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Ils ont délégué l’affouragement en vert à leur Cuma

Un groupe d’éleveurs d’Ille-et-Vilaine a investi en commun et embauché un chauffeur pour assurer l’affouragement en vert sur une quinzaine de fermes. Une pratique originale mais qui satisfait les adhérents.

Déléguer la distribution de l’alimentation est une façon de pallier le manque de main-d’œuvre tout en diminuant ses besoins en mécanisation et en distribuant une ration de qualité. Quand Jérémy Hurel s’est installé en 2012, la distribution de la ration des laitières, des génisses et des taries était déjà assurée par la mélangeuse de la Cuma. « Les agriculteurs du secteur de Brielles/Le Pertre ont créé en 2008 une Cuma mélangeuse, retrace Jérémy Hurel. Tous voulaient progresser sur la qualité de la distribution mais ils ne pouvaient s’équiper individuellement. Alors, ils ont profité de leur proximité pour investir en commun et embaucher un chauffeur ». Depuis, cet investissement en commun a fait ses preuves. Aujourd’hui, trois chauffeurs sont embauchés par la Cuma La Gourmande pour assurer un passage 363 jours par an. « On fait relâche le 25 décembre et le 1er janvier ! », souligne Jérémy Hurel, qui préside désormais la Cuma.

Maximiser la part d’herbe dans la ration

L’intérêt de ce travail en commun, le groupe d’éleveurs en est tellement convaincu qu’ils ont franchi un pas supplémentaire dans la délégation en investissant en commun dans l’affouragement en vert. « Nous étions plusieurs à y réfléchir, explique Jérémy Hurel, qui produit 670 000 litres avec son épouse qui travaille à mi-temps sur l’exploitation. En 2015, au départ de mon beau-père avec qui j’étais en Gaec, j’ai revu l’organisation de l’exploitation. La salle de traite était vétuste. Je suis passé en traite robotisée mais en gardant une large place à l’herbe dans la ration annuelle ».

Douze hectares sont directement accessibles aux 60 vaches mais une route et un chemin pédestre très fréquenté empêchent de passer à 55 ha accessibles. Sur cette surface, le jeune agriculteur a des cultures mais surtout des prairies de fauche. « Je cherche à maximiser la part de l’herbe dans la ration. Techniquement ça marche et économiquement c’est performant », souligne le jeune éleveur. Pour y arriver malgré les contraintes de parcellaires, la solution passe par l’affouragement en vert, qui permet de garder tous les bénéfices d’un fourrage frais et de valoriser des dérobées. « D’autres éleveurs de la Cuma y pensaient parce que gérer le pâturage d’un grand troupeau est compliqué, parce que leurs parcelles étaient trop éloignées », souligne Jérémy Hurel.

Investissement mutualisé et embauche d’un salarié

Ayant pour la plupart l’habitude de travailler ensemble, ils décident, en 2018, de se lancer en commun dans l’affouragement en vert. Une dizaine d’agriculteurs achète en commun une faucheuse frontale et une remorque auto-chargeuse. Pour lever la contrainte de l’exigence en temps de travail, ils partent sur le même fonctionnement que pour la mélangeuse, avec une conduite par un salarié de la Cuma.

L’activité d’affouragement en vert réunit 10 adhérents plus quelques agriculteurs non-adhérents « à condition qu’ils soient sur la tournée ». Même si leurs profils sont différents, avec des bio et des conventionnels, différentes tailles de troupeau, tous se retrouvent sur leur volonté de valoriser un maximum d’herbe. Le chauffeur gère son planning et établit sa tournée en fonction des parcelles à faucher. « Au plus fort de l’activité, l’automne dernier, il allait dans 19 fermes. Ce qui représentait une tournée de 60 km ». Entre les prairies et la valorisation des dérobées, il n’y a qu’en janvier et février qu’il n’y a pas de récolte. « Il y a moins de périodes d’arrêt que ce qu’on pensait, note Jérémy Hurel. Seulement un mois et demi l’an dernier. Ça prouve bien l’intérêt de l’affouragement ».

