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Chai viticole : « mon ascenseur à cuve me permet de gagner du temps »

Pouvoir travailler seul au chai et limiter les manipulations du vin étaient deux objectifs majeurs du chai imaginé par David Fourtout, vigneron à Conne-de-Labarde, en Dordogne. L’ascenseur à cuve est l’une des innovations principales.

David Fourtout, vigneron du chateau Les Mondérys, présente sa cuve mobile grâce à un ascenseur dédié.
Pour éliminer l'usage de pompes, David Fourtout a imaginé un ascenseur à cuve.
© D. Fourtout

Construire un chai esthétique et fonctionnel, abritant tous les dispositifs imaginés après trente ans de vinification, c’est ce qu’a réalisé David Fourtout, vigneron du Château Les Monderys. L’occasion lui en a été donnée par le rachat de ce domaine de 12 hectares en 2022, après avoir vendu son domaine familial de 50 hectares en 2021, situé dans la même commune de Conne-de-Labarde. Acquérir une exploitation beaucoup plus petite pour travailler à deux et privilégier la vente directe était son choix et celui de sa femme Emmanuelle. Il a donc investi dans un chai conçu pour vinifier seul.

Son autre objectif était de produire des vins n’ayant pas vu de pompe, de la vendange à la mise en bouteille. Il a traduit ses souhaits dans un chai gravitaire dont la clé de voûte est une cuve unique en son genre. Installée sur un ascenseur dédié, elle descend ou monte d’un niveau à l’autre du bâtiment. 

Dispositif de cuve montée sur un ascenseur au château Les Mondérys en Dordogne.

 

Semi-enterré dans une butte, le chai dispose d’un rez-de-chaussée abritant le chai à barriques et l’embouteillage et d’un niveau supérieur, de plain-pied avec le haut de la butte. C’est là que se déroulent la réception de la vendange et le pressurage, devant l’entrée du vaste chai de vinification équipé de 25 cuves inox de différentes contenances. L’ascenseur peut positionner la cuve à n’importe quel niveau entre le sol du rez-de-chaussée et le plafond du chai de vinification, de façon à ce qu’elle se remplisse ou se vide par gravité.

 

 
<em class="placeholder">Ascenseur à cuve installé au Château Les Monderys en Dordogne.</em>
L'ascenseur portant la cuve a été conçu par une entreprise spécialisée dans les machineries de salles de spectacle. © C. Gerbod

Éliminer toutes les opérations de pompage

« Cet outil me permet vraiment de réduire la main-d’œuvre et d’éviter de brasser du vin sans arrêt », assure David Fourtout. La cuve est d’une capacité totale de 75 hectolitres. À l’intérieur, elle est divisée en deux parties de 38 hectolitres et 37 hectolitres, distinctes de 10 cm. « Une partie peut être froide et l’autre chaude, ou inversement. Cela permet d’optimiser le travail de vinification », décrit David Fourtout. Il peut ainsi stocker un rosé à 12 °C tout en assurant la malo d’un rouge à 20 °C dans l’autre partie. Sous la cuve, une tôle en inox réceptionne les eaux de lavage et protège la machinerie. La cuve est mue par deux puissants moteurs électriques et quatre treuils. Pleine, elle pèse 10 tonnes.

Tous les jus passent par la cuve ascenseur

Elle fonctionne d’abord lors des vendanges. Pour les blancs, la cuve ascenseur, positionnée au rez-de-chaussée (niveau N-1), « réceptionne le jus des raisins issus du pressoir au niveau N, en vue du débourbage », décrit le vigneron. Une fois le débourbage effectué, la cuve ascenseur remonte à l’étage et se positionne au-dessus du niveau du sol pour remplir une cuve de vinification. Dès que la fermentation est lancée, le vin est entonné en barrique grâce à des canalisations descendant au chai à barrique situé en dessous et à une canne de soutirage sous azote.

