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Agent commercial, commissionnaire, apporteur d'affaires... Quelles différences entre ces intermédiaires de la distribution du vin ?
Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats, experts en droit viticole chez JP Karsenty & Associés, éclairent les principaux statuts et contraintes des intermédiaires de la distribution du vin. Bien cerner les différences permet de s’engager en toute connaissance dans une relation.
Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats, experts en droit viticole chez JP Karsenty & Associés, éclairent les principaux statuts et contraintes des intermédiaires de la distribution du vin. Bien cerner les différences permet de s’engager en toute connaissance dans une relation.

Qu’est-ce qu’un apporteur d’affaires ?
L’apporteur d’affaires est un intermédiaire qui, de façon généralement ponctuelle, met en relation un vendeur et un acheteur, sans représenter l’un ou l’autre, moyennant une commission dénommée « courtage ». Son activité n’est soumise à aucune réglementation spécifique, contrairement au courtier dont il se rapproche, et plus particulièrement au courtier en vins que le vigneron connaît bien et qui a pour fonction de mettre en rapport les producteurs de vins avec les négociants, moyennant une rémunération de courtage.
Le commissionnaire est un autre intermédiaire indépendant. En quoi se distingue-t-il ?
Le commissionnaire est, lui, défini par le Code de commerce comme la personne qui agit sous son propre nom ou sous le nom d’une société, pour le compte d’un commettant, ici un vigneron. Il conclut donc le contrat de vente en son nom, en se conformant aux instructions de vente du vigneron dont il ne divulgue le nom à l’acheteur que s’il y a été autorisé. Il est également rémunéré par une commission.
Quelle est la particularité du statut d’agent commercial ?
L’agent commercial est une personne physique ou morale, indépendante, chargée de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente au nom et pour le compte du vigneron. Le mandat de l’agent commercial est dit d’intérêt commun dans la mesure où le vigneron et l’agent ont le même but, à savoir développer et fidéliser une clientèle qui profite à chacun d’eux. En pratique, l’agent commercial prospecte une clientèle et/ou un secteur géographique en vue de développer les ventes de vin du vigneron. Le contrat de vente est ensuite conclu entre le vigneron et l’acheteur, l’agent commercial étant rémunéré par une commission.
Contrairement à l’apporteur d’affaires et au commissionnaire, l’agent commercial relève d’un statut d’ordre public prévu par le Code de commerce. L’application du statut d’agent commercial ne dépend donc ni de la volonté exprimée par les parties dans leurs échanges, ni de la dénomination donnée à la convention qu’elles auraient pu signer, mais des conditions dans lesquelles est effectivement exercée l’activité de l’intermédiaire.
La principale conséquence de l’application du statut d’agent commercial est le droit pour l’agent, en cas de cessation de ses relations avec le vigneron, de percevoir une indemnité de fin de contrat ayant pour objet de compenser la perte pour l’avenir des revenus que l’agent tirait de l’exploitation de la clientèle. Cette indemnité est généralement égale à deux années de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années.
Ainsi, dès lors que l’intermédiaire agira comme un agent commercial, ce qui sera généralement le cas, il pourra revendiquer ce statut à la fin des relations et obtenir le versement d’une indemnité.
Quelles conditions s’appliquent si l’on travaille avec un distributeur ?
Le distributeur achète au vigneron ses vins en bouteille en vue de les revendre à des professionnels. Quelques règles issues du droit de la concurrence restreignent la liberté du vigneron. Ainsi, le vigneron est parfois tenté d’interdire au distributeur de revendre ses vins en grande distribution parce que lui-même ne souhaite pas vendre ses vins aux grandes enseignes de la distribution. Or, le fait de restreindre la clientèle à laquelle un acheteur peut revendre les biens ou services contractuels, constitue une restriction caractérisée à la concurrence qui emporte l’interdiction de l’accord dans son entier.
Également, le vigneron ne peut pas imposer au distributeur les prix auxquels ce dernier revendra les vins ou un prix minimum de revente à respecter. Il peut simplement conseiller des prix de revente indicatifs mais, dans les faits, le distributeur ne doit pas être restreint dans sa capacité à déterminer librement son prix de vente. Dans une décision du 17 juillet 2024, l’Autorité de la concurrence a par exemple sanctionné le Domaine d’Uby d’une amende de 500 000 euros pour avoir mis en œuvre des pratiques d’entente visant à imposer à ses distributeurs un niveau de prix de revente minimum de ses vins.
Le vigneron doit donc être vigilant lorsqu’il s’engage dans une relation avec un intermédiaire ainsi que sur les clauses qui peuvent constituer une restriction à la concurrence, car il peut s’exposer à des indemnités et à de lourdes sanctions financières.
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