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Des fermes québécoises dynamiques

Environ 130 éleveurs caprins québécois essaient de développer la consommation de fromages de chèvre locaux. Reportages à la fromagerie du Ruban bleu et chez les Biquettes à l’air

La fromagerie du Ruban bleu est une référence québécoise en fromage de chèvre fermier. Caroline et Jean-François se sont lancés il y une dizaine d’années dans le fromage fermier. Installés dans la banlieue de Montréal avec une cinquantaine de chèvres sur six hectares ils sont aujourd’hui particulièrement réputés pour la qualité du fromage et les résultats zootechniques.

Avec un niveau de production de 1 100 litres et 100 % de renouvellement issus d’IA sur chaleur naturelle, le Ruban bleu peut se vanter d’être un des meilleurs élevages du Canada. Les chèvres alpines, Saanens, Toggenbourgs et Anglo-nubiennes sont menées en ration sèche. Tout le foin est produit sur la ferme et les concentrés sont pris à l’extérieur.

Le Ruban bleu achète son complément de lait à une ferme voisine pour produire ses fromages. Ici la gamme est vaste. En effet la clientèle québécoise est finalement assez novice concernant le fromage fermier. La consommation y est deux fois inférieure à la consommation française et s’ouvre depuis peu aux fromages locaux. Mais derrière ce nouvel engouement, le fromage reste difficile à vendre. Ce n’est pas un produit courant et il est assez cher notamment face à la concurrence des importations françaises.

Large gamme de fromages, savons et produits carnés

À l’instar des autres producteurs on retrouve ici beaucoup de fromages inspirés des standards européens. Des lactiques bien sûr, sous toutes leurs formes et à tous les stades. Ici le fromage frais se décline en une dizaine de versions : nature, aromatisé, à tartiner, au confit d’oignons, en verrine de chocolat… Tout est fait pour que le client y trouve son bonheur notamment sur ces produits plus doux et plus accessibles. La feta, trois sortes de tomes, une pâte molle et les cheddars vieillis ou aromatisés au poivre et à lavande, viennent compléter le plateau. Cette gamme demande une grande organisation en fromagerie et forcément beaucoup de main-d’œuvre. Avec 80 % du volume écoulé en direct, sur la boutique, des marchés et des salons, la fromagerie embauche deux fromagers, deux vendeuses et une personne en renfort sur la ferme. Les savons (faits à façon avec le lait du troupeau) complètent la gamme avec la viande des chevreaux et des chèvres. Vendue surgelée, en saucisse, haché, terrine et découpe, elle est un véritable revenu pour les éleveurs qui en manquent souvent…

Énormes contraintes pour le lait cru

Si le climat impacte peu sur l’élevage des chèvres ce n’est pas le cas sur la vente. Les marchés extérieurs ont lieu de mai à octobre et la vente en boutique à l’année. En hiver, les salons et marchés de Noël prennent le relais, mais le Ruban bleu travaille avec des grossistes pour lisser ses ventes en périodes plus creuses.

Le fromage est pasteurisé comme dans la majorité des fromageries québécoises. Encore un surcoût et une surcharge de travail. La réglementation vient tout juste de changer et autorise désormais le lait cru mais en imposant un cahier des charges des plus contraignants. Tout doit être tracé : les heures de traites, le nom du trayeur et même l’heure de fermeture du tank… Une traçabilité excessive et chronophage pour les producteurs qui fait que seuls deux d’entre eux ont franchi le pas. Cette incompréhension est d’autant plus forte que le Québec importe des fromages au lait cru d’Europe qui arrivent, de plus, moins chers sur le marché…

Une petite filière dans une grande province

Avec une centaine de laitiers et une trentaine de fromagers répartis sur une province qui fait trois fois la taille de la France, la filière caprine reste confidentielle face aux autres productions québécoises. Mais une demande croissante et le dynamisme des éleveurs et de l’interprofession lui donnent malgré tout une belle assise dans le paysage agricole.

Le climat impacte finalement peu sur l’élevage des chèvres. Les hivers sont durs mais les troupeaux sont de toute façon élevés en intérieur. Les saisons sont très contrastées et l’été est propice à une production fourragère de qualité. La palette de culture est vaste (mais, tournesol, blé et également soja) et les rendements élevés permettent plus d’autonomie.

Peu de chèvres au pâturage

Avec un niveau moyen de 650 litres de lait, les chevriers québécois tendent à se professionnaliser. Beaucoup d’entre eux ont choisi l’élevage caprin face au coût dissuasif des quotas en vache laitière. Une des particularités de la collecte est qu’elle est souvent faite par les éleveurs, certains se spécialisant même dans le transport du lait.

Une ferme caprine type au Québec compte 250 chèvres pour 160 000 litres de lait. Le niveau génétique est assez bas car il n’existe pas de réelle organisation. Certains ont pu suivre des formations en France et inséminent eux-mêmes leurs chèvres avec des semences françaises ou américaines mais cela reste rare. Au niveau alimentaire, les troupeaux sont conduits en ration sèche ou ensilage et très peu pâturent. Avec un prix moyen de 1 dollar (0,6 euro) le litre et sans aide de l’État, la maîtrise des charges reste essentielle pour maintenir une situation économique viable.

Des biquettes de bord de mer

C’est au milieu du golfe du Saint Laurent, sur les îles de la Madeleine, qu’Éric s’est installé en 2013 avec une quinzaine de chèvres. Un lieu particulier, rythmé par les campagnes de pêche au homard où la banquise et les phoques s’installent six mois de l’année. Le tissu agricole reste fort et dynamique, ce qui lui a permis de rapidement s’intégrer et de mettre en place une commercialisation efficace.

Éric loue une grange pour les chèvres et a construit la « fromagerie les biquettes à l’air » sous sa maison. Les équipements sont simples. Il ne produit que du fromage frais vendu sur un marché et dans les épiceries.

L’insularité demande de l’organisation

Le troupeau sort pour profiter des landes et il est nourri au foin avec un mélange de maïs et de soja. Mené en monotraite, le troupeau produit de quoi fabriquer une cinquantaine de fromages par jour vendus six dollars pièce.

Si la présence touristique et la population à l’année sont un atout pour Éric, la vie sur l’île demande une certaine organisation. Tout vient par bateau, entraînant surcoût et délai. Chaque achat extérieur complique la tâche : les céréales, les ferments mais aussi les reproducteurs… Pas de réparateur de machine à traire, ni de technicien, il fait lui-même son contrôle laitier et envoie les échantillons par avion. Le matériel de l’île est rare et vieux, mais très bien entretenu. Avec son tracteur de 1965, Éric fait son foin sur ses deux hectares, profitant des rares fenêtres sans pluie. C’est un collègue, propriétaire de la seule presse de l’île, qui viendra finir le travail. En passant à trente chèvres l’année prochaine, il espère enfin répondre à la demande.

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