Pour les rouges, après égrenage et tri, les raisins rejoignent l’une des cuves tronconiques via un tapis, pour macération et fermentation alcoolique. Au décuvage, seul le jus de goutte est utilisé pour les cuvées en bouteille. Il descend dans la cuve ascenseur positionnée au N-1. Après quelques jours d’attente pour clarification, il quitte la cuve qui est toujours au N-1 pour être entonné dans les barriques. Il y fera sa malo. L’azote et la position de la cuve suffisent pour entonner sans pompe avec la canne de soutirage. Durant l’élevage, les soutirages des barriques de rouge se font également sans pompe, grâce à des minicuves inox et à la canne de soutirage sous azote. David Fourtout les pose sur un petit chariot électrique pour remettre le vin en hauteur afin qu’il puisse retrouver sa barrique attitrée par gravité.

La cuve ascenseur reprend du service au moment de la mise en bouteille. Située au niveau du chai à barrique elle accueille l’assemblage choisi. Le transfert se fait en utilisant la canne de soutirage sous azote. Une fois le vin prêt, la cuve est positionnée en hauteur pour que le vin rejoigne la ligne d’embouteillage située au rez-de-chaussée par une canalisation. « De l’état de vrac aux cartons prêts à vendre, neuf minutes se sont écoulées », détaille David Fourtout.

Investir pour simplifier des tâches

Cet équipement a nécessité beaucoup de recherches pour trouver l’entreprise capable de le concevoir. C’est finalement la société savoyarde BC Caire, spécialiste d’équipements scéniques pour salles de spectacles qui a réalisé l’ascenseur. La cuve a été conçue sur mesure localement, par le chaudronnier CTM, spécialiste des cuves inox, basé à Monbazillac. David Fourtout confie un investissement conséquent de 180 000 euros pour la maçonnerie et l’ascenseur, et de 20 000 euros pour la cuve. Il pointe aussi que tout son dispositif ne pourrait fonctionner sans un générateur d’azote dont le chai est équipé.

Bien d’autres choix techniques rejoignent l’objectif d’autonomie et de qualité de travail. Le vigneron a collaboré avec deux architectes apportant un œil différent. L’un, l’agence POBA, est spécialiste des chais, l’autre, le groupe Aster, de concessions automobiles et bâtiments industriels. Ce dernier lui a par exemple suggéré de traiter phoniquement le chai pour le confort de travail. « C’est une obligation en industrie, pas en agricole », regrette David Fourtout, qui pointe l’absence d’aide pour ce motif. Cela lui permet aussi d’utiliser le chai dans le cadre de séminaires d’entreprises. Le délai très serré de treize mois entre l’obtention du permis de construire en juillet 2022 et la vinification de la vendange 2023 a été tenu.

Globalement, le vigneron évoque un coût total des travaux de 2 500 euros par m2. Lancé en pleine crise inflationniste, le projet a subi la flambée du prix des matériaux avec un surcoût pour le bâtiment et le matériel d’environ 30 %. L’installation de panneaux solaires prévue sur le toit du chai a été reportée. Mais sans tous les investissements réalisés pour le chai et la vigne, David Fourtout estime qu’il lui faudrait deux postes permanents, soit environ 100 000 euros par an. Aujourd’hui, il n’emploie qu’un apprenti à mi-temps principalement dans les vignes. Sa femme assure l’accueil au caveau et l’organisation du réceptif. Elle l’aide pour la mise en bouteilles. Deux personnes viennent en renfort pour la taille et une dizaine pour les vendanges. « Ce chai dépasse mes espérances », se réjouit David Fourtout qui s’apprête à y vinifier son troisième millésime.

Zoom sur quatre choix techniques

L’humidité du chai à barriques sous contrôle

 
<em class="placeholder">Système de gestion automatique de l&#039;hygrométrie dans le chai à barrique du Château Les Monderys.</em>
Le chai à barrique, séparé du caveau de vente par une baie vitrée, dispose d'une gestion automatisée du taux d'hygrométrie. © C. Gerbod

Grâce à « dry fog » qui émet une très fine vapeur d’eau et se déclenche si besoin, le maintien du taux d’hygrométrie du chai à barriques est automatisé. Le chai abrite 140 barriques. 80 % de la production est élevée en barrique.

