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Ecopâturage en Alsace : « Mes moutons désherbent quatre hectares de vigne »

Joël Fugler, vigneron coopérateur de la cave du Vieil Armand à Soultz-Wuenheim, en Alsace, s’est constitué un petit troupeau de moutons pour entretenir une partie de ses vignes. Un investissement qui mêle passion et pragmatisme.

<em class="placeholder">Joël Fugler, vigneron coopérateur de la cave du Vieil Armand dans le Haut-Rhin.</em>
Joël Fugler a réuni sa passion des animaux et son intérêt pour l'écopâturage en se constituant un petit troupeau de 10 moutons.
© C. Gerbod

Pour Joël Fugler, vigneron coopérateur et vice président de la cave du Vieil Armand à Soultz-Wuenheim, dans le Haut-Rhin, les animaux c’est d’abord une passion née dans l’enfance, auprès de son grand-père qui était polyculteur-éleveur. Aussi, il n'a pas hésité à faire entrer des moutons sur les parcelles de l'exploitation familiale en 2018. 

Lire aussi : Ecopâturage en Alsace : « j'ai constitué un troupeau de moutons avec deux autres coopérateurs pour entretenir nos vignes »

Son ancien camarade d’école, Alain Didierjean, venait de lancer l’élevage Les Brebis de Kikou et cherchait des terrains pour faire pâturer son troupeau. « Il venait avec 50 à 100 bêtes selon la charge en herbe et gérait le déplacement des clôtures gratuitement. S’il y a 50 bêtes sur 20 ares, il faut revenir tous les 3 jours », relate Joël Fugler.

Cette collaboration est toujours en cours mais variable selon les années. En 2020, le vigneron a souhaité développer son propre troupeau. Il a alors acheté un bélier et une brebis de race Ouessant. Cette race est non valorisable en viande mais réputée pour sa petite taille et sa rusticité. Un bélier est né. Joël Fugler a ensuite acquis une autre brebis. Au total, ces deux couples ont donné naissance à six agneaux. Le troupeau se monte donc désormais à 10 têtes. 

Un gain de temps pour les petites parcelles

Joël Fugler juge ce mode d’entretien des vignes très cohérent avec son engagement en viticulture biologique. Les ovins sont aussi très adaptés à la configuration de son vignoble, qui compte beaucoup de « petits ilots de 5 à 10 ares où il est impossible de tourner avec le tracteur », explique-t-il. L’écopâturage procure alors un vrai gain de temps. Le troupeau entretient une dizaine de parcelles qui totalisent 4 hectares sur les 18 que compte l’exploitation.

 

 
<em class="placeholder">Un abris autoconstruit pour les moutons.</em>
Joël Fugler a autoconstruit des cabanes pour que ses ovins puissent s'abriter. © C. Gerbod

Les moutons entrent dans les parcelles après les vendanges et y restent jusqu’à début avril. Hauts de moins de 50 cm au garrot, ils n’ont pas de mal à passer sous le palissage, le fil porteur étant à 70 cm. Il n’y a pas de traitement pendant cette période donc pas de risque toxicologique. L'écopâturage lui évite un à deux passages dans les vignes. Surtout il constate que « le cavaillon est ensuite beaucoup plus facile à travailler mécaniquement ».

Les moutons restent dehors toute l’année mais le vigneron leur a autoconstruit des cabanes. Ils s’y réfugient notamment en cas de forte chaleur. Ces abris servent aussi à les transporter. Ils sont soulevés avec un élévateur et posés sur la remorque du tracteur. 

Un coût important pour les clôtures

Sans réellement faire de calculs, Joël Fugler estime que l'investissement en temps et argent est rentable. Une brebis coûte autour de 300 euros et un bélier autour de 200 euros. L’acquisition de filets mobiles est l’investissement principal. Il faut compter autour de 85 euros les 50 mètres. Joël Fugler en a 1 000 mètres. Il est important d’en avoir suffisamment pour préparer à l’avance la parcelle suivante à entretenir, et aussi répartir le troupeau selon les compatibilités, les béliers étant séparés. Il a trois accumulateurs pour les électrifier, chacun coutant entre 300 et 400 euros.  Il a dû renouveler l’un d’entre eux suite à un vol. La puissance doit être suffisante pour que la clôture soit efficace. Il évalue le temps d’installation à environ une heure pour 100 mètres de filet. Il faut parfois passer la débroussailleuse pour pouvoir planter les piquets. 

 

 
<em class="placeholder">Batterie pour électrifier des filets autour d&#039;une vigne.</em>
Les filets mobiles et les électrificateurs représentent un investissement important. © C. Gerbod

Les moutons ne mangent pas de chiendent. L’ortie, oui, mais seulement si elle a été fauchée au préalable et a séché. Si l’on sème, il faut plutôt privilégier « de l’avoine ou du seigle, conseille-t-il. Uniquement des légumineuses comme la féverole c’est trop riche. » L’observation et la réactivité sont de mise pour gérer la charge. Un surpâturage est à éviter car une herbe trop rase engendre une repousse anarchique. Le reste de l’année, les moutons pâturent sur 1,5 hectare. 

L'objectif est de maintenir cette taille de troupeau

Sa femme, assistante commerciale à la cave, l’aide à gérer le troupeau. Comme soin, les bêtes n’ont qu’un traitement vermifuge annuel. Elles sont vues une fois par an par le vétérinaire. Les mises bas se sont faites naturellement jusque-là. Joël Fugler leur donne un peu de céréales, tous les deux jours, « mais c’est plus comme une friandise ». Par an, il achète quatre sacs de 25 kg d'un mélange à 25 euros l'unité. 

La tonte annuelle est réalisée par Les brebis de Kikou gratuitement mais le coût serait autour de 3 à 4 euros par ovin, selon lui. La laine n’a pas de valeur marchande car la filière de valorisation est malheureusement quasi inexistante en France. En cinq années de pratique, Joël Fugler n’a pas eu a déplorer de vol de mouton ou de perte. Il faut dire qu'un bélier énervé n’hésite pas à charger. « Les moutons éloignent le gibier mais ils ont peur des chiens », note aussi le vigneron.

L’effectif de son petit troupeau le satisfait. S’il y a de nouvelles naissances, il pense qu’il pourra facilement vendre les agneaux car il y a de la demande. L’écopâturage est apprécié par les promeneurs et cyclistes qui longent les vignes. À la cave du Vieil Armand, sur les dix adhérents qui vivent de la vigne, Joël Fugler n’est pas le seul à pratiquer l’écopâturage. Trois autres coopérateurs sont adeptes (voir ci-après). Le mouton est même devenu un symbole de l'engagement en bio de la cave qui compte aujourd'hui 75 hectares certifiés bio sur les 150 hectares d'apports totaux. Une vraie mascotte qui a trouvé sa place dans le coin de l’étiquette des bouteilles de la gamme bio !

repères

SCEA FUGLER-SCHUMACHER

Surface 18 hectares de vigne, 40 ha de céréales

Parcellaire morcelé en 65 parcelles

Commercialisation coopérateur à la cave du Vieil Armand

Effectif deux temps pleins (lui + 1 salarié) + aide parentale + 2 saisonniers

Certification bio

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