Aller au contenu principal

Hausse des besoins de trésorerie : planifier les dépenses pour sécuriser son exploitation

Dans cette période de grande incertitude, les bons résultats de la récolte 2022 imposent de planifier ses besoins de trésorerie sur plus d'un an pour anticiper les dépenses.

Les besoins de trésorerie par hectare vont potentiellement doubler par rapport à 2020 pour la nouvelle campagne, atteignant 700 à 800 euros/hectare pour certaines cultures.
Les besoins de trésorerie par hectare vont potentiellement doubler par rapport à 2020 pour la nouvelle campagne, atteignant 700 à 800 euros/hectare pour certaines cultures.
© G. Omnès

« La récolte 2022 va se solder par des résultats en hausse », constate Céline Sibout, conseillère d’entreprise agricole au cabinet Fiteco. Les résultats corrects à très corrects varient en fonction des moments où l’on a vendu sa récolte et acheté ses intrants, ainsi que de ses rendements. « Malgré la hausse du prix des intrants, celle du prix des céréales a permis de préserver les marges », explique Arnaud Viandier, responsable de marché Agriculture au Crédit mutuel du Centre.

Ces bons résultats vont avoir une incidence forte sur les prélèvements fiscaux et sociaux. Ces derniers vont augmenter avec un décalage dans le temps en fonction des dates de clôture d’exercice et des déclarations de revenus. S’ajoute à cela un contexte inflationniste où les prix des intrants et de l’énergie flambent. Conséquence : les besoins de trésorerie par hectare vont augmenter pour la prochaine campagne. « C’est variable d’une culture à l’autre, mais on va atteindre des sommes de l’ordre de 700 à 800 euros/hectare, estime Arnaud Viandier. C’est deux fois plus qu’en 2020. »

Étant donné le manque de visibilité sur les évolutions de prix, pour les intrants comme pour les céréales, faire le point sur ses besoins de trésorerie s’avère indispensable. « Même si on a une bonne trésorerie, il faut anticiper les besoins futurs », prévient Barbara Lebrun, responsable Conseil d’entreprise à la chambre d’agriculture de Normandie. Il faudra tabler sur différents scénarios « du plus pessimiste au plus optimiste en gardant des marges de sécurité », conseille Céline Sibout. Objectif : avoir une vision claire sur sa trésorerie pour planifier au mieux les dépenses à venir aux niveaux fiscal, social, bancaire et approvisionnement pour la prochaine campagne.

Quantifier les dépenses à venir sur plus d’un an

« Prévoir son budget prévisionnel sur douze mois donne des repères au mois le mois pour savoir où l’on va », estime Arnaud Viandier. Budget qui devra être ajusté et actualisé au fur et à mesure en fonction des achats, des ventes et des évolutions de prix. La démarche peut s’effectuer au moyen d’un tableur Excel qui reprend l’ensemble des entrées et des sorties d’argent.

Il convient d’abord d’évaluer le niveau de sa trésorerie :

 

  • Quels sont mes stocks de produits finis (récolte) : qu’est-ce qu’il me reste à vendre, à quelle date ai-je prévu de vendre ?
  • Quelles sont les positions que j’ai prises sur mes intrants, ai-je tout payé, quelles sont les échéances pour payer mes factures ?
  • Qu’en est-il de mes consommations courantes (fioul, électricité…) ?
  • Où en sont mes remboursements de prêts ?
  • Quels sont mes besoins de prélèvements privés ?

 

Sur le volet social, l’augmentation des bénéfices agricoles après la récolte 2022 va s’accompagner d’une augmentation des cotisations sociales des non-salariés agricoles à la Mutualité sociale agricole. Sur le plan fiscal, il s’agit d’anticiper une augmentation de l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2022. Dans les deux cas, faire le point avec son conseiller en gestion pour mesurer l’ampleur de la hausse sera utile.

Les conséquences des bons résultats 2022 vont être effectives dès l’an prochain dans certains cas, alors que dans d’autres, cela pourra courir jusqu’à 2025. La date de clôture de l’exercice comptable est un premier point à prendre en compte. Pour les clôtures au 31 décembre 2022, l'exercice excédentaire de la récolte de cette année se traduira par une hausse des prélèvements mensuels de l’impôt sur le revenu et de la MSA du mois de septembre 2023 à septembre 2024. Pour les clôtures au 30 juin 2023, les hausses interviendront après la déclaration d’impôts de 2024, soit de septembre 2024 à septembre 2025.

Sur le plan fiscal, l’échéance à laquelle l’augmentation de l’imposition se fera ressentir dépend également de l’option choisie. Avec une imposition calculée sur l’année n-1, la hausse interviendra dès septembre 2023. Pour les agriculteurs qui ont opté pour la moyenne triennale, elle sera lissée sur trois ans. « Selon les résultats de l’année prochaine, il faudra s’interroger sur l’opportunité d’abandonner ou de poursuivre sur la moyenne triennale, avance Céline Sibout, conseillère d’entreprise agricole au cabinet Fiteco. Il peut être intéressant de revenir sur un calcul en année n-1 si les résultats sont moins bons les prochaines années. » La référence de ce qui est dû au titre de l’année 2022 restera la même, mais la tranche marginale d’imposition peut, en revanche, être inférieure si on a moins gagné.

