investi dans une salle de traite de plain-pied ou avec plancher mobile pour améliorer le confort du trayeur. Diverses astuces aussi telles que des ardoises ou tableaux blancs pour noter les informations agnelage case par case ou un siège de bureau sur roulettes pour travailler à hauteur de cornadis. De nombreux équipements de contention également : parcs et cages de tri, restraineurs, cages de parage, quai de tonte mobile… La conduite du pâturage tournant dynamique est facilitée par l’usage d’un quad et d’équipements spécifiques, comme par exemple la clôture électrique mobile utilisée en clôture fixe, ce qui permet de la franchir avec un quad. Chez certains éleveurs, la surveillance du troupeau est assurée par caméra (en bergerie) et par drone (au pâturage). Les nouvelles technologies sont également mises à profit pour organiser le travail en commun avec des applications de messagerie instantanée, gérer le carnet sanitaire avec son smartphone ou valoriser les données technico-économique. Vingt-huit équipements sont décrits en détail sur le site de l’Idele.

Du faire ensemble au faire faire

Le projet AmTrav’Ovin met aussi en avant des innovations en matière de main-d’œuvre : travail en association (Cuma, Gaec), salariat permanent, groupement d’employeurs ou salariat saisonnier pour l’agnelage, services de remplacement, délégation de tâches animales et de travaux culturaux… Ainsi, en Espagne, la coopérative Oviaragón a mis en place une brigade de tonte. Elle recherche et gère les équipes de tondeurs. Ses adhérents peuvent aussi lui déléguer la finition des agneaux. Des tâches sont parfois assurées par des sociétés privées, telles que la Sagpa, dans le nord-est de la France (échographie et IA, tonte et parage des onglons, aide à la manipulation, aide à l’agnelage) ou Montaña de Léon, en Espagne, qui organise des tournées de parage et prend en charge intégralement le chantier.

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