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Stimuler les sols viticoles avec des activateurs

De nombreux activateurs de sol fleurissent sur le marché. Mais que recouvre ce terme, et quels sont les effets réels de ces produits ? Enquête.

« Faciliter la décomposition des matières organiques inertes et/ou fraîches », « augmenter la résistance au stress hydrique et le rendement » ou encore « améliorer la capacité de stockage sur le complexe argilo-humique »… Les bienfaits attribués aux activateurs de sol par les sociétés les commercialisant sont pléthoriques et alléchants. Et le nombre de firme en affichant à son catalogue ne cesse de croître. « Mais attention, prévient Lionel Ranjard, directeur de recherche à l’Inra, UMR Agro-écologie. Un grand flou règne sur ce type de produits. Le terme regroupe aussi bien des formulations contenant des produits non vivants, que des vivants»

Et pour cause. « Au niveau européen, un produit est soit un phyto, soit un engrais, plante Claude Alabouvette, de l’entreprise Agrène, spécialisée en microbiologie, pathologie végétale et santé. Entre les deux, il n’y a aucune réglementation, ce qui laisse la place aux biostimulants ou aux stimulateurs de croissance. »

En France, l’Anses homologue les matières fertilisantes et substances de croissance. « Dedans, on trouve aussi bien des stimulants de la croissance des plantes, de la floraison… que des améliorateurs de la qualité des sols, pour une meilleure croissance », poursuit le spécialiste. En outre, peu de produits sont officiellement homologués. « Il existe donc une grande diversité de produits arborant le nom d’activateur de sol, que ce soit du compost, des extraits d’algues, de protéines, des mycorhizes, des souches microbiennes », confirme Claude Alabouvette.

Les activateurs minéraux ou organo-minéraux testés avec succès

Citons tout d’abord les produits d’origine minérale ou organo-minérale (algues, coquillés marins, etc.). Lionel Ranjard en a testé plusieurs en laboratoire, et malgré un scepticisme scientifique de départ (de par la faible dose et le type de produits), il a constaté un effet bénéfique sur le sol. « Ces activateurs ont eu un réel impact sur la flore microbienne du sol, et ont permis de stimuler la minéralisation de la matière organique », détaille-t-il.

Un net impact sur le sol, tel est également la conclusion de Clémence Boutfol, de la chambre d’agriculture du Var. Cette conseillère a testé le Geo2 de PRP Technologies durant trois saisons, à raison de deux épandages par an (l’un à l’automne et l’autre au débourrement), de 300 kg/ha chacun. Ces apports ont été complétés par six pulvérisations foliaires d’Agroptim, le biostimulant de la marque. À la fin de l’expérimentation, « sur le témoin, la terre était compacte et dure à gratter au couteau, tandis que sur la modalité PRP, le sol était beaucoup plus meuble, plus aéré, et le couteau s’enfonçait comme dans du beurre », témoigne-t-elle.

De même, le développement racinaire était beaucoup plus important, avec un chevelu racinaire descendant jusqu’à 60 cm dans la modalité PRP, contre 20 cm et avec un tracé horizontal dans le cas du témoin. Clémence Boutfol a également noté une meilleure résistance à la contrainte hydrique sur la modalité PRP, sûrement un effet conjugué des deux produits.

D’autres firmes, telles que TMCE, ou Timac-Agro, sont positionnées sur le créneau des activateurs d’origine minérale ou organo-minérale depuis une vingtaine d’années. La première promet, avec son TMS, « une meilleure résistance des plantes rendant possible une diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires et une qualité optimale des raisins ». Ce qui ne semble pas aberrant aux yeux de Lionel Ranjard : « je suis persuadé que la diminution des intrants de synthèse est possible avec une meilleure maîtrise de la biologie du sol », argue-t-il.

De son côté, Timac-Agro, filiale du groupe Roullier, propose une association d’amendement et d’extraits naturels d’algues, HumiPlus, qui aurait aussi pour effet de booster les rendements. De même, le Dopactif (extraits naturels de fumier de mouton composté, matières organiques liquides et acides aminés) d’Ovinalp et l’Oziryl de Frayssinet sont assimilés aux activateurs de sol. François Dal, de la Sicavac, a testé ces deux formulations sur une parcelle atteinte de court-noué en 2016. Avec un résultat plutôt probant. « Nous avons remarqué une hausse de la vigueur de la vigne », relate-t-il. Mais ces essais demandent à être poursuivis.

Rester vigilant sur les formulations contenant des micro-organismes

À côté de ces solutions, des entreprises proposent des produits avec des bactéries, champignons et/ou mycorhizes exogènes. C’est le cas notamment de l’entreprise Sobac, avec le Bacteriosol, un mélange de compost et de micro-organismes, homologué en tant qu’amendement organique. François Dal, l’a essayé deux années de suite chez un vigneron et a été « plutôt agréablement surpris par le résultat », avec une meilleure vigueur que le témoin et un calcaire jaunissant dans le sol, « signe d’activité du sol ». De même, en surface, « on avait l’impression que le sol était plus sombre, avait davantage de matière organique et une bonne structure », observe le conseiller. Néanmoins, pour lui « le souci du produit est qu’on ne sait pas trop ce qu’il y a dedans. On n’est pas sûr qu’il soit homogène ».

François Dal a également expérimenté le Fertech distribué par Soufflet. « Il s’agit d’une bactérie, qui semble donner de bons résultats sur la vigueur de la vigne, précise-t-il. Néanmoins, il faut poursuivre les expérimentations. » Pour lui, lors de l’apport d’un pool de micro-organismes au sol, ce dernier sélectionne ce qui peut lui être utile. En revanche il préconise de ne pas abuser de ce type de produits, car « cela stimule la décomposition de la matière organique. Et si on en abuse, on épuise le sol. »

Pour sa part, Lionel Ranjard émet quelques réticences sur ces apports d’organismes vivants. « Je suis réservé sur l’efficacité de ces produits et sur l’impact écologique, confirme-t-il. Quand un sol est bien diversifié, avec un bon nombre de bactéries et de champignons, les micro-organismes exogènes ont du mal à s’implanter. Et puis, nous manquons encore de recul quant à l’innocuité de ces micro-organismes, notamment sur leur impact écologique sur le reste de la flore indigène et les déséquilibres qu’ils peuvent engendrer. Il faudrait mettre en place une procédure d’homologation de la survie et d’impact de ces souches, afin qu’elles disparaissent, mais pas trop vite, pour éviter les dérives écologiques»

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