Sur le plan social, si le calcul des cotisations se fait en moyenne triennale, la hausse sera « diluée » avec les résultats des trois exercices précédents, mais elle va se faire sentir durant les trois prochains de manière lissée, soit jusqu’en 2025.

Planifier pour surmonter l’effet de ciseau

Avoir de la visibilité grâce à un prévisionnel de besoins de trésorerie permet de prendre des positions d’achat et de vente les plus pertinentes possibles par rapport à ses objectifs de marges à l’hectare. « L’idéal est de vendre en parallèle de ses achats, avance Arnaud Viandier. On ne peut pas être en spéculation sur tous les sujets, il faut sécuriser le système global de l’exploitation. » Sur le poste des engrais par exemple, si les besoins de trésorerie ont été anticipés, « cela peut permettre de ne pas louper le coche de la morte-saison », estime Céline Sibout. L’enjeu est de répartir le risque en étalant les dépenses.

En cas de mauvaise anticipation, le danger est de voir les courbes des prix des céréales et des intrants se croiser à un moment où il faudra faire face à une hausse des prélèvements sociaux et fiscaux. « L’effet de ciseau finira par arriver », prévient Arnaud Viandier. L’idée est de se comporter en gestionnaire en anticipant les à-coups de trésorerie et le pilotage des crédits court terme, et ainsi d’éviter les impasses. « Avoir une idée du solde mensuel de trésorerie permet de voir si on est dans le vert ou dans le rouge », souligne Barbara Lebrun.

Le prévisionnel de trésorerie est aussi l’occasion de mettre à plat ses chiffres de prix de revient, en calculant ce que coûte de produire un hectare de blé en fonction des prix actuels et d’un rendement moyen. L’enjeu : « être capable de déterminer à quel prix minimum il faut vendre ses céréales pour couvrir ses charges, se rémunérer et même investir », explique Barbara Lebrun. Les outils prévisionnels sont utiles aussi bien à l’échelle de la culture que de l’exploitation.

Anticiper l’effet de nouvelles annuités d’emprunt

Avec les bons résultats 2022, il pourrait être tentant d’investir dans du matériel agricole avec l’intention de réduire la hausse des prélèvements fiscaux et sociaux. « L’investissement n’est pas un outil de défiscalisation », rappelle Barbara Lebrun. Gare aux conséquences : « Il faut anticiper le fait que, dans les années suivantes, il y aura des annuités d’emprunt à rembourser et un parc matériel à amortir, que les résultats soient bons ou non, avec en parallèle une hausse des prélèvements sociaux et fiscaux », rappelle Céline Sibout. Pour l’experte, seuls les investissements prévus et nécessaires au bon fonctionnement de l’exploitation doivent être envisagés. « Attention à l’achat plaisir », sourit la conseillère. Dégager un bon résultat une année ne doit pas conduire à trop investir, le risque est de le payer les années suivantes si les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Les plus lus

Parcelles avec des infrastructures agroécologiques dans le lointain
Suppression des 4 % de jachère : quel impact sur ma télédéclaration PAC 2024 ?

Dès cette campagne 2024, il n’est plus nécessaire de mettre en place de la jachère, cultures fixatrices d’azote ou …

Installation de stockage de céréales de Jean-Christophe Dupuis, agriculteur à Mancey, en Saône-et-Loire
Stockage des céréales : « Mon installation simple me permet d’atteindre un coût de stockage de 8 €/t »
Jean-Christophe Dupuis est agriculteur à Mancay, en Saône-et-Loire. Depuis 2021, il stocke 1 200 tonnes de grains sur son…
Epandage d'engrais sur champ de blé
Engrais azotés : quelle stratégie d'achat adopter pour la prochaine campagne ?
La nouvelle campagne d’achats d’engrais azotés par les agriculteurs pour 2025 démarre à peine. C’est le moment de réfléchir à sa…
Parcelles agricoles au printemps, colza au premier plan, champ de blé et de colza au deuxième plan
PAC et DPB : les six points à retenir avant de faire un transfert

Le transfert des droits à paiement de base (DPB) est une démarche qu’il ne faut pas prendre à la légère puisqu’elle…

parcelles de blés au printemps
Blé tendre et orge d’hiver : quel impact du froid ces derniers jours ?
Le froid de ces derniers jours est arrivé sur des céréales à des stades sensibles localement. Le point sur le risque de dégâts…
Clément Savouré, agriculteur en Eure-et-Loir
Achat d’engrais : « Nous arbitrons entre l’ammonitrate et la solution liquide en fonction du prix de l’unité d’azote »

Clément Savouré, agriculteur à Le Gué-de-Longroi, en Eure-et-Loir, privilégie les achats d’engrais à la morte-saison pour…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures