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Des pistes émergent pour lutter contre la sécheresse en viticulture

De nombreux essais sont menés afin de trouver des solutions pour protéger les vignes de la sécheresse. Voici les principaux résultats.

Dans le Var comme dans le Vaucluse, des filets verticaux noirs d’environ un mètre de haut ont été disposés sur des parcelles de grenache, et laissés en place jusqu’à la récolte.
Dans le Var comme dans le Vaucluse, des filets verticaux noirs d’environ un mètre de haut ont été disposés sur des parcelles de grenache, et laissés en place jusqu’à la récolte.
© Chambre d'agriculture du Vaucluse

Filets d’ombrage, des résultats prometteurs

Dans le cadre d’un financement régional, les chambres d’agriculture du Var et du Vaucluse, en collaboration avec l’IFV, Inter Rhône et le Centre du rosé, mènent des travaux sur l’intérêt des filets d’ombrage, qui peuvent aussi faire office de filets antigrêle, pour lutter contre la sécheresse. Des filets verticaux noirs d’environ un mètre de haut ont ainsi été disposés sur des parcelles de grenache, et laissés en place jusqu’à la récolte. Le Var s’est penché sur l’influence des stades de déploiement des filets (trois modalités : une protection précoce en préfloraison, une installation intermédiaire à la nouaison, et une tardive à la véraison), tandis que le Vaucluse s’est attaché à moduler l’intensité d’ombrage (deux modalités : ombrage dit moyen avec 50 % d’ombrage et ombrage dit fort avec 70 % d’ombrage).

De manière globale, les essais montrent l’absence d’effet étuve sous filet. La température y est même 1 à 2 °C moindre. L’état sanitaire n’est aucunement impacté, les produits traversant parfaitement les filets. De leur côté, les rendements sous et hors filets ont été similaires sur toutes les parcelles et sur les trois années d’essai.

 

 
Des pistes émergent pour lutter contre la sécheresse en viticulture

Autre enseignement, la contrainte hydrique de la vigne sous filet est moindre. « On n’est pas du tout dans la même classe de stress, illustre Audrey Chaix-Bryan, conseillère spécialisée en viticulture de la chambre d’agriculture du Var. Les vignes sous filets sont en déficit hydrique léger tandis que le témoin est en léger à modéré. » Grâce à cela, une meilleure croissance végétative de la vigne est maintenue et l’arrêt de croissance des apex est plus tardif. Par ailleurs, un décalage de la véraison a été constaté, et la date de récolte a été repoussée, de 5 à 7 jours en moyenne. Et d’autant plus que l’ombrage était important : le recul de la récolte est monté à 11 jours dans la modalité ombrage fort.

 

Logiquement, les filets permettent également de diminuer les quantités d’eau à apporter via l’irrigation. Là aussi, le niveau d’ombrage a un impact non négligeable. « Pour un même niveau de contrainte hydrique, nous avons dû apporter 40 mm d’eau au témoin, 30 mm dans la modalité ombrage moyen et 10 mm dans la modalité ombrage fort », a résumé Jean-Christophe Payan, de l’IFV, lors de la treizième édition des entretiens vigne et vin du Languedoc Roussillon.

L’ombrage limite par ailleurs la photosynthèse et l’accumulation en sucre des raisins. Et la date de pose des filets n’a pas eu d’impact significatif sur cet aspect. « Il n’y a pas d’effet cumulatif du retard de chargement en sucre provoqué par les filets », traduit Audrey Chaix-Bryan.

Au final, les vins rouges sous ombrage (que ce soit avec ombrage modéré ou fort) se sont avérés moins acides et moins colorés que les témoins, avec un retard d’accumulation des IPT et de l’intensité colorante. Les rosés étaient dans la même gamme de couleur que les témoins, mais avec légèrement moins d’acidité également. Ce qui fait dire à Jean-Christophe Payan que « les filets d’ombrage ne correspondent peut-être pas à tous les types de cépages ».

L’agrivoltaïsme globalement positif

Dans les Pyrénées-Orientales, les expérimentations en cours portent plutôt sur l’installation de panneaux photovoltaïques dans les vignes. Le domaine de Nidolères, à Tresserre, en est en effet équipé depuis 2018, date de plantation de la vigne. Avec plutôt de bons résultats. « Nous avons constaté une légère diminution des amplitudes thermiques sous les panneaux, indique Julien Thiery, chef du service viticulture à la chambre d’agriculture du département. L’été, il y a 4 °C de moins que sur la vigne adjacente ; l’hiver 2 °C de plus. La maturité est quant à elle retardée de 7 à 10 jours. »

L’entreprise Sun’Agri, qui commercialise ces solutions, a également implanté des panneaux sur le domaine expérimental de Piolenc de la chambre d’agriculture du Vaucluse. Elle confirme cette diminution de l’amplitude thermique. « Grâce à l’ombrage permis par la rotation des panneaux, la température est au maximum 5 °C moindre dessous », confirme Charlotte Jouve, responsable marketing et partenariats de la firme. Ce qui a un impact direct sur la croissance végétative de la vigne. « Nous avons constaté que l’arrêt de croissance survient 14 jours plus tard que sur le témoin non couvert », poursuit la responsable marketing. Autre atout, l’évapotranspiration peut être jusqu’à 40 % inférieure sous panneaux. C’est du moins ce qui a été constaté à Tresserre. « En moyenne, cela a permis une économie d’environ 20 % d’eau à l’irrigation », constate Charlotte Jouve.

