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Irrigation : adapter ses cultures et le rythme des apports d’eau aux restrictions

Sur les exploitations avec irrigation, une disponibilité restreinte en eau peut contraindre les agriculteurs à adapter le rythme des apports d’eau, voire à choisir des cultures moins exigeantes sur la période estivale.

Sur blé tendre, l'épiaison est la période de sensibilité maximale au manque d'eau.
Sur blé tendre, l'épiaison est la période de sensibilité maximale au manque d'eau.
© V. Marmuse

La disponibilité en eau pour l’irrigation n’est pas toujours assurée pour subvenir aux besoins des cultures, surtout celles exigeantes durant la période estivale. Deux cas de figure peuvent se présenter : disposer d’un volume limité mais garanti sur toute la période de culture, ou subir un arrêt précoce de l’arrosage dû à des arrêtés de restrictions.

Pour Sophie Gendre, spécialiste de la gestion quantitative de l’eau à Arvalis, la stratégie doit s’adapter au type de restriction : « dans le premier cas, il faut bâtir un calendrier de répartition des apports qui visera à encadrer la période de plus forte sensibilité de la culture. L’enjeu est de bien couvrir les périodes où le stress hydrique est le plus pénalisant pour le rendement et la qualité. Par exemple, en maïs, le calendrier prévisionnel sera centré autour de la floraison femelle, stade crucial de l’élaboration du rendement. En même temps, les doses unitaires d’eau apportées seront plus faibles mais plus fréquentes. »

En cas d’incertitude sur la ressource avec risque de coupure précoce, Sophie Gendre préconise un pilotage de l’irrigation « en apportant suffisamment d’eau dans le sol pour que la plante évite le stress le plus longtemps possible après la coupure ». Cela ne signifie pas apporter un maximum d’eau à l’approche de la coupure mais répartir les apports selon un rythme assez soutenu de façon à préserver le mieux possible la réserve en eau du sol. Malgré tout, dans les situations de restrictions décidées brutalement, l’impact sur le rendement est souvent inévitable.

Par la force des choses, des cultures nécessitant des apports d’eau en août, voire en septembre, sont délaissées au profit d’autres espèces dont les besoins sont décalés. Dans le département de la Vienne, la sole de maïs irrigué a baissé de moitié depuis la fin des années 90, et il a été remplacé par des cultures d’hiver arrosées au printemps comme le blé, constatait ainsi en 2021 Laurent Fombeur, de la chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine.

Même constat en Charente. « Le maïs reste la première culture irriguée en Charente, mais sa surface est passée de 26 500 hectares irrigués en 2000 à 10 500 hectares en 2021. Il y a plusieurs causes à cette chute : les cours pas assez rémunérateurs, le coût de l’énergie pour l’irrigation, le séchage et le manque de ressource en eau, explique Olivier Trisse, conseiller irrigation à la chambre départementale d’agriculture. Nous avons de nombreuses situations tendues avec des restrictions d’irrigation dès le mois d’août, voire juillet, tout cela dans un contexte de changement climatique. Une partie des surfaces de maïs se reporte sur les cultures d’hiver, car il y a moins de probabilité d’impact négatif d’un manque d’eau au printemps, mais cela reste minoritaire chez les agriculteurs. » Le basculement du maïs peut aussi se faire sur une autre culture d’été, le tournesol, moins gourmand en eau.

« Sur blé tendre, il y a souvent une petite période de stress hydrique au printemps, poursuit Olivier Trisse. Il faut être vigilant à partir du stade 2 nœuds du blé et surtout autour de l’épiaison, stade de sensibilité maximale au manque d’eau. » La préconisation est de ne pas irriguer au-delà de deux ou trois tours d’eau sur sol superficiel pour le blé tendre. « Hors stress azoté et stress hydrique, l’irrigation d’un blé tendre ne doit pas commencer avant le stade 2 nœuds en sols superficiels et 3 nœuds en sols profonds, confirme Sophie Gendre. Les apports ne dépasseront pas le stade « grains pâteux. »

