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Légumes : les usages orphelins mobilisent

Complexe, l’organisation du dispositif usages orphelins pour les cultures légumières est pourtant indispensable pour disposer de moyens de protection nécessaires à la production.

LES MOUCHES FONT PARTIE DES RAVAGEURS compliqués à maîtriser pour lesquels il existe de nombreux usages orphelins.
© F. VILLENEUVE

La démarche "usages orphelins" mise en oeuvre par la Direction générale de l’Alimentation (DGAL), poursuit trois objectifs principaux : accélérer la mise à disposition d’outils de protection innovants couvrant tous les modes de production, anticiper les évolutions communautaires et nationales ; mettre en place des démarches structurées pour éviter la dispersion des forces et des moyens et porter un message unique auprès des différentes instances. Si cette démarche est commune à l’ensemble des filières végétales, elle prend une importance accrue pour la filière légumes au vu du nombre d’usages considérés comme orphelins (506 usages orphelins sur un total de 658 usages en cultures légumières, soit 77 % des usages peu/mal/ non pourvus ou en danger). Un usage, au sens du catalogue, correspond à une culture, un mode d’application d’un produit phytopharmaceutique (PPP) et une cible.

La notion d’usage mal ou pas pourvu revêt différents aspects d’une stratégie de protection. Il y a les usages pour lesquels il n’y a pas de solutions autorisées. Ces usages vides représentent 39 % du total en 2016. Il est possible d’y distinguer ceux dont une solution de protection a été identifiée (33 %) et ceux n’en ayant pas (6 %). A l’opposé, il y a les situations que l’on peut considérer comme sans problème et qui représentent 23 % du total des usages orphelins.

Un tiers des usages nécessite de nouvelles solutions

Entre ces deux situations, des états intermédiaires existent. Il y a les usages pourvus mais dont les substances actives peuvent être menacées par une situation de retrait ou de limitation d’emploi. Dans cette catégorie, il y a les substances actives que les firmes ne souhaitent pas soutenir lors du réexamen européen, les substances perturbatrices endocriniennes, et celles qui sont candidates à la substitution et aux critères d’exclusion... Autre situation, les substances actives autorisées ne permettent pas une protection ou une action suffisante du fait d’un manque d’efficacité, d’un spectre insuffisant… Enfin, à cause d’un manque de modes d’action différents, il y a un risque de voir apparaître des résistances aux substances autorisées. Ces différents cas représentent 39 % des usages en 2016, ce qui veut dire que plus d’un tiers des usages des cultures légumières nécessite de nouvelles solutions de contrôle. Cette situation peut, de plus, évoluer rapidement en fonction des retraits ou l’arrivée de nouvelles AMM.

Il n’existe pas de structure de financement de l’ensemble de ces actions d’intérêt général et collectif. L’ensemble des actions envisagées dans les usages orphelins reste fondé sur la volonté des différents partenaires de s’associer au dispositif et d’interagir avec la DGAL. Leur participation effective et le respect des règles de circulation de l’information sont des éléments clefs du bon fonctionnement de ce dispositif. A la demande de la DGAL, le Ctifl, de par ses missions de coordination et d’expertises filières reconnues, co-organise ce dispositif pour le secteur des légumes frais. Il en est de même pour l’Unilet, dans le secteur des légumes transformés. Etant donné le nombre important d’interlocuteurs (utilisateurs, experts techniques, expérimentateurs, firmes, gestionnaires et évaluateurs du risque), la DGAL a décidé de mettre en place les instances nécessaires pour atteindre les objectifs donnés et de structurer le dispositif en trois phases.

Structuration du dispositif usages orphelins

Plusieurs acteurs participent au bon fonctionnement du dispositif usages orphelins. En premier lieu, la DGAL/SDQSPV. En charge de la gestion du risque, elle pilote le dispositif usages orphelins, mais se place aussi en cheville ouvrière importante tant au travers des experts que de la mise en place d’un programme d’expérimentations. Elle reste le décisionnaire de l’ensemble des trois phases et des instances dédiées. Outre leur participation au GTF légumes et le Comité des usages orphelins, les producteurs, au travers de Légumes de France et des représentations par l’Unilet et l’Itab (pour l’agriculture biologique), portent leurs demandes sur les usages orphelins auprès des pouvoirs publics, via le plan syndical. Avec leur expertise technique nationale, le Ctifl et l’Unilet sont associés au côté de la DGAL en qualité d’experts non décisionnaires par la co-animation du GTF légumes et la participation aux différents travaux et instances qui en découlent comme le CTOP par exemple. Des retours plus larges sont faits aussi régulièrement via l’organisation de rencontres techniques phytosanitaires légumes Ctifl/ DGAL et de conférence ciblée, comme les prochains entretiens techniques Ctifl au Sival qui seront ciblés sur la thématique du désherbage.

A noter que le Ctifl assure également le secrétariat du GTF légumes. C’est ainsi plus de 250 jours annuels, soutenus par la contribution interprofessionnelle, qui, par la mobilisation de plusieurs équipes, sont consacrés aux expertises, à la rédaction des argumentaires et à l’organisation du dispositif des usages orphelins en fruits et légumes. De son côté, l’Unilet consacre quelques 75 jours entre expertises, lettres de soutien et réunions. En outre ces deux organismes en association avec les acteurs de la recherche appliquée (stations régionales), les agents de développement et les AOP, assurent une connaissance suffisamment fine afin de pouvoir appréhender les spécificités locales susceptibles de nécessiter des solutions spécifiques. Enfin, les firmes phytosanitaires ont un rôle de tout premier ordre dans le dispositif. Outre le fait qu’elles soient les metteurs en marché des spécialités commerciales, elles jouent un rôle primordial dans les propositions de solutions et de montage des différents dossiers permettant l’obtention de nouvelles Autorisations de mise en marché.