Valoriser les dérobées à l’automne

En complément du pâturage sur les 12 ha, Jérémy Hurel affourage ses 60 vaches un peu au printemps mais surtout à l’automne en distribuant des dérobées. « Ça allonge la période avec du fourrage qui a une valeur alimentaire intéressante », apprécie-t-il. L’affouragement débute en septembre-octobre et peut durer jusqu’à la mi-décembre. « Sur cette période, un tiers de la ration est composé d’herbe affouragée. La valorisation des dérobées est vraiment intéressante, apprécie le jeune éleveur. Quand je distribue une dérobée à base de RGI et de trèfle, je mets un kilo de soja en moins et j’ai pourtant un kilo de lait en plus ». Des analyses de fourrages ont montré 23,1 de MAT et 0,88 UFL. La bonne valorisation des fourrages permet à l’éleveur de contenir son coût alimentaire à 85/90€ les 1 000 litres. Jérémy Hurel apprécie aussi la flexibilité de l’affouragement en vert « qui permet de valoriser l’herbe au meilleur stade. C’est plus souple qu’un chantier d’ensilage et moins coûteux que de l’enrubannage, même en intégrant le coût de la délégation ».

Pour cette flexibilité, la décharge en termes de temps de travail et la possibilité de valoriser plus de surfaces en herbe et les dérobées, l’affouragement en commun pratiqué par la Cuma de Brielles intéresse des éleveurs, qui n’osent pas se lancer seuls. « On fait pas mal d’assemblées générales de Cuma pour présenter notre démarche, reconnaît Jérémy Hurel. L’affouragement en vert, les éleveurs en connaissent l’intérêt. Mais avec une Cuma, il y a en plus l’intérêt de la délégation et de l’investissement partagé ».

Embauche d’un troisième chauffeur

Cette nouvelle activité a permis l’embauche d’un troisième chauffeur à mi-temps. « Cela nous évite d’avoir à embaucher des jeunes pour les week-ends et les vacances, reconnaît Jérémy Hurel. Les chauffeurs connaissent bien nos exploitations, c’est sécurisant ». Un chauffeur ne conduit que la mélangeuse, le deuxième se charge de l’autochargeuse en saison. Avec le troisième chauffeur, ils se relaient pour assurer le passage quotidien de la mélangeuse.

Un coût facturé à 80 € l’heure

Avant d’investir en commun pour de l’affouragement en vert, il a fallu en vérifier la faisabilité économique. Tous les adhérents ont souscrit des parts sociales. « Chacun a estimé le nombre de jours qu’il pensait faire mais on n’a pas voulu rendre obligatoire un nombre de jours minimum », explique le président de la Cuma. Une subvention régionale via le PCAE a aidé à l’investissement de 85 000 € pour une faucheuse frontale et une remorque auto-chargeuse. Dans un premier temps, le groupe décide de travailler avec un tracteur en location. Conforté par le niveau d’activité et pour avoir du matériel plus performant, le groupe a renouvelé l’équipement en 2021. Il a investi dans une remorque Fendt de 45 m3. « On a choisi ce modèle car sa structure repliable permet de concilier grand volume et possibilité de rentrer dans tous les bâtiments », souligne Jérémy Hurel. Le tracteur, également Fendt, a été acheté et équipé d’une faucheuse Kuhn.

Le temps de trajet n’est pas facturé

« L’affouragement en commun n’est pas répandu, reconnait Jérémy Hurel. Il n’y avait pas beaucoup de références économiques quand on s’est lancé ». Le groupe est parti sur une estimation sur un coût horaire de 85 €, qui s’est révélée pertinente. « On oscille entre 80 et 85 € par les adhérents selon les années, chiffre Jérémy Hurel. La facturation se fait au temps passé depuis le début de la fauche jusqu’au moment où le chauffeur finit de vider la remorque. Le temps de trajet n’est pas facturé ». Comme le matériel est performant, le débit de chantier est rapide et l’éleveur n’a rien à faire. « Certes, ça a un coût mais il y a du gain de performances en face, souligne Jérémy Hurel. Un des éleveurs bio de notre groupe achetait pour 10 000€ de soja bio. Grâce à l’affouragement, il n’en achète quasiment plus. Les économies faites compensent largement le coût du service et il produit plus de lait »

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