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Des vignes en échalas pour lutter contre le changement climatique

Mode de conduite traditionnel des terrasses des côtes-du-rhône septentrionales, les échalas se disséminent un peu partout en France, à la faveur du changement climatique.

Les vignes en échalas ont un aspect esthétique indéniable.
Les vignes en échalas ont un aspect esthétique indéniable.
© Domaine Garon

On ne s’attend a priori pas à trouver des échalas en Provence, en Corse ou encore en Val de Loire. Et pourtant. De plus en plus de domaines expérimentent ce mode de conduite. Pour la plupart, il s’agit de trouver une parade au réchauffement climatique. C’est le cas au château de la Martinette, à Lorgues dans le Var, qui a planté 27 ares de clairette en échalas en 2018, sur le haut d’une petite colline. « Il s’agit d’un essai, dévoile Guillaume Harant, gérant du domaine. Je voulais voir l’impact du non-rognage sur la contrainte hydrique ; le comportement de la vigne dans ces conditions. Comme on ne coupe pas l’apex, on peut penser que la croissance racinaire se poursuit. La parcelle étant en pente, j'ai opté pour l'échalas. »

Un mode de conduite très intéressant en cas de forte chaleur

Après deux millésimes vendangés, Guillaume Harant estime que la vigne stresse moins vite en condition de sécheresse. « C’est mon ressenti et celui de l’équipe », rapporte-t-il. De même, il juge que les raisins sont plus équilibrés. Un retour qui va dans le même sens que celui d’Éloïse Bianchetti, au Clos Capitoro, à Porticcio en Corse-du-Sud. Ce domaine dispose d’un hectare de vermentinu mené en échalas. Plantée en 1987, cette vieille parcelle de plaine qui était autrefois en double cordon de Royat palissé est à présent en gobelet. « C’est très intéressant en cas de forte chaleur, note la gérante du domaine. Le feuillage est maintenu sur le piquet, ce qui ombrage bien les grappes. » Elle observe également des feuilles aux teintes plus vives, plus vertes et qui se dessèchent moins vite. Comme au château de la Martinette, cette parcelle est non-rognée.

 
Du côté du Castellet dans le Var, 3 à 4 hectares du château Romassan sont couverts d’échalas. Et le chef de culture, Philippe Thénot-Serrière, envisage de monter jusqu’à 15 hectares sur les 74 que compte le domaine. Pour lui aussi, il s’agit de trouver une solution pour résister au changement climatique, « le gobelet étant une taille plus résistante au stress hydrique que le cordon de Royat ». Et afin de pouvoir mécaniser un minimum ces parcelles, l’échalas s’impose. Mais ce n’est pour lui pas le seul attrait des échalas. Ce mode de conduite permet d’optimiser la plantation de terroirs rouges difficiles et de limiter les pertes de surface pour cause de murs, etc. Il atteint ainsi 5 500 pieds par hectare avec un écartement interrang de 2 mètres, ce qui lui permet de ne pas trop pousser la vigne en termes de rendement par pied.

 

Une bonne aération des ceps pour une meilleure qualité sanitaire

Un autre atout des échalas pointé par les vignerons est la bonne aération du cep, « qui limite l’installation des champignons » poursuit Éloïse Bianchetti. « Cela nous permet de moins traiter », confirme Kévin Garon, du domaine Garon à Ampuis, dans le Rhône. Sur les 13 hectares de la propriété, 10 -essentiellement de syrah- sont conduits en échalas pour des questions de pente et de tradition. « C’est un cépage très poussant qui a de grosses hauteurs de feuillage, rappelle-t-il. La conduite en échalas optimise la surface foliaire ; il n’y a aucun entassement de végétation alors même qu’on ne cisaille pas toujours et qu’on n’effeuille pas. »

Même écho dans le Maine-et-Loire, chez Jean-François Vaillant, au domaine Les Grandes Vignes, où 4 hectares assez plats sur 56 sont conduits de la sorte, afin de pouvoir travailler au cheval. « L’échalas favorise une meilleure aération du pied, et une bonne répartition de la végétation et des raisins autour de l’échalas », relève le vigneron, qui pratique lui aussi le non-rognage. Il constate par ailleurs que les grappes de ces vignes sont plus formées et plus aérées, « mais cela provient peut-être du fait que nous menons les ceps très proches du sol », nuance-t-il. De même, comme ses confrères des autres régions, il relève que les vignes sur échalas résistent mieux au changement climatique : elles ont moins de brûlures, d’échaudage, dus à la canicule que celles des parcelles palissées.

Un relevage long et en deux à trois fois

En revanche, ce mode de conduite implique un relevage manuel deux à trois fois par saison. Une opération chronophage, onéreuse, et donc compliquée à l’heure où trouver des saisonniers se fait chaque année plus ardu. Le domaine Garon fait appel à 12 à 15 employés pour cette tâche. Ils remontent les rameaux et les lient à raison d’environ 5 000 mètres par jour. À titre de comparaison, sur ses vignes palissées, le relevage de la même distance n’occupe que deux salariés. Au domaine Les Grandes Vignes, le relevage nécessite environ un quart de temps en plus que sur les vignes palissées.

