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De nombreux éleveurs belges contraints de vendre leur atelier

Les aides des pouvoirs publics, aussi basses soient-elles, tardent à parvenir aux éleveurs alors contraints de vendre. Car pour le secteur porcin belge, l’année 2015 aura été la plus exécrable depuis plus de vingt ans.

L’investissement dans la mise en groupe des truies a aggravé la situation des producteurs belges qui, dans le même temps, ont souvent combiné cet investissement avec une extension de leur cheptel truies (après achat des droits d’émission d’effluents). Or ce sont précisément ces fermes-là, souvent exploitées par de jeunes éleveurs (trentenaires et quadragénaires) qui ont sombré dans les problèmes en 2015. On ne connaît pas (encore) les chiffres officiels, mais des noms circulent. Des exploitations ont été mises en vente ou ont été rachetées, le plus souvent en toute discrétion, par le fournisseur d’aliments – on appelle cela pudiquement l’intégration – qui maintient l’éleveur en place pour le faire travailler sous contrat. Une autre solution est de se résoudre à hypothéquer les terres de l’exploitation.

Les producteurs ne peuvent guère compter sur l’aide des pouvoirs publics les mesures d’aide ne parvenant que difficilement à l’exploitant.

Aide européenne de 8 euros par truie

Lors du conseil européen de l’Agriculture du 7 septembre 2015, un budget de crise avait été décidé pour venir en aide au secteur de l’élevage. Sur un montant global de 420 millions d’euros, la Belgique avait obtenu une enveloppe de 13 millions d’euros, dont 8,235 millions destinés à la Flandre. En concertation avec les organisations agricoles, la décision fut prise de consacrer 3,8 millions d’euros à la filière porcine. L’association Vlaamse Piétrainfokkerij (VPF, Élevage Piétrain flamand) obtint une aide de 500 000 euros pour soutenir plus particulièrement les activités de sélection. Les 3,3 millions d’euros restants furent répartis par exploitation, sous la forme d’une aide par truie. En moyenne, cela représentait un montant de 1600 euros par exploitation porcine, ce qui équivaut à environ 8 euros par truie. Cette aide a été versée aux bénéficiaires.

L’aide " concertation chaîne " tarde à se concrétiser

À la fin du mois d’août 2015, les différents partenaires de la "chaîne concertation" de l’agroalimentaire – un organe de concertation qui regroupe l’ensemble des acteurs de la chaîne agroalimentaire, des agriculteurs jusqu’à la grande distribution – étaient arrivés à un accord destiné à atténuer la crise dans les secteurs porcin et laitier. L’élément essentiel de cette convention concernait la mise en place d’un mécanisme de stabilisation visant à atténuer la volatilité du revenu dans les deux secteurs concernés.

Ce mécanisme prévoyait une aide pour les élevages sous la forme d’un montant forfaitaire par truie. Initialement, ce groupe de concertation s’était engagé à prévoir un montant de 30 millions d’euros pour cette mesure spécifique. D’après les calculs effectués en août 2015, ce soutien aurait dû s’élever à environ 65 euros par truie.

Malheureusement, les discussions sur les modalités précises de cette disposition allaient traîner en longueur. Ce n’est qu’à la mi-décembre de l’année dernière qu’un accord définitif fut conclu, après que les organisations agricoles eurent brandi la menace de publier sur leur site internet les noms des abattoirs, transformateurs et distributeurs récalcitrants. Finalement, les partenaires de la filière ne s’engagèrent que sur un montant de 15 millions d’euros, soit la moitié du montant prévu initialement. La perception de ce montant doit se faire sur base de 15 centimes par kilo de viande de porc fraîche commercialisée sur une période de douze mois au maximum.

Mais il fallait encore attendre le feu vert de l’autorité de la concurrence qui donna son accord en février 2016. Au moment d’écrire ces lignes (mi-mars 2016), les détenteurs de truies attendaient toujours le paiement de cette aide.

Par ailleurs, aux yeux des éleveurs, cette aide tient de l’aumône et elle arrivera trop tard pour certaines exploitations. Au cours des mois écoulés, en effet, ont circulé les noms de producteurs – principalement des naisseurs – qui envisagent de jeter l’éponge. Dans certains cas, ils y sont contraints et forcés après une faillite, dans d’autres, il s’agit de familles qui choisissent d’abandonner volontairement leur activité (lire le reportage).

