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Dans le Larzac
Le pâturage en forêt, une pratique à encourager

Après des années d’expériences et de recherches fructueuses, les spécialistes du sylvopastoralisme se demandent comment convaincre les éleveurs d’adopter cette pratique.

Sur le Larzac, les pelouses
sèches cèdent d’année en année
du terrain au profit du buis, du
pin sylvestre et du chêne blanc.
La disparition de ces pelouses
aurait un impact considérable
sur la biodiversité.
Sur le Larzac, les pelouses
sèches cèdent d’année en année
du terrain au profit du buis, du
pin sylvestre et du chêne blanc.
La disparition de ces pelouses
aurait un impact considérable
sur la biodiversité.
© BG

Le Larzac ne sera-t-il un jour plus qu’un vaste plateau boisé ? Difficile d’imaginer pareille hypothèse quand, après avoir franchi le viaduc de Millau, on file sur l’autoroute direction la Méditerranée. Pourtant, à y regarder de plus près, le paysage a beaucoup changé en quelques décennies. Le pin gagne sur les anciennes landes et le buis, véritable plaie, ne cesse d’étendre son emprise broussailleuse. Techniciens de l’élevage et de la forêt avaient choisi ce territoire emblématique en juin dernier pour venir parler sylvopastoralisme, à l’initiative de l’association Forêt méditerranéenne et de l’Association française de pastoralisme. Des échanges techniques qui ont vite débouché sur la question de l’avenir de ce mode d’exploitation à double fin – pâturage et production de bois – des surfaces boisés. De nombreux programmes de recherche, menés depuis une vingtaine d’années, ont permis d’en mesurer le bien-fondé et d’élaborer des références techniques et des méthodes pour concevoir les projets. L’heure était au bilan.

« Les héros sont fatigués, laissait tomber avec une pointe d’humour Gérard Guérin, spécialiste de sylvopastoralisme à l’Institut de l’élevage, au terme de la première journée de ce colloque. Nous avons fait des choses, mais elles restent ponctuelles. Il reste beaucoup à faire pour cristalliser les expériences et aller jusqu’au bout. » Bref, on sait que le sylvopastoralisme est profitable aussi bien aux éleveurs qui le pratiquent qu’au territoire ainsi entretenu,mais « on reste entre initiés, soulignait Myriam Berthomieu, de la chambre d’agriculture de l’Aveyron. Les agriculteurs sont à des années lumières d’imaginer qu’on peut valoriser ces milieux-là. » La faute à plusieurs décennies de développement agricole qui s’est davantage focalisé sur le raygrass et la luzerne que sur les feuillages et l’herbe des sousbois, ont pointé du doigt les participants. Des ressources fourragères pourtant appréciables à certains moments de l’année. Le gaec de la Nauq (Maryse, Francis et Mathieu Roux), qui recevait les participant du colloque, est la parfaite illustration de ces difficultés à mettre en place à grande échelle des pratiques vertueuses de sylvopastoralisme. Le gaec, situé sur la commune de la Couvertoirade, exploite 330 hectares dont 255 hectares de parcours (parmi lesquels 65 ha de bois de pin sylvestre et de chênes blancs). Des surfaces valorisées par un troupeau de 400 brebis laitières conduites enagriculture biologique. Une conduite plutôt intensive néanmoins – un tiers des besoins en foin est acheté – de par la nécessité de dégager trois revenus sans être obligé de « bouffer le voisin ». De plus, par rapport au système Roquefort, la lactation est décalée sur le printemps et l’été afin de satisfaire la demande de la filière biologique. Les brebis ont les plus forts besoins alimentaires quand elles sont à l’herbe. Ce qui n’est pas vraiment en adéquation avec le pâturage dans les sous-bois où « il faut du temps pour remplir la panse », explique Gérard Guérin.

