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Quatre conseils pour des vins naturellement peu alcoolisés

Représentant une alternative à la désalcoolisation, les vins à petits degrés naturels demandent une certaine maîtrise. Voici quelques éléments de réussite.

<em class="placeholder">Œnologue dégustant des baies de raisin dans une parcelle.</em>
La dégustation de baies aide à repérer le moment de la maturation où les raisins perdent leurs caractères végétaux sans contenir trop de sucre.
© X. Delbecque

Élaborer un vin avec un faible degré alcoolique et de façon naturelle relève du jeu d’équilibriste. « Si on fait mûrir les raisins jusqu’à 14 de TAVP c’est pour une bonne raison !, plante Guillaume Valli, œnologue à l’ICV de Beaumes-de-Venise, dans le Vaucluse. En dessous de la maturité, on s’expose aux caractères végétaux, à l’amertume, à l’astringence et le fruit peut faire défaut. » Cela étant dit, certains vinificateurs arrivent à créer des produits cohérents qui ne dépassent pas 9 à 10 % d’alcool, sans avoir recours pour autant à la désalcoolisation. « C’est relativement facile en blanc et rosé, mais difficile en rouge, avertit l’œnologue. On a vu des caves se casser les dents. »

1. Porter une réflexion sur le cépage

Le premier élément crucial pour réussir une telle cuvée est le choix des raisins et leur état de maturation. Certains cépages se prêtent bien mieux que d’autres à une vendange en légère sous-maturité. Le sauvignon blanc par exemple, où l’on peut déjà trouver des thiols, le viognier, le colombard, le rolle… « Nous avons utilisé le floréal cette année, qui coche pas mal de cases, complète Matthieu Carliez, directeur technique des vignobles Jeanjean, dans l’Hérault. Il n’est pas trop acide, accumule un peu moins les sucres et présente une aromatique variétale de type thiolée très intéressante. »

En rouge, on peut tabler sur le cinsault, qui donne naturellement moins de sucre à maturité, la syrah ou le pinot noir, qui produisent des thiols, ou encore le merlot. « Bien entendu, il faut également que les pratiques au vignoble soient adaptées, précise Jérôme Hourdel, responsable des développements œnologiques du Groupe ICV. Une parcelle en confort hydrique et avec des rendements plus élevés atteint sa maturité technologique à des degrés plus bas qu’une parcelle en stress récurrent. »

2. Identifier la date de récolte optimale

La date de récolte, elle, doit être un compromis entre le degré potentiel et la maturité. Pour Guillaume Valli, il ne faut pas hésiter à s’aider de la dégustation des baies. Regarder les pépins ne sert pas à grand-chose puisqu’ils ne seront jamais mûrs, mais la pulpe donne des indications. Si elle est verte et gélatineuse, il y a de fortes chances d’obtenir un vin très neutre. Mieux vaut donc attendre que la pulpe soit fluide, qu’elle libère des arômes de fruit, et surtout que les caractères végétaux disparaissent. L’œnologue rhodanien suggère de passer dans les parcelles au moins deux fois par semaine, car la bascule se joue à deux ou trois jours près. « Cela veut dire que le TAVP n’est pas exactement le même d’une année à l’autre, note Matthieu Carliez. En 2024 nous avons ramassé le blanc à 9,5 alors qu’il a fallu attendre jusqu’à 10,5 en 2023. » Si le degré potentiel atteint 11 %, que les tannins des rouges sont toujours agressifs et les arômes végétaux, les experts de l’ICV recommandent de renoncer purement et simplement au projet de cuvée.

3. Optimiser la révélation des arômes

Une fois en cave, l’une des clés, pour Jérôme Hourdel, est de mettre en place le maximum de pratiques possibles permettant de révéler les arômes, car il y a moins de précurseurs. Cela peut passer, par exemple, par le choix de la levure, une stabulation sur bourbes… Il recommande très fortement de soigner les mises au propre pour éviter les débris végétaux et maximiser le fruit, sur blanc comme sur rouge. « Il n’y a pas de pratique miraculeuse au final, c’est une somme de petites choses », constate Catherine Delaunay, œnologue de Delaunay Vins & Domaines, qui décline dans l’Aude un "Low Nat" Les Jamelles dans les trois couleurs. Elle réalise par exemple la malo sur blancs et rouges en même temps que la fermentation alcoolique.

