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Incertitudes sur la prochaine politique agricole commune

Entre Brexit et élections européennes, les négociations autour de la nouvelle politique agricole commune prennent du retard. Le point sur les avancées et les blocages sur les principaux dossiers viticoles.

L’organisation commune des marchés du secteur viticole sera maintenu, mais d’autres doutes planent sur la filière, d’autant plus que la définition de la nouvelle PAC prend du retard.
© RAWKU5 et A. ORRÙ/FOTOLIA.COM

La politique agricole commune européenne (PAC) arrive à son terme en 2020. Depuis de nombreux mois, les législateurs s’affairent à préparer la prochaine mouture, et la filière vin milite pour garder son OCM (organisation commune des marchés). Avec succès, puisque la Commission propose de maintenir une politique spécifique dans la nouvelle PAC, avec des mesures similaires. « Il y a dix ans, nous avons réorienté la politique vitivinicole vers la qualité, ce qui a marché puisque l’Europe est passée de 2 à 12 milliards d’euros d’exportation dans le secteur. Nous avons gagné la bataille mondiale de la compétitivité », considère Joao Onofre, chef de l’unité vin à la Commission européenne. En revanche, le fonctionnement général de la PAC devrait être très largement modifié. La Commission a en effet proposé aux États membres que chacun établisse un plan stratégique, qu’il précise ses objectifs et définisse un cadre d’application. « Il y a là une vraie nouveauté, commente Frédéric Michel, sous-directeur Europe de la DGPE au ministère de l’Agriculture. On passe d’une approche basée sur un principe de conformité à une autre basée sur le principe de performance. » Un nouveau modèle qui pose toutefois question.

Une meilleure prise en compte des spécificités nationales mais des risques de distorsion

Car peu de pays membres demandent des règles communes, et des clivages commencent à apparaître au niveau du Conseil européen notamment au sujet des plafonds d’aides. Si cette idée de plan stratégique est intéressante pour la prise en compte des spécificités nationales, elle peut aussi amener un risque de distorsion de concurrence. « Mais également des risques de surtransposition, de règles supplémentaires et de lourdeurs administratives pour les exploitations, réagit Jérôme Despey, président de la commission vin à FranceAgriMer. Je suis dubitatif sur l’intégration des plans stratégiques. L’OCM peut évoluer mais à condition de garder un cadre commun. » Pour Éric Andrieu, député européen, un tel système annonce purement et simplement la fin de la PAC. « J’ai le sentiment que c’est la dernière politique communautaire, dit-il. Car nous sommes en train de renationaliser, donc il n’y aura ensuite plus aucun intérêt à être communautaire. » L’heure est donc aux interrogations, aussi bien en termes de stratégie que d’opérationnel. « Nous essayons encore de comprendre comment vont fonctionner ces plans stratégiques », avoue Frédéric Michel, au ministère de l’Agriculture. Et le contexte actuel n’aide pas à avancer sur le sujet. Entre élections européennes et Brexit, le projet de PAC 2021/2027 patine. Au point qu’il faudra peut-être envisager une période de transition pour l’après 2020. « Il y a une certaine réticence des États membres à avancer sur le budget avant la nouvelle Commission, car c’est une question qui fâche. D’autant plus avec le problème actuel du Royaume-Uni », ajoute Joao Onofre. Pire, le Parlement actuel, en place pour quelques semaines encore, n’a pas pris le risque de se positionner avant les élections et n’a pas pris le temps de voter en séance plénière les trois rapports proposés par la commission de l’agriculture. C’est-à-dire que le travail réalisé jusqu’ici devra être reconduit pour les nouveaux parlementaires. « Mais je ne pense pas que ce qui a été déjà fait ne serve à rien, estime Éric Andrieu. Ce pourra être une base. »

