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Gel : quand la récolte de raisin tient à un fil

Les fils électriques chauffants ont le vent en poupe grâce à leurs bons résultats contre le gel. Leur déploiement dans les parcelles de vigne se heurte toutefois à la demande de puissance en électricité très élevée.

Les câbles chauffants s'installent sur le fil porteur et restent à demeure. Il faut donc être vigilant lors de la taille.
Les câbles chauffants s'installent sur le fil porteur et restent à demeure. Il faut donc être vigilant lors de la taille.
© X. Delbecque

C’est une technique restée longtemps anecdotique. Et pourtant, l’efficacité des fils chauffants met tout le monde d’accord, vignerons comme techniciens. Adrien Gautherin, vigneron à Chablis, s’est équipé il y a trois ans sur 25 ares de grand cru, et a mis son installation à l’épreuve chaque année depuis. Avec succès. « En 2019 ce n’était pas un gros gel donc c’était plutôt facile d’être satisfait. Mais en 2020 et à plus forte raison en 2021, où les températures sont tombées très bas, le système a été super efficace, je n’ai quasiment pas eu de dégât », assure-t-il.

Preuve ultime s’il en faut, le vigneron a fait cette année le plein sur cette parcelle. Un constat partagé par Vincent Phlipaux, vigneron en Champagne sur la commune des Riceys, dont 1,70 ha de vigne est protégé par des câbles électriques chauffants depuis 2016. « Je les ai utilisés cette année huit nuits d’affilée, entre avril et mai, raconte-t-il. Je n’ai fait que 3 000 kg/ha car je n’ai pas cru la météo et je n’ai pas activé le dispositif pour la dernière nuit de gel, mais les parcelles non protégées n’ont pas dépassé les 1 500 kg/ha. » Lors du gel de 2017 il avait réalisé un premier essai, où les parcelles équipées de fils chauffants ont donné un rendement de 20 000 kg/ha, là où la modalité protégée par des bougies a atteint 10 000 kg/ha et le témoin gelé seulement 2 000 kg/ha.

Une demande électrique élevée qui freine le développement

Si la technique est efficace, sa mise en place n’est pas des plus aisée, surtout quand les hectares à couvrir augmentent. Le système doit être alimenté avec des grandes puissances d’électricité. Adrien Gautherin a la chance d’avoir pu se relier directement au réseau EDF car la parcelle est en bord de route. « Je change mon abonnement EDF deux mois par an, le système se met en route automatiquement dès que la température descend sous les 2 °C, c’est très confortable », note-t-il.

Mais pour Vincent Phlipaux ce n’est pas la même histoire. Il loue un gros groupe électrogène pour la saison à risque, et se déplace pour l’allumer quand cela devient nécessaire. « Il faut être présent pour vérifier que tout fonctionne bien, qu’il n’y a pas eu de dégradation, qu’il n’y a pas de coupure en pleine nuit », estime le vigneron. Pour les petites surfaces, il est aussi possible d’atteler un générateur sur le tracteur, « jusqu’à 30 ares ça peut suffire », assure Stéphane Palanchon, responsable commercial chez Danfoss.

Ce dernier observe depuis 2018 un décollage des ventes. « C’est une solution qui se démocratise, observe-t-il. À la suite du gel de 2021 nous avons eu de nombreuses commandes. Je pense que cela vient du fait que les viticulteurs équipés sont satisfaits. » Il faut dire aussi que la filière se structure et que l’offre devient davantage visible. « Et la rentabilité est vite au rendez-vous, sept à dix nuits de protection à la bougie coûtent aussi cher que d’investir dans des câbles », témoigne Adrien Gautherin. Reste qu’équiper des dizaines d’hectares relève encore du projet fou.

Mutualiser pour faciliter l’installation des projets

À Chablis, le château Grenouilles (propriété de la Chablisienne) et le domaine Droin ont entamé des démarches pour poser un transformateur en commun. « On est obligés d’en poser un pour avoir la puissance électrique nécessaire, et plus il est gros plus c’est rentable », explique Christophe Lecompte, responsable vignoble de la Chablisienne. Une telle association permettrait de raccorder au réseau des fils chauffants sur une surface de cinq hectares. « Même si EDF prend une bonne partie en charge, il reste entre 20 000 et 30 000 euros à sortir pour se raccorder, c’est un investissement lourd. D’où l’intérêt d’optimiser les installations et de partager les frais », estime le responsable.

en bref

Efficacité Bonne sur tout type de gel jusqu’à -5 °C au moins

Bilan carbone 0,35 t CO2 eq/ha/an (avec alimentation secteur)

Coût Compter entre 15 000 et 40 000 euros par hectare pour l’investissement selon l’équipement et la densité, et 100 à 150 euros par hectare par nuit de gel pour le fonctionnement

Tous les articles de notre dossier Gel 2021 : les tops et les flops

 

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