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Tunnels, panneaux... la couverture des vignes à l'essai

Quoique avec des objectifs distincts, deux fournisseurs expérimentent des équipements de couverture de la vigne. Le Viti-Tunnel vise à limiter le nombre de traitements et à protéger contre la grêle, voire contre le gel, tandis que Sun’R propose d’ombrager les vignes avec des panneaux photovoltaïques. Un véritable changement de paradigme dans les deux cas.

« Je suis distributeur de produits phytosanitaires, situe Patrick Delmarre, fondateur de l’entreprise Mo. Del, et en tant que tel, je me heurte à la pression sociétale que subissent mes clients. J’ai donc cherché une solution pour limiter les traitements. » Situé dans le Bordelais, cet entrepreneur s’est de prime abord intéressé au mildiou et au black-rot, puis à l’excoriose. Et dans un second temps, à l’oïdium.

Il s’est inspiré de la lutte contre la tavelure en arboriculture, où les agriculteurs instaurent une barrière physique. « De là est née l’idée d’une bâche isolant la vigne de l’eau, pour éviter le développement du mildiou », poursuit l’entrepreneur. Car en couvrant la vigne avant la pluie, le champignon manquera d’eau pour se développer. Ni une, ni deux, l’entrepreneur teste son idée dans son jardin, avec succès. « Avec un bénéfice collatéral : ces bâches imperméables, en plastique transparent, abritent de la grêle et des gelées blanches », pointe Patrick Delmarre. Elles pourraient même protéger du gel jusqu’à - 4/- 6 °C, voire plus, si l’on ajoute des résistances chauffantes, ou autre, au dispositif. Fort de ses bons résultats, le distributeur dépose un brevet, puis part à la pêche aux subventions, qu’il décroche…

Des bâches escamotables rangées dans les piquets

Retenu par FranceAgriMer dans le cadre des projets d’avenir, et par la Nouvelle Aquitaine, il vient de passer à la réalisation d’un prototype de Viti-Tunnel, en collaboration avec l’entreprise CITF, déjà conceptrice de la machine de tri Alien présentée dans nos colonnes le mois dernier. L’idée est d’installer, en guise de piquets de rang, des piquets contenant une partie escamotable composée de bâches pouvant se déployer au-dessus des vignes grâce à une motorisation en fin de rang (une pour dix rangs environ). Le mécanisme serait relié à des capteurs d’humectation ou à des radars, chargés de détecter l’arrivée des pluies et de déclencher l’ouverture puis la fermeture des bâches.

« Mais la mise à l’abri durant les pluies sera insuffisante pour contrer l’oïdium, indique Patrick Delmarre. Je compte donc installer sur chaque piquet une bonbonne de soufre fleur sous pression, que l’on pourrait déclencher par smartphone une ou deux fois par semaine. »

Un objectif de commercialisation d’ici 2020

Le prototype devrait voir le jour d’ici la fin 2017, pour une installation dans une dizaine de domaines pilotes ce printemps. L’IFV, associé au projet, réalisera un suivi technique durant deux ans, qui ira jusqu’à la réalisation de microcuvées, dans l’optique d’obtenir le feu vert de l’Inao pour de telles installations. « J’ai calculé qu’au grand maximum, à Bordeaux, on laisserait les bâches ouvertes l’équivalent de treize jours, avance Patrick Delmarre. Pas de quoi modifier le microclimat. » Une assertion qui devra néanmoins être prouvée. Il espère démarrer la commercialisation du Viti-Tunnel d’ici trois ans, pour un coût qu’il envisage inférieur à 50 000 euros à l’hectare. Mais cet investissement devrait a priori être vite rentabilisé, entre l’absence de traitements (économies de produits phytosanitaires, de main-d’œuvre et de gazole) et la protection contre les aléas climatiques.

