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« Il faut instaurer un dialogue avec les riverains bien en amont de son projet de bâtiment d'élevage»

Le politologue Eddy Fougier a étudié les mouvements de contestations de projets de bâtiments d’élevage, notamment de poulaillers. Il incite à réfléchir aux conditions d’acceptation sociétales et territoriales.

Les premiers opposants d’un projet de poulailler sont généralement les riverains, les voisins immédiats ou les habitant des villages voisins.

Lire aussi : « J’ai beaucoup communiqué lors de l’enquête publique de mon projet de poulailler »

 « Le travail de communication auprès de l’entourage proche doit être fait bien en amont du projet », souligne le politologue Eddy Fougier. « Quand un collectif d’opposition et de pétition se met en place, c’est très compliqué de revenir en arrière ! » Le consultant, spécialiste de « l’agribashing », a analysé les mouvements de contestations de construction de poulaillers à partir d’une trentaine de projets identifiés en France ces dernières années. 

Lire aussi : « Le projet de bâtiment d'élevage doit être juridiquement irréprochable »

Ce travail lui a permis de brosser un portrait type des opposants, de comprendre leurs motivations et leur mode d’action (voir encadré) mais surtout de dégager les conditions d’acceptation sociétale et territoriale des projets de grande taille. Ces éléments de réflexion ont été partagés à l’occasion de l’assemblée générale de la section œuf de l’Union des groupements de producteurs de l’Ouest qui avait fait de l’acceptabilité sociale d’un bâtiment d’élevage son thème principal.

Prendre les devants auprès des riverains

Pour le politologue, le rapport aux riverains du porteur de projet est une des clés. Un travail d’information et de communication doit être fait bien avant le dépôt du permis de construire. « Les agriculteurs craignent parfois la réaction des voisins lors de l’annonce d’un projet, mais c’est une étape absolument essentielle ! Il a été démontré que les éleveurs qui étaient bien insérés dans leur commune, entretenant des relations avec les habitants, voyaient leurs projets davantage acceptés que ceux qui étaient isolés, ne disant pas bonjour à leurs voisins ou moins ouverts au dialogue. » Il faut éviter le passage en force. « Le fait de ne pas informer les parties prenantes, en particulier les riverains, de considérer comme infondés les arguments des opposants, voire de les intimider, est totalement rédhibitoire ! » « Certains réflexes qu’ont parfois les agriculteurs ne fonctionnent pas », a-t-il constaté. « Attaquer frontalement les opposants en les traitant de décroissants et d’antitout est totalement inefficace, voire contre-productif. De même, l’argument de la légalité du projet n’est pas suffisant. Bien sûr qu’il est nécessaire, mais ce n’est pas cela qui va emporter les indécis. Ni même l’argument économique sur la création d’emplois et d’activité sur le territoire. »

Montrer l’utilité générale du projet

Alors comment faire ? « Certains opposants sont ouverts à la discussion. C’est sur ceux-là qu’il faut concentrer les efforts de communication et de dialogue. » Pour le politologue, « l’élément clé est de démontrer l’utilité du projet aux yeux des riverains, c’est-à-dire qu’il va contribuer au bien commun et à l’intérêt général et pas seulement à l’intérêt économique du porteur de projet, même si ce dernier est tout à fait légitime ». Il cite pour exemple le référendum des Suisses sur les pesticides en 2021. Le fait de communiquer sur les risques plus grands d’une interdiction immédiate (augmentation des prix alimentaires, baisse du rendement et de l’emprise du foncier) a fait basculer l’opinion. Pour contrer le récit des opposants, il conseille à l’éleveur d’utiliser le storytelling, c’est-à-dire une communication narrative et personnalisée. Il s’agit de raconter un récit qui va susciter des émotions en mettant en avant l’histoire humaine derrière le projet et à sensibiliser à l’impact potentiel pour l’éleveur et sa famille si le projet est remis en cause.