Bert et Martine Van Den Branden-Wauman ont mis leur élevage en vente

Confrontés à l’absence de rentabilité de leur atelier de 300 truies dans les Flandres, et sans perspective d’amélioration à l’horizon, les éleveurs ont décidé d’arrêter la production et de tout vendre.

La ferme De Veldhoeve à Vrasene dans la province de Flandre Occidentale, propriété des époux Van Ben Branden-Wauman, est en vente depuis le début de l’année 2015.

Bert et Martine sont décidés à mettre fin à leur carrière d’éleveurs de porcs.

Bert a repris l’exploitation parentale en 1995. « C’était pendant les années fastes », se souvient-il en esquissant un sourire. « On ne parlait ni de Banque du lisier, ni de Rendac (taxe d’équarrissage), à peine de la consommation de médicaments vétérinaires et surtout, l’activité était rémunératrice. » Bref, Bert et Martine surfaient sur la vague de ces années, après les péripéties de la peste porcine qui avait sévi dans nos régions en 1990. L’exploitation allait s’étendre à 300 truies et 1 400 porcs charcutiers.

Vint alors la période des années moins bonnes, voire franchement médiocres.

« À vrai dire, après avoir investi dans nos nouveaux bâtiments, nous avons commencé à traîner le boulet de ces coûts, même si nous obtenions des performances très correctes », concède Bert avec un profond soupir.

Plus aucune satisfaction

« Nous avions régulièrement la visite de notre banquier. Puis un jour, notre comptable nous a dit, droit dans les yeux, qu’il fallait réfléchir à la poursuite ou non de nos activités. »

Il y a trois ans, les époux s’adressèrent à Boeren op een Kruispunt (Agriculteurs à la croisée des chemins) une association, financée par les pouvoirs publics et les syndicats agricoles, dont la mission est d’accompagner les agriculteurs en difficulté. « Cette démarche s’est révélée vaine, si ce n’est que nous avions bel et bien pris conscience d’être au pied du mur, mais Bert n’était pas encore prêt à l’accepter », concède Martine. Et son mari de confirmer : « C’est vrai, mais il s’agissait de la ferme que j’avais reprise de mes parents et je me suis laissé guider par mes émotions à l’époque. Si nous avions décidé il y a trois ans d’arrêter les frais, nous aurions pu nous épargner deux années de galère. Nos enfants nous ont clairement fait comprendre qu’ils ne souhaitaient pas prendre le relais. » Cet élément a été décisif pour la suite.

Début 2015, la ferme est mise en vente. Elle était initialement proposée en bloc, y compris le cheptel de truies et les droits d’émission d’effluents (NER). Outre deux engraissements datant des années 80, l’ensemble comprend également un atelier de pré-engraissement bien entretenu (construit en 1996), un atelier d’engraissement (1998), un remarquable atelier pour truies (2006), ainsi qu’une belle habitation et 3 hectares attenants. S’y ajoutent 40 000 NER. « Nous avons fait estimer le prix de vente par deux experts différents. Mais, hormis quelques curieux, il n’y avait guère d’intérêt pour l’ensemble », ajoute Bert.

Il fallait donc changer son fusil d’épaule. Les éleveurs décidèrent l’arrêt des inséminations pour pouvoir proposer l’exploitation sans animaux. « Nous avons également retiré les NER du lot, réduit la superficie à 1,5 ha et donc adapté le prix de vente en conséquence. » Ce changement de stratégie semble payant. Le couple a quelques très bons contacts et espère donc pouvoir conclure rapidement et tout régler avec la banque. « Une fois que cela sera terminé, nous nous installerons dans une maison libre d’occupation près d’ici. Ce sera un nouveau début », conclut Martine qui, comme son époux, vient de trouver un emploi de salariée. « En tant que producteurs de porcs, nous avons connu de bons moments dont nous voulons garder le souvenir. Ce dont nous sommes fiers, c’est d’avoir pu combiner le travail dans la ferme avec l’éducation de nos enfants. Nous n’avons rien à nous reprocher. »

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