30 % d’eau en moins avec des panneaux photovoltaïques

De son côté, Sun’R, fournisseur de solutions photovoltaïques, développe un concept encore plus novateur dénommé « l’agrivoltaïsme dynamique ». Derrière ce nom pour le moins sibyllin se cache en fait un outil d’optimisation de l’agriculture. « Cela peut consister à améliorer l’homogénéité des grappes, limiter l’évapotranspiration, mieux contrôler la maturité, le degré alcoolique, ou autre, introduit Pierre Guerrier, directeur du développement de l’entreprise. Le but est de traiter une ou deux des contraintes majeures du vigneron. » Pour ce faire, la firme a travaillé en collaboration avec plusieurs instituts de recherche, à l’instar de l’Inra et de l’Irstea. Ce dernier héberge un dispositif expérimental qui a permis de tester la capacité de la plante à s’adapter sous ombrage intermittent, tandis que Sun’R développait les modèles de croissance et mettait au point les algorithmes de pilotage. « Nous avons ainsi constaté que si les panneaux sont disposés en pleine densité (équivalent serre photovoltaïque), le rendement des cultures chute de 40 %, révèle Pierre Guerrier. Elles reçoivent 60 % d’irradiations en moins. En revanche, lorsqu’ils sont installés en moindre densité, les rendements sont à peu près maintenus, mais avec une réduction de la consommation en eau pouvant atteindre 30 %. Et nous sommes sûrs qu’avec un pilotage adéquat, les performances peuvent être encore meilleures. »

Une solution qui permettrait de lutter contre le stress hydrique dans les zones du sud, tout en maintenant l’équilibre entre le degré alcoolique et la complexité aromatique.

Un investisseur paie le dispositif et valorise l’énergie

Sun’R va installer ses premiers panneaux sur vigne, pilotés individuellement par informatique, sur le domaine de Nidolères dans les Pyrénées-Orientales (voir encadré) cet hiver. Un site de démonstration qui fera l’objet d’un suivi agronomique durant au minimum cinq ans. Avec l’idée que si les résultats sont positifs, l’entreprise puisse présenter un dossier à l’Inao. Car pour le moment, de telles installations ne sont pas autorisées en zones d’appellation, en coteaux, etc.

À l’avenir, on peut également imaginer que des filets anti-grêle soient installés sur les panneaux, et déployés automatiquement à la demande.

Au niveau du coût, le viticulteur n’a rien à sa charge. Un investisseur se charge d’acquérir le système, et de valoriser l’énergie derrière. Sun’R estime que deux hectares permettent de réaliser une installation de puissance avoisinant un MWc (soit plus d’un GWh en énergie). Une opération gagnant-gagnant…

« Pallier le manque d’acidité et éviter les brûlures »

« Je me suis intéressé à la problématique du réchauffement climatique, puis des panneaux photovoltaïques, il y a une douzaine d’années déjà, car l’été, nos vignes souffrent de la sécheresse et de brûlures côté soleil couchant. De plus, l’accumulation d’années de sécheresse grève le rendement. Le chemin a été long avant d’arriver à un accord avec Sun’R, l’Inra, la chambre d’agriculture et l’interprofession, mais c’est fait. Je vais installer des panneaux sur cinq hectares d’IGP, et conserver deux hectares en témoin. Les travaux ont débuté et la vigne (grenache blanc, chardonnay et marselan) sera plantée en février-mars. L’installation a été étudiée pour ne pas entraver le travail des vignes. Les panneaux font 4,50 mètres de haut ; la machine à vendanger passe dessous. Il y aura une rangée de panneaux tous les trois rangs de vigne.

Le but des panneaux est qu’ils travaillent pour la vigne pendant l’époque végétative, c’est-à-dire de mai aux vendanges, afin que la maturité se fasse de manière plus lente. Car sur les blancs, nous avons un manque d’acidité dû à une maturation trop rapide. Le but est donc de pallier cette situation en apportant l’ombre nécessaire, lorsque la vigne en a besoin, mais en laissant le soleil aux moments clés comme la floraison. Ensuite, les panneaux seront dirigés pour optimiser la production d’électricité en post-vendange. Ce projet sera aussi un exemple pour démontrer que l’on peut enfin concilier la production agricole et industrielle. »

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