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Prune : le choix d'une filière dynamique

Vincent et Pierre Delattre ont choisi la prune américano-japonaise comme moyen de rebondir, mais aussi par intérêt pour cette culture technique.

« Et voilà les September Yummy », s’exclame, souriant, Vincent Delattre. Les prunes violettes tirant encore sur le rose s’accrochent en grappes au sein d’une végétation dense. « Le verger est en 6ème feuille. Et c’est notre troisième année de récolte, explique fièrement cet arboriculteur-éleveur de Pinel-Hauterive en Lot-et-Garonne. On devrait récolter vers mi-septembre, entre 30 et 40 t de prunes d’un calibre entre 50 et 60 mm ». September Yummy est la première variété de prune américano-japonaise plantée par les deux frères Delattre. Mais pas la dernière. « Dans les années 2010, il y avait urgence pour sauver la ferme. Les prix du lait et du pruneau étaient bas, relate Vincent Delattre. Nous devions trouver une nouvelle culture avec un retour rapide sur investissement ». La prune américano-japonaise s’est imposée, car elle permettait de diviser le risque climatique et commercial. « C’est la dynamique de l’environnement technique et commercial autour de la prune américano-japonaise, portée par Blue Whale, le bureau commercial de notre coopérative Vallée du Lot, qui m’a séduit », résume le producteur. Et d’une nécessité économique, ce choix s’est transformé en passion. Vincent Delattre raconte la plantation, la taille de formation, l’apport de ruches pour la pollinisation, la grêle en fin de première feuille qui a compromis la première récolte l’année suivante… « Un an après la plantation, j’ai eu ma première frayeur, avec un problème de bactériose. Beaucoup de feuilles ont chuté ! se rappelle l’arboriculteur. Mais les arbres sont tellement feuillus, qu’ils arrivent à gérer ces pertes ! »

La difficulté de l’éclaircissage

Et puis, il y a l’éclaircissage. Manuellement, il nécessite 150 à 300 heures par hectare selon la charge. Mais avec d’autres producteurs de la coopérative, les deux frères ont le projet d’acheter une effleureuse de type Eclairval pour mécaniser l’opération. « C’est délicat au début, on a toujours tendance à sous-éclaircir car les fruits sont petits et l’arbre a beaucoup de feuilles, témoigne Vincent. On peut juger de notre travail après coup : un éclaircissage réussi donne la sensation de ne pas voir de fruits jusqu’en juin ». Si l’éclaircissage est l’opération délicate, la récolte est rapide. Un ouvrier peut récolter une tonne par jour.

La culture de la prune américano-japonaise est un vrai challenge » VINCENT ET PIERRE DELATTRE, pruniculteurs

« Je ne savais rien faire au moment de la plantation ! » avoue Vincent Delattre avec amusement. Et c’est ce qu’il voulait : partir sur du neuf et découvrir une nouvelle culture. Lui et son frère avaient planté des américano-japonaises dans les années 90, mais les arbres ont vite été arrachés. « Ça a été la Bérézina, nous n’avions aucun suivi technique et les récoltes arrivaient trop tard dans la saison ». Pour le second départ, ils ont dû tout apprendre : la taille, l’éclaircissage, trouver une solution à chaque problème en tâtonnant. « La culture de cette espèce est un vrai challenge. Elle va vite dans son développement, les erreurs se payent de suite. Tu vois beaucoup plus rapidement si tu as fait un mauvais investissement, contrairement à la prune d’Ente. Avec cette culture, on est plus sur la dynamique technique de la pomme : il faut apprendre à maîtriser ses arbres, installer des filets paragrêle, gérer le gel, etc ».

Une mise en marché sous contrôle

Une dynamique que le producteur retrouve dans la commercialisation. En 2010, September Yummy était la seule variété en développement sous contrat avec Blue Whale. Son développement ne s’est fait que sur une quarantaine d’hectares. Comme la production est maîtrisée, la mise en marché l’est aussi. L’objectif pour le groupement de coopératives, spécialiste de la prune américano-japonaise, est de développer une gamme avec des variétés ressemblantes en goût et en couleur. Des variétés douces, un peu acides et aux arômes complexes.

Un choix économique pour petite surface

« Ce qui m’a plu dans l’américano-japonaise, c’est qu’on n'a pas besoin de grandes surfaces, analyse avec calme Vincent Delattre. Avec cinq hectares, c’est viable ». Avec un hectare de prunes américano-japonaises, il gagne autant qu’avec quatre ou cinq hectares de prune d’Ente. « Même si les investissements à la plantation, d’environ 40 000€, sont le double par rapport à la prune d’Ente, on commence à les rembourser deux fois plus tôt, au bout de trois ans contre sept ». Dans le futur, il envisage donc de réduire ses surfaces de prunes d’Ente et d’agrandir sa surface d’américano-japonaises. « Mais pas plus de cinq hectares ! » nuance le pruniculteur. Après, le suivi des cultures demande trop de temps pour l’éclaircissage, la protection des cultures et l’irrigation. « Notre zone de production n’est pas propice à une gestion de masse. Le parcellaire est trop petit, explique t-il. Et je n’ai pas la volonté de collectionner les hectares ! ».

PARCOURS

1994 : installation avec son frère en élevage laitier sur 41,5 ha dont 1,5 ha de pruniers d’Ente

1995-2009 : plantation et reprise de vergers de prunes d’Ente pour arriver à 13 ha

2009 : plantation d'un hectare de reines-claudes et émergence du projet d’américano-japonaises

2010 : plantation de 2 ha de September Yummy

2015 : plantation de 1,5 ha de Friandise

2016 : plantation de variétés en test de pré-développement pour l’association Prune du Sud-ouest

Des variétés pour un calendrier

Après la plantation de September Yummy, Vincent Delattre a voulu continuer à étaler son calendrier de production. « Nous commençons les récoltes par la Reine-Claude, puis on enchaîne avec la prune d’Ente et on finit avec la September Yummy, analyse t-il. Pour continuer le développement de la prune sans surcharger les périodes actuelles de récolte, j’ai choisi une variété qui se récolte avant la Reine-Claude : Friandise ». Comme September Yummy, c’est une prune dite rouge, vendue sous la marque Estiva développée par Blue Whale. « Plantée en 2015 sur 1,5 ha, nous avons récolté cette année cinq tonnes par hectare ». Les frères ont aussi le projet de planter un hectare de Prum Red VII, une autre prune rouge de la gamme Metis déjà en essai sur quelques rangs. Avec une date de récolte entre la Reine-Claude et la prune d’Ente, elle compléterait le calendrier. « Mon objectif serait de pouvoir avoir un calendrier de récolte qui s’étale du 10 juillet jusqu’au 15 septembre, avec dix jours de récolte par variété » Avant cette période, des taux de sucre convenables sont difficiles à atteindre, et après la mi-septembre, les conditions météorologiques deviennent difficiles pour gérer la récolte. Pour trouver d’autres variétés, l’arboriculteur fait partie du réseau de pré-commercialisation du groupe Prune du Sud-ouest. Il possède ainsi quelques rangées d’une prune jaune, African Prime, sur lequel le technicien de Blue Whale fait des observations et vérifie le comportement. « J’aime passer d’une variété à l’autre, les différences font qu’il y a du grain à moudre, c’est moins monotone que de rester sur la même variété ».

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