« Sevrer » les vignes, pour un bon enracinement
Couper les radicelles du porte-greffe pour forcer la racine principale à plonger dans le sol, tel est l’objectif poursuivi par les vignerons Bruno et Gilles Di-Blas avec le « sevrage » des jeunes vignes. Retour sur cette opération.
Couper les radicelles du porte-greffe pour forcer la racine principale à plonger dans le sol, tel est l’objectif poursuivi par les vignerons Bruno et Gilles Di-Blas avec le « sevrage » des jeunes vignes. Retour sur cette opération.
Bruno et Gilles Di-Blas, vignerons à Maligny dans l’Yonne, pratiquent ce qu’ils nomment « le sevrage » des jeunes pieds depuis une trentaine d’années. « Notre père faisait comme ça avec de bons résultats, donc nous avons continué », indique Bruno Di-Blas. Le but est de supprimer toutes les radicelles de surface des jeunes ceps, pour obliger la racine principale à plonger plus profondément. « Grâce à cela, en année sèche, la vigne souffre moins, estime le vigneron. Elle va puiser l’eau et les minéraux plus bas, ce qui procure également davantage de typicité. »
Voir cette pratique en vidéo : Le "sevrage" des vignes en trois étapes
En post-vendange, sur les pieds de 2 et 4 ans
L’opération est réalisée après les vendanges pour des questions d’organisation, mais elle pourrait être effectuée à une autre période. La première étape consiste à passer les griffes à une dizaine de centimètres de profondeur une, voire deux fois, selon l’état de la terre. « Cette étape est primordiale, souligne Bruno Di-Blas. Sinon, la terre est comme du béton et c’est encore plus fatigant. » Une fois cette opération réalisée, Bruno et Gilles Di-Blas, accompagnés de leurs deux salariés, se rendent sur la parcelle armés de pioches et de serpettes.
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« Nous commençons par repérer les pieds à sevrer », détaille le premier. Il s’agit des ceps complantés deux et quatre ans auparavant. « Nous avons un système de marquage avec des fils électriques de couleur, poursuit-il. Chaque année, nous entourons notre complant d’un fil d’une couleur donnée. L’année suivante, d’une autre couleur. Ainsi, nous savons quels pieds choisir pour le sevrage. »
Gratter la terre sur 8 à 10 cm de profondeur
L’opérateur remonte ensuite le manchon de protection pour atteindre le pied, puis déblaye et gratte le tour du cep avec la pioche, sur une profondeur de 8-10 cm environ. S’il n’y a pas de petites racines secondaires, il passe au pied suivant.
S’il y a des radicelles, place à la serpette. Gilles et Bruno Di-Blas les coupent, afin de ne laisser que la racine pivot. Ils ne rebouchent pas le trou, pour que « ça sèche », informe Gilles Di-Blas.
Entre 35 et 50 pieds à l’heure selon la forme
C’est un travail long et fastidieux, puisqu’il faut compter environ 50 pieds à l’heure ou à l’heure et demie selon la forme physique. Mais pour les deux frères, le jeu en vaut la chandelle. « Lorsque nous arrachons les pieds atteints d’esca, nous pouvons voir que les plants non sevrés ont une racine mère atrophiée, toute fine, constate Bruno Di-Blas. Souvent ces pieds développent une grosse racine qui part beaucoup moins profondément et un peu latéralement. Du coup, au moindre travail du sol, on risque de la couper et de fragiliser le pied. Le sevrage évite cela. » En revanche, cette opération ne modifie malheureusement pas le pourcentage de ceps atteint par les maladies du bois.
Avis d’expert
Thierry Dufourcq, ingénieur viticulture-œnologie à l’IFV pôle Sud-Ouest
« Des temps de travaux importants »
« Je ne connaissais pas cette technique, mais elle ne peut pas faire de mal. Comme on taille les vignes, on peut couper les racines. Cela ne pose pas de problème particulier, ni d’ordre physiologique, ni du point de vue des maladies, même en enlevant un peu d’écorce. Le fait de couper les petites racines du porte-greffe force la racine principale à plonger. Je pense que cette pratique peut être intéressante dans le cadre des complants ; cela devrait aider à leur développement. Ils se trouvent dans des sols plus tassés et sont en compétition avec les pieds bien établis à côté. Cette technique devrait les fortifier. Néanmoins, les temps de travaux sont un frein important et il est tout de même difficile de mesurer les effets bénéfiques. Cela représente beaucoup de travail pour un résultat incertain. »