Si le concept est plutôt positif, des doutes subsistent néanmoins sur les niveaux de rendement sur certains cépages. « Sur Piolenc en 2020, les rendements ont été similaires au témoin, détaille la responsable. En revanche, en 2021, année moins ensoleillée, les rendements ont été similaires et un peu moins bons. À Tresserre, le rendement a été stable sur grenache blanc et chardonnay. En revanche, il a décroché sur marselan, suite à un biais de mesure. » Au niveau qualitatif, le vin de la modalité photovoltaïque possédait 1 % vol. de moins que le témoin pour une même date de vendange, 10 % d’acidité en plus « et une meilleure qualité phénolique, souligne Charlotte Jouve. Aucune différence n’a en revanche été perçue sur les chardonnays. »

La brumisation, moins intéressante que l’irrigation

La chambre d’agriculture du Vaucluse s’est également penchée sur la technique de la brumisation, employée avec succès en Australie. Elle consiste à introduire un brumisateur, du même genre que ceux disposés sur les terrasses des cafés, au cœur de la végétation. L’eau injectée dans cet appareil sort et touche les feuilles. Ce faisant, elle rafraîchit la plante et influe sur le microclimat. Puis l’eau ruisselle au sol, où elle joue le même rôle que l’irrigation. « Théoriquement, la vigne est à son optimum végétatif entre 28 et 32 °C, indique Silvère Deveze, conseiller viticole à la chambre d’agriculture du Vaucluse. Nous voulions donc retarder le moment de ce pic pour gagner une ou deux heures par jour de bon fonctionnement pour la vigne. » Mais au final, l’essai s’est avéré décevant.

« Nous avons pas mal de mistral ici, regrette le conseiller. Cela crée une certaine dérive et des pertes en eau. Au final, les rendements, les raisins et les vins étaient similaires à la modalité irriguée avec la même quantité d’eau. Nous n’avons pas eu de plus-value de l’aspect rafraîchissement même si nous avons pu le constater via des sondes. » La technique étant plus complexe à installer qu’un goutte-à-goutte, la chambre a même cessé ses essais. « C’est une piste qui fonctionne bien en Australie. Mais ici, la problématique de la ressource en eau est très importante, rappelle Silvère Deveze. Le but n’est pas de devoir apporter davantage d’eau au vignoble. Et à quantité identique, il n’y a aucun intérêt. »

Matériel végétal, jouer sur les différences entre cépages

Selon Jean-Christophe Payan, les porte-greffes n’ont pas un comportement significativement différent vis-à-vis de la sécheresse. « Il est plus important de bien préparer son sol avant la plantation, relève-t-il. On peut par exemple sous-soler afin d’améliorer la réserve utile. Améliorer son taux de matière organique et sa CEC jouent également un rôle non négligeable. »

En revanche, il est bel et bien possible de jouer sur le cépage. Le Groupe ICV a ainsi suivi le comportement vis-à-vis de la sécheresse d’une dizaine de variétés étrangères inscrites au Catalogue français. Il en ressort que le calabrese est peu sensible, de même que le xarello. Saperavi, primitivo, parellada, et alvarinho sont pour leur part moyennement sensibles. À l’inverse, le touriga nacional est très sensible à la sécheresse, tout comme l’assyrtiko qui se situe dans la catégorie « contrainte moyenne à élevée ». Bien réfléchir son encépagement est donc une réelle voie de résistance au stress hydrique.

La variation de la hauteur de feuillage insuffisante

En condition de contrainte hydrique sévère, la hauteur de feuillage n’a pas d’impact significatif, regrette Jean-Christophe Payan. « Cela peut en revanche présenter un intérêt dans les vignobles soumis à un stress hydrique plus modéré », note-t-il.

Densité et taille à creuser

La chambre d’agriculture du Vaucluse vient de mettre en place un nouvel essai portant sur les densités de plantation. « L’objectif est de comparer le stress hydrique de trois modalités non irriguées : 2 200, 4 400 et 10 000 pieds par hectare », décrit Silvère Deveze. Des tests de taille tardive début mai sont également au programme, afin de décaler la maturité.

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