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Les haies, des atouts agronomiques et une source de revenu

Au-delà de l’intérêt environnemental et agronomique, deux producteurs de grandes cultures de l’Orne valorisent économiquement leurs haies. La société Bois négoce énergie leur achète le bois pour la production de plaquettes.

Thierry Royer et Bruno Bremenson, agriculteurs dans l'Orne."Avec une prestation de coupe et déchiquetage assurée par Bois négoce énergie, les haies nous rapportent 12 euros la tonne de bois plaquette." © C. Gloria
Thierry Royer et Bruno Bremenson, agriculteurs dans l'Orne."Avec une prestation de coupe et déchiquetage assurée par Bois négoce énergie, les haies nous rapportent 12 euros la tonne de bois plaquette."
© C. Gloria

Quinze kilomètres de haies chez Thierry Royer, douze kilomètres chez Bruno Bremenson : dans l’Orne, les deux agriculteurs tirent un petit pécule de l’exploitation du bois produit en bordure de parcelles de grandes cultures. Ils sont rémunérés 12 euros la tonne par la société Bois négoce énergie (BNE) qui prend en charge la coupe et la transformation en plaquettes avec les équipements spécifiques que cela nécessite. Une tonne représente entre 2,5 et 4 m3 de plaquettes selon l’humidité.

« Tous les quinze-vingt ans, les haies produisent entre 15 et 30 tonnes de bois pour 100 mètres, estime Bruno Bremenson, agriculteur à Monts-sur-Orne (1). J’en valorise une partie tous les trois à quatre ans à l’automne pour en tirer 200 tonnes de production. » Même chose chez Thierry Royer. « Cette valorisation permet de couvrir les charges sur les haies, considère l’agriculteur qui exploite également une plateforme de compostage et une unité de méthanisation à Fontenai-sur-Orne (2). Nous avons moyen de les valoriser sans trop y consacrer de travail, ce qui est aussi un encouragement à en planter. Avant la prestation proposée par BNE, nous nous contentions d’entretenir nos haies avec le passage d’un lamier pour la taille. Le bois coupé était simplement brûlé sur place ensuite. »

Des contrats avec une centaine d’agriculteurs

Les deux agriculteurs font appel à la prestation de BNE. Cette société passe des contrats chaque année avec une centaine d’agriculteurs en France, principalement en Normandie, dans les Hauts-de-France et en Île-de-France. Le bois bocager est transformé en plaquettes pour le chauffage. « Dans la majorité des contrats, nous prenons en charge avec nos équipements la coupe de la haie, la mise en andain des branches et le déchiquetage, précise Étienne Dufay, acheteur bois chez BNE. Il reste à la charge de l’agriculteur le transport des copeaux jusqu’à un silo, sa mise en tas pour le séchage et le chargement des camions pour le transport des plaquettes vers les chaudières. »

Bruno Bremenson transporte les plaquettes jusqu’au site de stockage de BNE, situé non loin à Moulin-sur-Orne. Thierry Royer dispose, lui, d’un site de stockage sur sa ferme, plus éloignée de ce point de collecte. Les plaquettes doivent être stockées trois mois au minimum pour un bon séchage. Elles alimentent ensuite les chaudières collectives de villes de la région et d’industries. « Actuellement, elles subissent la concurrence du gaz, dont les prix sont plutôt bas », remarque Étienne Dufay.

Des règles à respecter dans l’exploitation de haies

Le contrat entre BNE et les agriculteurs impose d’abord quelques vérifications. « Pour décider du mode de prestation, nous faisons un premier tour avec l’agriculteur pour voir si les haies sont exploitables ou pas. Celles-ci sont intéressantes quand le diamètre des branches atteint 20 centimètres. Les agriculteurs doivent vérifier la propriété des haies et, si besoin, la valider avec leurs voisins. La situation n’est pas toujours très claire sur les cadastres, remarque Luc Bertrand, adjoint à l’exploitation forestière et chargé de plantation chez BNE. D’autre part, nous devons voir si ces haies sont ou non dans un périmètre de protection (de biotope, zone Natura 2000, urbanisme), auquel cas leur exploitation est conditionnée au suivi d’une réglementation précise. » Le bois bocager issu des exploitations agricoles représente environ la moitié des plaquettes commercialisées par BNE dans les départements de l’ex-région Basse-Normandie. Le reste provient des forêts, exploitées également pour le bois d’œuvre.