 

 
Le château Romassan est équipé d'échalas munis de « guides », simplifiant le relevage.
Le château Romassan est équipé d'échalas munis de « guides », simplifiant le relevage. © Vignetinox
Pour simplifier cette opération, Philippe Thénot-Serrière a donc développé, en partenariat avec Vignetinox, un système de guides installés sur les piquets (voir encadré). « Ainsi, au lieu d’avoir à relever les rameaux, à mettre et à nouer des liens de raphia, il suffit de passer chaque brin dans l’une des gorges du cercle, c’est beaucoup plus rapide », indique-t-il. Il suppute qu’ainsi, la conduite de vignes en échalas ne lui coûtera pas plus cher que celle en palissé. Et ce d’autant plus que l’échalas permet de gagner du temps à la taille puisqu’il supprime le dépalissage.

 

Des coûts de production variables selon la pente et la mécanisation

Sans cela, et dans les parcelles très pentues, Kévin Garon calcule que les coûts dans les échalas sont trois à quatre fois supérieurs à ceux d’une vigne palissée. Un surcoût également constaté au château de la Martinette, notamment lors de la plantation. « J’ai eu besoin de deux salariés, durant deux semaines, juste pour planter les piquets », témoigne Guillaume Harant. Il faut dire qu’ils sont installés en tipi deux par deux, ce qui implique de les disposer manuellement. « Nous avons essayé à la minipelle, mais le bois étant assez fin, cela cassait », regrette-t-il. Sans compter que le tarif des piquets échalas est bien supérieur à celui des piquets normaux. Jean-François Vaillant confirme que l’installation des échalas nécessite davantage de main-d’œuvre ; « c’est plus laborieux », déplore-t-il.

À condition de pouvoir valoriser le vin derrière, l’échalas permet donc de bénéficier des avantages du gobelet – meilleure résistance à la sécheresse, taille moins mutilante et donc meilleure longévité des ceps, optimisation de la surface à planter – sans ses inconvénients. À l’aune du changement climatique, ce mode de conduite semble avoir de beaux jours devant lui…

Un atout esthétique à ne pas négliger

 

 
Les vignes en échalas, ici au domaine Les Grandes Vignes, ont un aspect esthétique indéniable.
Les vignes en échalas, ici au domaine Les Grandes Vignes, ont un aspect esthétique indéniable. © Domaine Les Grandes Vignes
Antoine Sanzay, du domaine éponyme à Varrains, en Maine-et-Loire, est venu aux échalas pour des raisons esthétiques. « Je voulais conjuguer un visuel différent avec une optimisation de la surface », témoigne-t-il. Sa petite parcelle de 7 ares, plantée en quinconce et située en plein bourg, suscite depuis l’intérêt de tous. Cet aspect visuel revient d’ailleurs dans la bouche de tous les vignerons. « Très joli », « élégant », « beau », « noble », « tape à l’œil » ; tels sont les qualificatifs associés aux échalas. Un réel atout pour les régions touristiques. Mais pas uniquement. « Les salariés préfèrent travailler dans les échalas », argue Kévin Garon. Il est en effet plus agréable d’évoluer dans ces parcelles. « On circule comme on veut, c’est aéré », évoque Guillaume Harant. « C’est moins monotone, plus bucolique », énumère Kévin Garon. « On est plus proche des ceps », complète Jean-François Vaillant.

 

À quel piquet se vouer ?

Quel échalas privilégier ? Pour répondre à cette question, le domaine Garon a mené un essai avec trois types de piquets : du pin portugais, du teck provenant d’Amérique latine et de l’acacia européen. « Le pin étant rond, c’est assez pratique car les liens pour l’attachage ne cèdent pas, analyse Kévin Garon. En revanche il est traité en autoclave. Le teck n’est pas très écologique car il vient de loin, et il a une section carrée, qui cisaille les liens mis au relevage. L’acacia provient d’union européenne et est résistant. Seul bémol, sa section est, elle aussi, carrée. » Il est également possible d’opter pour des piquets métalliques. Au niveau de la hauteur, mieux vaut privilégier des piquets de 2,20 ou 2,50 m.

 
Les échalas peuvent être installés en tipi, comme ici au domaine Garon, à Ampuis.
Les échalas peuvent être installés en tipi, comme ici au domaine Garon, à Ampuis. © Domaine Garon

 

Les doubles cercles de relevage Vignetinox (le premier cercle enserre le piquet, le second entourre les sarments) sont disponibles pour différents diamètres et des sections rondes, carrées ou rectangulaires. « Mais cela s’adapte mieux sur des piquets industriels, prévient Philippe Zucchini, commercial France de la firme. Sinon, les sections ont des diamètres qui varient et il faut donc prendre plusieurs modèles. » Au château Romassan, chaque échalas est muni de deux cercles. Un en bas de 450 mm de diamètre extérieur, et un en haut de 550 mm. Cela permet un meilleur étalement de la végétation. Côté tarif, il faut prévoir environ 3,50 à 4 euros HT par double cercle.

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