Automatisation de la gestion des cuves

 
<em class="placeholder">L&#039;écran de gestion automatisée des cuves Vinpilot au Château Les Monderys en Dordogne.</em>
David Fourtout contrôle toutes les cuves grâce à l'outil de gestion automatisée Vinpilot. © C. Gerbod

David Fourtout s’est équipé du système d’automatisation de gestion des chais Vinpilot. L’outil veille sur 25 cuves inox dont 9 cuves tronconiques, de 48 à 150 hectolitres et sur l’hygrométrie du chai à barrique. Le vigneron trouve très sécurisant de pouvoir recevoir des alarmes sur son Smartphone et de gérer si besoin des opérations à distance. Il a tout de même conservé les boîtiers de contrôle des cuves en cas de panne Internet.

 

Une grille d’évacuation sans soudure

<em class="placeholder">Une grille d&#039;évacuation du chai du Château Les Monderys en Dordogne.</em>
David Fourtout a cherché une grille d'évacuation exempte de soudure pour faciliter le nettoyage. © C. Gerbod

 

C’est chez un fabriquant danois que David Fourtout a déniché une grille d’évacuation coulée dans la masse, donc sans soudure, qu’il juge beaucoup plus facile à nettoyer. Simplifier le nettoyage du chai pour ne prendre aucun risque de bretts ou autres contaminations sur les vins était un autre de ses objectifs.

La désinfection de la ligne d’embouteillage

 

<em class="placeholder">Chaîne d&#039;embouteillage du Château Les Mondérys, en Dordogne.</em>
La ligne d'embouteillage est nettoyée par sanitation. © C. Gerbod

La ligne d’embouteillage quatre opérations est nettoyée par sanitation, avec de l’eau circulant jusqu’à 95 °C. La partie filtration, utilisée principalement pour les blancs, dispose de cartouches stérilisées à 90 °C pendant sept minutes. « Cette voie thermique, évite les produits chimiques et les mauvais rinçages. La chaîne est stérilisée la veille. Elle est séchée à l’azote. La canalisation étant remplie d’azote, dès la première goutte qui arrive dans le circuit, le vin est protégé », commente David Fourtout. Le local technique étant distant de 70 mètres, toute l’alimentation en eau a dû être isolée.

Un chai pour vendre en direct

 

 
<em class="placeholder">Bar lounge du Château Les Monderys en Dordogne.</em>
© C. Gerbod

« C’est un outil technico-commercial », résume David Fourtout pour décrire son bâtiment. Car en passant d’une exploitation de 50 hectares à 12 hectares, David Fourtout a aussi changé de modèle de commercialisation. Le chai est conçu tout autant pour faire le vin que pour le vendre en direct. Il s’inspire des visites de David et Emmanuelle Fourtout en Afrique du Sud, aux États-Unis ou encore en Italie. Autant de vignobles très en pointe sur l’œnotourisme.

L’agence POBA a su utiliser la configuration du site pour offrir au visiteur une vue panoramique le plongeant dans le paysage depuis la terrasse et le bar lounge. Sur réservation, il est possible d’y déguster les vins avec des planches issues de produits locaux. S’y ajoutent des soirées à thème organisées avec des traiteurs ou restaurateurs locaux (wine & pizza, wine & moules, wine & couscous…) et des séminaires. Une simple dégustation dans le caveau de vente, lumineux et soigneusement aménagé, vise déjà à procurer une expérience. La vente directe représente 85 % des volumes vendus et 92 % du chiffre d’affaires.

 

repères

Château Les Monderys

Surface 12 hectares de vignes

Encépagement cabernet sauvignon, cabernet franc, merlot, malbec, sauvignon blanc, sauvignon gris, muscadelle, sémillon

Commercialisation 85 % en direct, agent local pour la restauration, un peu d’export en UE

Production 35 000 bouteilles actuellement ; objectif de 50 000 bouteilles ; un peu de BIB issus des vins de presse

Prix des bouteilles de 9 euros à 26 euros départ cave

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