Aller au contenu principal

Le télégonflage viticole en est encore à ses balbutiements

Le télégonflage recèle de nombreux atouts : diminution du compactage du sol, amélioration du confort de travail, économie de gasoil… Pourtant, peu de systèmes adaptés à la viticulture existent. Un domaine champenois s’est néanmoins équipé.

Limiter le compactage des sols, tout en respectant la sécurité des chauffeurs : c’est ce qui a incité Jérôme Courgey, responsable du domaine de La Malmaison et du vignoble bio des champagnes Lanson et Besserat de Bellefon, à équiper l’un des enjambeurs du domaine d’un système de télégonflage. C’était en 2011. « Je voulais avoir à la fois un tracteur équipé d’une cabine hermétique, avec filtration au charbon actif, et donc lourd, et respecter la vie biologique du sol », confirme-t-il. Il se met alors en quête de pneus pouvant travailler à basse pression. « Mon objectif était de pouvoir travailler à 0,6 bar en conditions humides, et 0,8 bar sur sol sec, indique le responsable. Car à charge égale, un passage à 0,6 bar tasse sept fois moins qu’un passage à plus de 2 bars ! »

Après maintes recherches, son choix se porte sur des 320/70 R20 Trelleborg TM700 à l’avant, et des 380/85 R24 Trelleborg TM600 à l’arrière. Des pneus hauts et larges, qui impliquent également un changement de jantes. Et une perte de l'homologation de l'enjambeur. Jérôme Courgey se rapproche ensuite de Jean Urban, qui lui adapte un système de télégonflage Téléflow, avec joints tournants extérieurs et console de réglage en cabine.

Connecté à un compresseur hydraulique, ce dispositif permet de passer de 0,6 à 1,8 bar en six minutes, tout en roulant. « Cette installation nous a donné satisfaction la première année, analyse Jérôme Courgey. Nous avons eu deux ou trois arrachages de tuyaux, mais rien de grave. En revanche, la seconde année, qui était pluvieuse, l’enjambeur a davantage chassé dans les vignes et nous avons eu beaucoup de casse. »

Une économie de gasoil de 10 à 20 %

Néanmoins, ces deux campagnes lui permettent de valider l’intérêt du télégonflage : le tassement visuel du sol a disparu, il n’y a plus de bourrelets, ni de goulottes et moins d’érosion. Les hauteurs et les entrées de rangs ne sont plus abîmées ; l’herbe s’y réinstalle. De plus, l’adhérence est optimisée, et de ce fait, le confort de conduite s’en trouve amélioré. Les tracteurs peuvent pénétrer plus rapidement dans les parcelles après les épisodes pluvieux, et progresser plus vite sur route : 32 ou 33 km/h, contre 24 km/h auparavant.

De même, ce système induit des économies de carburant : « nous gagnons entre 10 et 20 % selon le terrain, la topographie et le type d’outil, assure Jérôme Courgey. Cela correspond à une réduction de 1 500 litres de gasoil par an ». Des avantages confirmés par les conseillers en machinisme des chambres d’agriculture, à commencer par Dimitrios Skoutelas, du GDV de l’Aube.

Des pneus à valves à air comprimé

Le responsable du domaine décide donc de faire évoluer l’installation pour éviter les casses, tout en bénéficiant de cet ajustement de pression. Il troque le réglage en cabine et les tuyaux extérieurs contre des pneus à valves à air comprimé, avec branchement rapide. Pour les gonfler, il faut relier les valves à des tuyaux positionnés sur un enrouleur automatique, et connectés à un compresseur, qu’il recommande de prendre électrique. « Les chauffeurs doivent donc descendre du tracteur pour modifier la pression, regrette Jérôme Courgey. Cela leur prend environ un quart d’heure. Mais c’était la seule solution. Sinon, il aurait fallu percer la colonne d’essieu pour installer un joint tournant à l’intérieur ; une opération que le constructeur d’enjambeur nous a déconseillée. » Mais tout espoir n’est pas perdu. Des constructeurs commencent à s’intéresser à la technologie et envisagent de l’intégrer dans leurs enjambeurs, à l’instar de Kremer ou de Tecnoma. Quant à Fendt, il a déjà sauté le pas sur ses gros Vario.

