Interview
« Parler moins de l’origine et plus de la qualité »
Dans une interview accordée à Fld, les dirigeants de Creno reviennent sur la campagne pêches-nectarines.
La demande d’application du coefficient multiplicateur sur la pêche-nectarine a abondamment été commentée par la production, mais très peu par l’aval. Rencontre avec Philippe Henri, président de Creno, et de Franck Ackermann, directeur commercial de Creno Impex notamment en charge des achats pêches-nectarines pour le groupe.
Fld hebdo : Comment avez-vous vécu la campagne pêches-nectarines ?
Franck Ackermann : Nous avons débuté avec une dizaine de jours d’avance et nous terminerons avec ce décalage. La mise en place de la production française a été douloureuse en juin avec une forte pression des volumes et une météo défavorable pour la consommation.
Philippe Henri :La production française nous presse de basculer sur ses produits qui n’ont pas toujours atteint dans toutes les zones les standards qualitatifs suffisants pour satisfaire le consommateur. Un véritable dialogue interprofessionnel est nécessaire, où l’on parlerait moins de volumes et d’origine, mais plus de degré Brix et de qualité.
Fld hebdo : Avez-vous une estimation du différentiel prix pour cette période entre 2006 et 2007 ?
Franck Ackermann : Les prévisions de production indiquaient une année sereine que les conditions météo n’ont pas confirmée. On aurait alors pu se situer sur les prix de l’année 2006 mais ce déséquilibre offre/demande ne l’a malheureusement pas permis. Nous pouvons être inquiets pour l’avenir car ces prix à l’évidence trop bas rendront difficiles les investissements nécessaires à la modernisation des vergers Français et des stations de conditionnement. Pendant ce temps, et depuis plusieurs années, l’Espagne et dans une moindre mesure l’Italie prennent de l’avance.
Philippe Henri : La pêche/nectarine se trouve dans la situation du melon il y a quelques années. Le consommateur ne savait pas s’il allait manger du melon ou de la courge. On peut déplorer l’absence de recherche variétale française. Certaines variétés plantées par défaut correspondent plus à une politique de maintien du courant commercial pendant la saison qu’à une réelle volonté de satisfaction des consommateurs. Enfin, certaines stratégies commerciales devront évoluer à l’avenir.
Fld hebdo : Philippe Henri, qu’entendez-vous par changer de stratégie commerciale ?
Philippe Henri : Le commerce de gros doit bien souvent se contenter des volumes résiduels une fois que les GMS ont été servies. Les producteurs devraient prendre conscience qu’en France le commerce de gros représente 40 % des débouchés commerciaux. Malheureusement certains ne s’en souviennent qu’en cas de besoin lorsque les marchés sont saturés, quitte à s’étonner ensuite des conséquences de cette attitude… Par exemple lors des promotions parking l’offre des calibres B a été totalement asséchée. Pourtant celle-ci correspondant au cœur de gamme de certains de nos clients, en RHD par exemple, que nous avons eu les pires difficultés à satisfaire.
Fld hebdo : A titre personnel que pensez-vous du coefficient multiplicateur ?
Philippe Henri : Si le législateur considérait que le coefficient multiplicateur peut permettre à chaque stade de la filière de gagner sa vie, on pourrait imaginer y souscrire. Mais, on est loin du compte.
L’UNCGFL a estimé que les grossistes de marché perdraient entre six et dix points de marge, idem pour les grossistes travaillant avec les GMS et huit à douze points pour la clientèle RHD. Les taux prévus par les décrets auraient mis en péril le commerce de gros. Ce mécanisme était déraisonnable et tout le monde aurait rapidement compris que nul ne se précipite pour vendre des produits à perte. Il y aurait eu des effets pervers qui n’auraient pas engendré de dynamique nouvelle ni tiré la filière vers le haut, bien au contraire car c’est un dispositif qui ne prend en compte que le prix de revient du producteur.
Globalement, je reste sur la ligne de notre Fédération Professionnelle, en opposition constante contre le principe et les modalités d’application. Le coefficient est une atteinte aux libertés économiques et une économie administrée n’a jamais eu d’effets positifs. Heureusement que le ministre de l’Economie n’a pas validé sa mise en place. Mais à l’inverse, il est vrai que nous ne connaîtrons pas les effets néfastes qui auraient permis d’enterrer définitivement cette très mauvaise idée expérimentée par le passé en économie de pénurie alors que nous sommes en économie d’abondance et de concurrence.