Chaque année depuis dix ans, Thierry Royer continue à planter des haies. Bruno Bremenson en a installé 400 mètres en 2020. « Ce n’est pas que pour l’argent que cela peut rapporter. Les haies sont bénéfiques pour l’environnement, la biodiversité et c’est bien perçu sur le plan sociétal », souligne Thierry Royer qui en déclare une partie en surface d’intérêt écologique (SIE). « Nous privilégions les plantations sur les bords de route et plutôt au nord de chaque parcelle afin que l’impact négatif soit réduit sur la culture en bordure », remarque Bruno Bremenson. Au-delà des bordures, les haies ont un impact positif sur le reste de la parcelle. Elles ont un effet brise-vent, contribuent à améliorer l’infiltration de l’eau dans le sol et sont des refuges pour toute une faune utile.

(1) 300 hectares dont 250 de cultures : colza, blé, orge, pois, lin textile, maïs, avoine.
(2) 400 hectares dont 300 de grandes cultures : colza, blé, orge, maïs…

Une plantation de haies financée à 70 %

Le conseil départemental de l’Orne est assez généreux sur l’installation de haies. « Il octroie une aide de 40 % sur le coût de plantation, à laquelle s’ajoutent des financements provenant d’organismes privés, précise Luc Bertrand, BNE. Ainsi, l’association A tree for you ajoute 20 à 30 % d’aide financière. BNE s’occupe de trouver ces financements et de réaliser les travaux de préparation du sol, la pose d’un film biodégradable, la plantation des différentes essences et leur protection vis-à-vis du gibier. Il reste à l’agriculteur à débourser entre 2,5 et 3 euros hors taxe du mètre de haie. » Les haies se composent d’arbres de haut jet, d’arbustes et d’arbres intermédiaires (érables, bouleaux, pruniers, cytises…). Ces derniers sont les principaux contributeurs à la production de plaquettes. Le frêne, actuellement décimé par une maladie, a été abandonné.

Lire aussi : Des agriculteurs au chevet des abeilles sauvages

Une gestion sylvicole de la haie pour en tirer les meilleurs bénéfices

Comment tirer le meilleur parti de sa haie pour une production de copeaux de bois destinée au chauffage ?

« L’utilisation du bois d’une haie est rentable dès que les branches atteignent 10 centimètres de diamètre, mais l’optimum est de 20 centimètres, selon Sylvie Monier, directrice de la structure Mission haies, en Auvergne. En dessous, on obtient beaucoup de petit bois et d’écorce, de piètre qualité en plaquette bois énergie. Il faut attendre 25 ans minimum pour valoriser sa haie après la plantation, à l’exception des haies de bord de cours d’eau récoltables au bout de 15 ans, avec du bois blanc de saule ou d’aulne qui pousse très vite. » La fréquence de récolte est ensuite de 20 ans pour des essences comme le charme, le prunier sauvage, l’érable champêtre, et de 10-15 ans pour le bois tendre.

Un mètre cube apparent plaquette vendu à 25 euros

Une étude a été menée en Limagne sur des haies plantées dans les années 80 suite à un remembrement. Beaucoup se retrouvent en bordure de parcelle de grandes cultures aujourd’hui. Un kilomètre de ces haies produit annuellement 35 à 50 mètres cubes apparent plaquette (MAP). « Cela équivaut de 3 000 à 4 200 litres de fioul pour le chauffage », estime Sylvie Monier. La production de plaquette coûte entre 12 et 22 euros/MAP selon les chantiers en prenant en compte l’abattage, le déchiquetage, le transport jusqu’au silo, le stockage et le temps de travail.

« En faisant appel à une telle prestation, il reste à l’agriculteur la récupération du déchiquetage, ce qui prend deux heures pour 100 mètres de haie. Le MAP se vend 25 euros au minimum. La production est donc bénéficiaire », souligne Sylvie Monier qui met en avant l’utilité d’une vraie gestion sylvicole de la haie. Elle assure une meilleure production et une bonne régénération tout en conservant l’effet brise-vent. Les contrats entre agriculteurs et communes ayant installé des chaudières plaquettes ne sont pas courants en Limagne. « Mais c’est l’avenir, assure Sylvie Monier, avec les agriculteurs pourvoyeurs d’énergie verte en circuit court. »

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