Les nouveaux législateurs sont attendus pour juillet et octobre

En somme, si la nouvelle conférence des présidents de commissions considère que le travail fait par les anciens parlementaires est satisfaisant, elle peut remettre sur la table les propositions existantes et les soumettre au vote. Dans le cas contraire, elle demandera à la commission agricole la réalisation de nouveaux rapports. « Je suis notamment inquiet sur un des trois rapports, qui faisait moins consensus », avoue l’eurodéputé. Pour ce qui est du calendrier, le nouveau Parlement est attendu pour juillet, et la nouvelle Commission pour octobre. À la suite de ces échéances, la filière devra rester vigilante et mobilisée sur de nombreux sujets pour continuer à convaincre les parlementaires. Comme sur l’étiquetage, pour lequel il y a un consensus pour dématérialiser la liste des ingrédients, mais pas les informations nutritionnelles. « C’est déjà un pas en avant, mais nous souhaiterions que tout soit dématérialisé », admet Bernard Farges, président de la confédération nationale des AOC (Cnaoc). De même pour le système d’autorisation de plantations. « Il y a des choses qui ne marchent pas très bien, la Commission a donc prévu des mécanismes d’adaptation pour survivre après 2030 », lance Joao Onofre. Le Parlement quant à lui propose de repousser l’échéance du système actuel à 2050, avec une première évaluation du dispositif en 2023 puis une tous les dix ans. « C’est un dispositif majeur et indispensable, martèle Bernard Farges, nous ne devrions même pas penser à sa fin, même à un tel horizon ! » La filière sera également attentive à la législation sur les hybrides dans les zones sous signe de qualité. Même s’il y a un assez large consensus pour les autoriser ainsi que pour exclure les Vitis labrusca, la Cnaoc souhaite pouvoir limiter la présence de ces variétés à 5 % de l’encépagement et à 10 % en assemblage pour les cahiers des charges AOP.

Un risque de régression du budget alloué à la PAC

Le dossier des vins désalcoolisés en revanche sera plus épineux. La Commission souhaite en effet leur ouvrir la porte de l’OCM vitivinicole, afin de mieux positionner les entreprises européennes sur le marché et éviter que des concurrents ne récupèrent les consommateurs du vieux continent sur ce segment. « Au-delà du marché, si des industriels trouvent le moyen de faire du vin désalcoolisé sans raisin, nous n’aurons aucun pouvoir dessus, estime Éric Andrieu. La meilleure façon de contrôler ces produits est de les intégrer à l’OCM en créant une nouvelle catégorie. » Hors de question, pour la production, qui craint de voir partir les aides à la promotion vers de grosses entreprises qui n’ont rien à voir avec le vin. Il est enfin un sujet qui mériterait d’être mis sur la table mais qui n’est pas au programme des négociations : celui de la gestion du risque climatique. Au-delà de ces considérations techniques, le plus gros débat devrait toutefois porter sur le budget. Selon les estimations de la Commission, il devrait régresser d’environ 5 %, à cause d’une part du Brexit, et d’autre part de nouvelles priorités de la part des États membres (la sécurité notamment). Et cela alors même que la Commission propose une augmentation du budget, nécessaire pour compenser l’inflation et garder les mêmes marges de manœuvre. La France de son côté demande un maintien du même budget. « Les discussions seront serrées » annonce Frédéric Michel. D’autant plus que certaines enveloppes, en particulier dans l’OCM vins, ne seront peut-être pas consommées cette année.

Des retards qui pourraient porter à conséquence

En juin dernier, la Commission estimait qu’un accord sur le prochain budget à long terme en 2019 permettrait d’assurer une transition " sans heurts entre l’actuel et le nouveau ", et qu’en cas de retard « les agriculteurs et les administrations nationales pourraient ne pas être en mesure de profiter des avantages qu’apportera la nouvelle PAC ». « Il n’y aura pas d’accord entre la Commission, le Parlement et le Conseil avant l’été 2020 et la PAC ne se décidera pas sans budget communautaire », confiait il y a peu Jean-Christophe Bureau, enseignant-chercheur à l’Inra, à nos confrères d’Environnement magazine. Joao Onofre et Éric Andrieu assurent vouloir avancer au plus vite, espérons que ce soit aussi le cas des futurs législateurs.

Si la nouvelle conférence des présidents de commissions considère que le travail fait par les anciens parlementaires n’est pas satisfaisant, elle demandera la réalisation de nouveaux rapports

 

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