4. Accentuer le travail sur la bouche

De son côté, Matthieu Carliez réalise un gros travail sur les lies, en blanc, afin de gagner un maximum de rondeur. « Si le vin est bien bâtonné, un élevage de deux mois permet de tempérer l’acidité, constate-t-il. Cela fait une grosse différence entre la sortie de vinification et le produit final. » Sur les rouges, le travail sur les tannins revêt une importance capitale, selon Jérôme Hourdel, « afin de les enrober ». Il suggère ainsi de faire attention à la température de fermentation et à l’extraction liée à la durée de cuvaison. Catherine Delaunay effectue des macérations très courtes pour éviter d’extraire trop de tannins, et travaille sur ces derniers à l’aide d’un peu de copeaux frais.

Dans le Gers, la cave coopérative Plaimont fait le choix d’arrêter la fermentation quand le moût atteint 9 % d’alcool et de garder une quinzaine de grammes de sucres résiduels, sur blanc et rosé. « La difficulté est d’être très précis sur cette étape, relate Cédric Garzuel, directeur du site de Condom. Il faut une grosse puissance de froid pour descendre à 0 °C pendant une vingtaine d’heures, puis sulfiter quelques jours après à 6 ou 7 g/hl. » La conservation est toute aussi délicate, bien plus que sur un moelleux. « Nous stockons le vin fini dans des cuves isothermes entre 0 et 5 °C, sinon il repart en fermentation, poursuit le directeur. Et à la mise en bouteille nous réalisons une filtration stérile à 0,65 µm. »

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas espérer trouver sa recette du premier coup. « On tâtonne, et puis on finit par voir ce qui fonctionne chez nous et ce qui nous correspond », confie Catherine Delaunay. Un vécu partagé par Matthieu Carliez, qui en est à sa troisième année en blanc et continue d’affiner au fur et à mesure l’itinéraire technique. « Nous souhaitons compléter la gamme, avoue-t-il. C’est en cours pour le rosé, mais nous travaillons toujours sur le rouge, c’est plus compliqué. »

expérimentation

Les petits degrés au banc d’essai

Face aux attentes du terrain, l’ICV s’est lancé dans une expérimentation en 2024, dans le but de comparer des vins désalcoolisés avec des vins à petit degré de vendange précoce. « Nous avons des belles surprises avec des modalités naturellement à 9 degrés », commente Jérôme Hourdel, en charge des essais. L’utilisation en vinification de la levure Torulaspora delbrueckii de l’ICV, Nymphea, a notamment donné de bons résultats, aussi bien sur les arômes que le gras. De même, le chauffage de la vendange est un angle technique intéressant. Cela permet d’extraire sans présence d’alcool et de s’affranchir de son effet diluant sur les tanins. « Nous avons observé un intérêt de la thermovinification en rouge mais aussi sur les blancs et rosés, précise l’œnologue. Elle gomme les notes végétales, apporte davantage de volume en bouche et booste l’aromatique de fruits mûrs, avec une expression des thiols sur des côtés exotiques et fruit de la passion. » En ce qui concerne les cépages rouges, le merlot a donné les retours les plus intéressants lors de l’expérimentation.

Prévisions optimistes pour les vins « Low »

Selon une étude réalisée en 2024 par l’institut IWSR sur huit pays (Australie, France, États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Canada, Espagne et Japon) et présentée lors du dernier colloque des Rendez-vous Techniloire, les vins partiellement désalcoolisés (vins « Low »), devraient connaître une croissance plus rapide que les désalcoolisés (vins « No »). Ainsi à horizon 2031, les vins à faible teneur en alcool pourraient croître de près de 20 % tandis que les sans alcool progresseraient de 9 %. Cette différence s’explique par le goût, les vins « Low » étant plus proches des vins classiques que les vins entièrement désalcoolisés, explique InterLoire. À noter que la bière sans alcool ne connaît pas ce même écart d’appréciation du goût.

Les marchés des États-Unis, Allemagne et Royaume-Uni seraient les plus en pointe sur la tendance des vins « Low ». Les jeunes nés entre les années 1980 et 2000 et ceux nés après 2000 sont des cibles très réceptives à ces produits. Sachant qu’ils consomment surtout hors domicile, la distribution des vins « Low » doit en tenir compte. Au sein des vins « Low », l’attrait plus fort des effervescents, déjà constaté aujourd’hui par rapport aux vins tranquilles, va perdurer mais l’écart va se réduire. C. G.

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