Avoir un langage accessible à tous

Un reproche que le consultant fait souvent au mode agricole est d’utiliser un jargon technique. « Mieux vaut expliquer son projet avec des termes accessibles à tous, comme on le ferait à un enfant de 10 ans. Parlez de ferme plutôt que d’exploitation », illustre-t-il. « En matière de communication, s’enfermer derrière un vocabulaire technique peut être un obstacle et créer une sorte de hiérarchie entre le porteur de projet et le public. » Il conseille aussi d’être vigilant aux mots utilisés pour évoquer la taille du poulailler. « L’idée est d’éviter de faire peur sans toutefois masquer la réalité. Un terme comme 'poulailler industriel' sera déformé et amplifié dans les médias. » De même, il encourage à avoir une forme d’empathie par rapport aux voisins en se demandant quelles nuisances potentielles pourraient subir les voisins et instaurer le dialogue sur ces bases.

Un dossier réglementaire irréprochable

Bien entendu, le projet doit être blindé au niveau juridique. « N’importe quel élément un peu ambigu ou qui ne correspond pas à telle ou telle réglementation va faire l’objet d’une attaque. Les opposants vont chercher toutes les failles. » Il faut aussi tenir compte de la localisation et de la chronologie du projet. « Dans la mesure du possible, évitez de présenter un projet juste avant une campagne électorale. » Du fait des nuisances supposées, la distance entre l’implantation du projet et les habitations est essentielle, en particulier en zones sensibles (proximité d’une école, d’un château classé, zone Natura 2000 etc.). « Il est plus facile d’implanter un nouvel élevage dans une zone avec une densité importante d’élevage que dans une zone à faible densité. C’est le cas notamment dans les projets porcins », a-t-il constaté.

Être bien entouré du monde professionnel

Il est absolument essentiel d’avoir des soutiens d’élus locaux voire départementaux. « Un projet auquel le maire ou le conseil municipal local est opposé, est mal embarqué. L’entraide des éleveurs locaux ainsi que l’accompagnement des structures professionnelles (chambre d’agriculture, groupement) sont importants pour que le porteur de projet ne se retrouve pas seul. »

Enfin, ce qui ressort des enquêtes publiques, c’est une forte méconnaissance du grand public sur la réalité de l’élevage en bâtiment. Il y a donc un travail de communication positive à mener en parallèle à l’échelle de la filière, comme cela est fait avec l’association Agriculteurs de Bretagne. « Pour changer l’image négative de la production, des actions comme des journées de portes ouvertes et visites à la ferme sont bien plus efficaces qu’une communication sur les réseaux sociaux. »

Repères

Les points clés pour éviter les oppositions locales :

- Présenter le projet aux riverains et instaurer le dialogue

- Éviter le passage en force

- Montrer l’utilité du projet aux yeux des riverains

- Éviter le jargon technique pour parler du projet

- Tenir compte de la localisation et de la chronologie du projet

- Présenter un dossier inattaquable sur le plan réglementaire et juridique

- S’entourer des agriculteurs locaux et avoir le soutien des élus

- Utiliser la technique du storytelling pour formuler un récit autour du projet

Identité

Le politologue Eddy Fougier, chargé d’enseignement à Sciences Po – Aix-en-Provence, a largement étudié les mouvements animalistes et a travaillé comme consultant sur la question de « l’agribashing ». Il s’intéresse aussi aux conditions d’acceptabilité sociale et territoriale et aux contestations des projets agroalimentaires et agricoles.

Deux types de reproches des projets de bâtiments d’élevage

Les mouvements d’oppositions sont basés sur deux principaux reproches.

- Le premier est lié à la peur de nuisances concrètes liées à l’élevage. Elles peuvent être directes (nuisances olfactives, sonores, visuelles, craintes de pollution de l’eau) ou indirectes, notamment sur la valorisation des biens immobiliers à la revente ou liées à des tensions au sein du village entre les différentes parties. « Ces opposants ne sont en général pas hostiles au projet en soi mais ils ne le souhaitent pas près de chez eux. »

- Le deuxième type de reproche porte sur la question du modèle agricole, des risques environnementaux et du bien-être animal, avec une logique plus militante.

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