Dans la mesure du possible, il faut éviter d’irriguer au moment de la floraison à cause des risques de maladies sur l’épi (fusarioses). La période la plus sensible à ces contaminations est la sortie des étamines et l’ouverture des glumes. « L’impact négatif d’une irrigation à la floraison sera toutefois limité si l’on a la certitude qu’une période chaude et sèche entoure l’apport d’eau. Le déficit hydrique peut être marqué sur cette période avec un effet important sur le rendement, prévient la spécialiste d’Arvalis. Entre les stades 'dernière feuille étalée' et 'grain laiteux', l’irrigation est régulièrement payante. En outre, comme nous sommes souvent dans le cas d’une irrigation d’opportunité sur blé, il est très utile de s’appuyer sur un outil de pilotage (sondes, bilan hydrique) pour bien gérer le déclenchement et le rythme de l’irrigation. »

Un rendement optimisé avec 80 mm d’eau apportée en tournesol

Pour remplacer le maïs, potentiellement très vulnérable aux restrictions d’apports d’eau, le tournesol est une solution alternative. « Les besoins en eau d’irrigation sont le plus souvent inférieurs à 100 mm. Cette culture répond bien à une irrigation en quantité modérée, surtout si sa croissance végétative est limitée avant la floraison, indique l’institut Terres Inovia. Dans un contexte de disponibilité en eau restreinte, une seule irrigation de 40 mm fin floraison apporte déjà un gain de rendement de 5 q/ha par rapport à une conduite sans irrigation. Mais une irrigation avec deux tours d’eau positionnés avant et après floraison constitue la solution optimale pour augmenter le rendement avec un volume limité à 80 mm par exemple. »

Selon Olivier Trisse, « l’arrêt d’irrigation en tournesol est généralement programmé début août, alors que pour le maïs les apports d’eau peuvent se prolonger jusqu’à fin août début septembre. Avec deux à trois tours d’eau de 35-40 mm en suivant les préconisations de Terres Inovia, la quantité d’eau apportée est deux à trois fois moindre qu’en maïs. Dans nos contextes de groies superficielles, nous allons mener des essais d’irrigation avec des doses plus faibles, de l’ordre de 25 mm, en conservant le même nombre de tours d’eau sur tournesol. » L’irrigation du tournesol est la mieux valorisée dans les sols superficiels et intermédiaires. Le gain moyen est de 1,2 q/ha à 1,4 q/ha par tranche de 10 mm d’apport dans les sols superficiels, un peu moins en sol intermédiaire, selon des essais Terres Inovia.

Des outils d’aide en situation d’irrigation limitante

 

 
Les outils de pilotage se basant sur des mesures avec des sondes sont très utiles pour les irrigations d'opportunité comme en blé.
Les outils de pilotage se basant sur des mesures avec des sondes sont très utiles pour les irrigations d'opportunité comme en blé. © C. Gloria

L’adaptation de l’assolement fait partie des pistes de réflexion au sein d’Arvalis, davantage pour répondre aux défis du changement climatique qu’aux restrictions d’eau existant localement. « Nous avons créé l’outil Asalée en 2019 avec des partenaires dans le cadre d’un financement de l’Agence de l’eau Adour Garonne. Il compare différentes stratégies d’assolement en fonction d’un volume d’eau disponible en tenant compte de la climatologie de la région concernée ainsi que d’éléments économiques, présente Sophie Gendre, d’Arvalis. L’objectif d’Asalée est d’aider à la conception d’assolement sur un territoire. Il peut contribuer à réaliser des diagnostics d’exploitations agricoles, même si c’est un outil utilisé dans des projets de recherche et développement. »

Plus concret, Irré-Lis est un outil de pilotage de l’irrigation s’appliquant à diverses cultures. Arvalis travaille à concevoir une version Irré-Lis Volume limité, qui sera testée en parcelles en 2022. « L’outil intéressera les agriculteurs subissant des situations de restrictions d’eau, avec notamment des demandes en Poitou-Charente et dans le Sud-Ouest. »

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