Un dossier abouti

L’homologation de spécialités appliquées par "lampe à soufre" est l’exemple d’un dossier abouti. Initialement travaillée par le Groupe de Travail national phytosanitaire serres, créé à l’initiative du Ctifl et de la DGAL-SDQSPV, cette thématique est devenue l’une des priorités portées par le GTF légumes qui s’est fait le relais auprès de l’Anses des travaux réalisés par le Ctifl, les stations régionales, la société phytopharmaceutique et la MSA. Le 15 mai 2017, la décision d’AMM de la préparation Fluidosoufre par évaporation était signée à l’Anses.

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Une protection des cultures en pleine évolution

Passer de la guerre à la défense

La conception de la protection des cultures légumières est en pleine évolution du fait de l’action conjuguée des connaissances nouvelles et des attentes sociétales, sous-tendue par la réglementation. On passe de la conception de lutte contre les bioagresseurs visant à les éradiquer à une protection des cultures permettant de préserver au mieux les récoltes. De façon imagée, on passe du ministère de la guerre à celui de la défense. Cette situation nécessite différentes évolutions fortes comme des stratégies s’intégrant dans la durée, avec prise en compte de la rotation et de "moments" dédiés à la santé des sols ; une diversification des techniques de protection alliant le choix des variétés, des itinéraires techniques, du biocontrôle et protection chimique ; la prise en compte de l’environnement des parcelles avec, dans certains cas, des aménagements spécifiques.

Forte évolution programmée du désherbage

Si un secteur a et va subir de très fortes transformations, c’est bien le désherbage des cultures. Les raisons en sont multiples : d’un côté, une forte régression des solutions de désherbage chimique pour des raisons de protection de l’environnement et des applicateurs ; d’un autre, l’accroissement des cas d’envahissement des parcelles par adventices toxiques pour l’homme comme le datura, les morelles… ; mais aussi, des envahissements de parcelles par des adventices difficiles à contrôler comme le souchet comestible ; et enfin, la montée en puissance de la robotique dans le désherbage mécanique. Toutes ces évolutions amènent à changer la manière de penser les stratégies de protection avec une part grandissante de la prise en compte de la gestion du stock semencier des parcelles. Il s’agit aussi de repenser certaines implantations de cultures.

AVIS D’EXPERT

SOPHIE SZILVASI, expert légumes DGAL

Croiser les priorités professionnelles avec les solutions

« Avec près de 44 % des usages phytosanitaires sur un total de plus de 1 500 usages phytosanitaires toutes filières confondues, et si on conjugue ces usages avec des cultures différentes (plus de 70 légumes en métropole) et des modes de production très diversifiés, il est indéniable que les cultures légumières présentent une véritable complexité en comparaison avec les autres filières végétales. C’est ainsi que le dispositif des usages orphelins a été mis en place le 26 juin 2008 par la DGAL afin de répondre aux difficultés rencontrées par les producteurs en termes de moyens de protection des cultures. La DGAL en assure la gouvernance avec l’appui de centres techniques comme le Ctifl et l’Unilet. Le Groupe Thématique Filière (GTF) qui regroupe une large représentation professionnelle en est la cheville ouvrière (plus de 35 participants). Cet important travail d’analyse par usage permet de définir les impasses rencontrées par les producteurs, de croiser les priorités professionnelles avec les solutions proposées par les firmes incluant aussi le biocontrôle et les techniques alternatives. Il permet aussi de construire le volet légumes du plan d’actions national des usages orphelins. La connaissance précise des demandes et des exigences des dossiers est transmise aux professionnels et aux firmes ce qui permet de les accompagner dans leurs démarches : soutien professionnel et/ou demande professionnelle au titre des articles prévus dans le règlement 1107/2009. C’est ce travail de fond coordonné qui permet aussi d’être réactif dans les demandes de situations d’urgence ».

Apporter des solutions

Les cultures légumières représentent rarement un marché de taille suffisante pour intéresser les sociétés développant des solutions de protection des plantes. De plus, la réglementation ne prévoit pas toujours d’aménagement prenant en compte leurs spécificités. Aussi, Légumes de France porte les besoins de l’ensemble des producteurs auprès des pouvoirs publics et des industriels pour apporter des solutions concrètes. Gérard Roche, Bernard Guillard et Cyril Pogu sont trois professionnels ainsi qu’Alice Richard, chargée de mission, en première ligne sur ce dossier qui demande une attention permanente.

Leur travail se fait de manière très étroite avec le secteur du transformé, représenté par l’ANPLC. Ainsi, à la demande de Légumes de France et de l’AOPn Tomate de France, le ministère de l’Agriculture a délivré une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour une durée de 120 jours pour le PMV-01 afin de protéger les tomates du virus du pepino. Il s’agissait aussi de mobiliser les équipes de la recherche publique sur la protection des cultures, notamment en plein champ. Les travaux du Groupement d’intérêt scientifique (PIClég) sont donc plus que jamais nécessaires dans la nouvelle version du GIS pour les dix ans, comme c’est le cas avec un projet de gestion agroécologique du souchet, adventice envahissante, devenue incontrôlable. Sujet sensible, la protection des cultures nécessite aussi de communiquer auprès du réseau et des producteurs et du grand public via le GIS PIClég.

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