voir plus loin

Le télégonflage est un système qui permet d’adapter la pression des pneus au travail, selon le type de sol ou de tache, en quelques secondes ou minutes depuis la cabine du tracteur. Cela permet d’avoir une pression sur route élevée, pour limiter le contact avec le sol, réduire la résistance à l’avancement et diminuer l’usure des pneumatiques. Et dans la vigne, d’avoir une pression plus faible, permettant d’augmenter la surface de contact entre les pneus et le sol. Ce qui favorise une meilleure répartition des masses et donc un moindre tassement du sol ou de l’enherbement, tout en limitant le patinage. À titre d’exemple, sur route, Jérôme Courgey gonfle ses pneus à 1,2 bar maximum, contre 0,6 à 0,8 bar à la vigne.

Le choix de la pression se fait en fonction d’abaques fournies par les équipementiers. Elles tiennent compte de la vitesse d’avancement et de la charge par essieu, ou par roue dans le cadre d’un enjambeur. Ce qui implique de prendre le temps de peser chaque équipement. De même, l’état du sol (sec ou humide) est à prendre en compte.

Il faut compter dans les 6 000 euros, montage compris, pour s’équiper d’un télégonflage à joints tournants extérieurs sur quatre roues.

L’offre du marché

Plusieurs entreprises proposent un kit d'adaptation au télégonflage.

C’est le cas de Sodijante, qui commercialise l’Agriwin. Ce dernier se présente sous la forme d’un kit contenant des joints, vannes, câbles et tuyaux, un boîtier de gestion pneumatique ou électronique en option et un écran tactile. Pour l’instant, cet équipement, qui est à compléter avec un compresseur, s’installe à l’extérieur des pneus. Mais Sodijante planche sur un modèle permettant de faire passer les tuyaux à l’intérieur des roues.

De son côté, la société marnaise Verzeaux importe le système allemand Airbox/drive 2 L. Ce dispositif s’adapte sur tout type de matériel, moyennant la présence d’un compresseur sur le véhicule. Il se positionne également à l’extérieur des roues, et dispose d’un boîtier de commande électronique. L’entreprise avance un temps de gonflage de 6 minutes environ, pour passer de 0,8 à 1,4 bar sur des pneus 540/65 R28 à l’avant, et 650/65 R38 à l’arrière.

Enfin, Téléflow propose le GRP, pour gonflage en roulant programmable. Il se compose d’un pupitre de commande avec écran tactile, de valves brevetées et d’une unité de contrôle et de distribution pneumatique, qui gère les flux d’air vers chaque valve. Tant les valves que l’unité de contrôle se déclinent en version haute pression (HP), permettant « de plus grands débits dans un même encombrement ».

Les plus lus

<em class="placeholder">Jean-Chrisophe Delavenne, viticulteur champenois bio dans ses vignes</em>
« La lithothérapie me permet de diminuer mon nombre de traitements dans les vignes »
Jean-Christophe Delavenne, viticulteur champenois bio, expérimente la lithothérapie depuis quatre ans. Il n’y voit pratiquement…
Immatriculations 2024 - Le marché des tracteurs enjambeurs en hausse

A contre-courant des autres familles de machines agricoles, le marché des tracteurs enjambeurs a connu en 2024 une hausse des…

Prix des vignes 2024 : quelle évolution par région ?

La Safer a livré son bilan 2024 du prix des terres viticoles. La tendance générale est à la baisse des prix mais le nombre de…

<em class="placeholder">Vignoble expérimental en Italie avec essai sur les hydrorétenteurs.</em>
Les hydrorétenteurs préparent leur grand retour dans les vignes
Une nouvelle génération de polymères super-absorbants issus de matériaux biologiques est en train de naître. Un espoir pour…
Vignes en Entre-deux-Mers
Prix des vignes 2024 : la baisse se généralise

Le mouvement de baisse des prix moyens à l’hectare entamé en 2022 se poursuit en 2023, selon le bilan Prix des Terres 2024 de…

Oïdium de la vigne sur grains de raisin
Comment lutter contre l’oïdium de la vigne ? Toutes les réponses à vos questions

L'oïdium de la vigne est, avec le mildiou, l’un des ennemis principaux des viticulteurs depuis son introduction en France.…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Vigne
Consultez les revues Réussir Vigne au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters des filières viticole et vinicole