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Allo véto : Quand la fièvre Q pénalise insidieusement la reproduction

Face à deux avortements en cinq mois et plusieurs métrites puerpérales, des analyses se sont imposées  pour comprendre ce qui se passe sur cet élevage. Elles ont permis de révéler la présence de fièvre Q.

 vache avec une non délivrance
Des cas de non délivrance, tout comme la présence de métrites ne doivent pas être négligés.
© C. Fouquet

C’est le jour du suivi de reproduction dans cet élevage. Au programme, diagnostics de gestation, suivi d’involution des matrices post-vêlage, et fouille des vaches en anoestrus ou qui ne remplissent pas. Les visites régulières permettent de faire le point en cas de problème. C’est le cas aujourd’hui. Sur les huit vaches en post-partum, il y a des métrites rouges sur trois d’entre elles. La dernière à avoir vêlé n’est pas délivrée. Le nombre de reproductions n’est pas exceptionnel depuis quelques visites, mais l’éleveur met cela sur le compte d’une modification de la ration avec la mise à l’herbe, sans volonté d’aller plus loin pour le moment.

Ces métrites puerpérales m’inquiètent. La ration des taries n’a pas été modifiée, elles vêlent en bâtiment, à côté des vaches laitières et sont rentrées un mois avant la mise bas.

Je demande à l’éleveur : « Est-ce que tu as eu des avortements dernièrement ? » Il me répond : « Il y a eu ma bonne vache Papouasie, qui a sorti un veau mort quand je venais de la tarir… Et peut-être un autre depuis Noël. » Je m’en étonne : « Et tu ne m’as pas appelée pour faire des prélèvements ? »

Les avortements font malheureusement partie de l’élevage bovin en général et sont toujours source de déception : perte d’un veau, retard de mise à la reproduction pour la vache, voire réforme, et impact économique fort. Tous les avortements doivent être déclarés et menés à la recherche systématique de la brucellose, zoonose réglementée. Cela permet aussi de détecter les autres pathologies responsables d’avortement si un seuil d’alerte est dépassé. En l’occurrence, avec deux avortements en cinq mois et plusieurs métrites puerpérales, des prélèvements sont réalisés pour rechercher brucellose, chlamydiose, néosporose et fièvre Q dans un premier temps. À noter qu’il n’y a pas de symptômes respiratoires, digestifs, locomoteurs ou autres sur le troupeau, et que la diarrhée virale bovine (BVD, en anglais) est écartée, car les boucles des veaux donnent toutes des résultats négatifs. Le résultat tombe : fièvre Q positif !

Les bovins s’infectent souvent par voie respiratoire

La fièvre Q est une infection due à une bactérie Coxiella burnetti. Elle touche aussi bien les bovins, ovins, caprins que les hommes, oiseaux, tiques, chiens ou chats. Elle cause essentiellement des troubles de la reproduction (avortements en fin de gestation, métrites, infertilité) sur les ruminants. Les bovins s’infectent souvent par voie respiratoire : inhalation d’aérosols contaminés par contact direct avec les placentas, les avortons… L’éleveur (ou le vétérinaire) peut se contaminer par la même voie en sortant un avorton de l’aire paillée, en faisant un vêlage, en tirant (à tort !) sur une délivrance. L’excrétion de bactéries peut aussi se faire dans le lait, même si les risques de contamination sont beaucoup plus faibles. Les populations les plus à risque sont les femmes enceintes (risque d’avortement), les personnes au système immunitaire défaillant (symptômes respiratoires avec fatigue), les personnes avec des pathologies cardiaques (risque d’atteinte des valves cardiaques).

La vaccination est recommandée pour limiter la propagation

L’animal reste souvent infecté longtemps, et l’excrétion reprend de façon intermittente, notamment lors du stress des mises bas suivantes. Il faut donc isoler les femelles ayant avorté jusqu’à disparition des écoulements vaginaux pour limiter les risques de contamination du troupeau et réduire la contamination de l’environnement, car la bactérie est capable de résister sous forme de « spores » très longtemps dans l’environnement (plusieurs mois dans le sol, le fumier, les poussières) et à des désinfectants. Pour les mêmes raisons et pour éviter la contamination des chiens, les placentas et avortons devraient partir à l’équarrissage, dans des sacs en plastique. La contamination d’un troupeau se fait le plus souvent :

- soit par l’entrée d’un animal déjà atteint : les sérologies s’interprètent plutôt à l’échelle d’un troupeau que d’un individu. Il faut absolument isoler les animaux achetés, notamment les vaches qui ont fraîchement vêlé.

- soit par proximité avec un autre élevage atteint : la résistance de la bactérie dans les poussières fait que la transmission est possible sur plusieurs dizaines, voire centaines de mètres.

- éventuellement via des tiques ou la faune sauvage.

La vaccination est recommandée pour limiter la propagation : de nombreuses études ont montré qu’elle était rentable dès la deuxième année. Le Groupement de défense sanitaire aide souvent à la mise en place d’un plan de gestion et se coordonnera avec votre vétérinaire pour vous aider ! Enfin, l’antibiothérapie (oxytétracycline) est possible, mais plutôt à réserver aux vaches ayant avorté.

Quelques rappels non superflus

 

  • Tous les avortements doivent être déclarés.
  • Métrite et non délivrance sont importantes, même si elles ne sont pas associées à des avortements.
  • Toujours prendre des précautions lors des vêlages et lors de la manipulation des produits de la mise bas ?

 

Mise en garde

Les placentas dans l’aire paillée sont une pratique à proscrire pour éviter tout risque de contamination. D’autant que la bactérie résiste sous forme de spores très longtemps dans l’environnement.

 

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