« FAIRE LE BOULOT »

 La volonté de Francis Roux de valoriser landes et forêts et surtout de « gérer le pin sylvestre pour limiter son extension » est pourtant bien réelle. Les parcours, exploités du 15 mai jusqu’en décembre, sont divisés en parcs de 15 à 35 hectares. Ils couvrent de 20 à 40 % des besoins alimen-la pression de pâturage n’est pas suffisante pour contenir le boisement. C’est là toute la différence entre « utiliser des parcours et faire le boulot », souligne Gérard Guérin. Le boulot? Décider et mettre en oeuvre des modalités de pâturage qui permettront d’obtenir l’impact voulu sur la végétation. Difficile à réaliser avec des brebis laitières. Et puis, il faut du temps, des clôtures… Lorsque les pins ou les buis ont gagné trop de terrain, la coupe d’éclaircie est indispensable pour remettre de la luminosité dans la forêt et relancer la production d’herbe et de feuillages ; elle fait partie intégrante des techniques de sylvopastoralisme. En 2003, Francis Roux a éclairci une parcelle boisée de 3 hectares ; le bois a été valorisé en planches pour la ferme.Mais, faute de l’avoir suffisamment faite pâturer, les ligneux sont en train de reconquérir le terrain. De plus, les massifs de buis ayant été broyés, ils sont repartis de plus belle. L’arrachage est une meilleure solution pour s’en débarrasser. Cette année, le gaec a éclairci une nouvelle parcelle pour exploiter du bois de charpente. Le gaec fabrique également des plaquettes pour alimenter la chaudière de la maison familiale (50 m3 MAP (mètres-cubes apparent de plaquettes par an).

 CRÉER DES FILIÈRES LOCALES

Mais, comme le faisait observer un des participants, ce sont des centaines de mètres cubes de bois qui se fabriquent tous les ans sur les terres du gaec. Comment les valoriser? Difficile à l’échelle de l’exploitation. Et, l’industrie ne sait pas bien utiliser ce bois. Seule une mise en valeur par le biais de filières locales (plaquettes, bois de charpente, planches…) peut lui donner un véritable intérêt économique. La Société civile des terres du Larzac (gestionnaire des terres initialement destinées à l’agrandissement du camp militaire) a lancé un projet de production de plaquettes forestières. « Il faut faire comprendre aux gens qu’ils ont un produit duquel ils peuvent vivre », appuie Myriam Berthomieu.

Gérard Guérin attire néanmoins l’attention sur la nécessité de ne pas se tromper sur les objectifs sylvopastoraux. Si la sylviculture (et la valeur des arbres) devient la porte d’entrée, « ce sera toujours le choix du meilleur qui prévaudra et le reste on l’abandonnera. Il faut prendre possession de ces espaces année après année, « Le maintien du pastoralisme est tout à fait nécessaire pour la sauvegarde de la biodiversité. Nous avons établi que 40 % des espèces sur liste rouge sont liées aux milieux qui ont été cultivés ou pâturés pendant très longtemps. Sur le causse, 80 à 90% des espèces patrimoniales sont liés aux milieux ouverts, que ce soient les oiseaux ou les plantes. La régression du pâturage et la fermeture des milieux qui en résulte font courir un risque tout à fait considérable de perte de ces espèces patrimoniales. » « Une nouvelle raison d’essayer : la biodiversité » Jacques Lepart, Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CNRS, Montpellier). B. GRIFFOUL AVIS D’EXPERT Francis Roux, éleveur : « Il est urgent de faire quelque chose pour limiter la progression du pin sylvestre. Nos parcours sont en train de se transformer en forêt. ». La scie mobile peut traiter des grumes, mesurant jusqu’à 10 mètres de long. Le calibrage des pièces est réglée de manière électronique. Un rouleau pré-écorceur permet d’éviter un écorçage préalable. tranquillement, en y mettant des animaux. Beaucoup de situations sont réversibles. Pensons à cela plus qu’à la plaquette, qui doit rester un sous-produit. » Bref, regarder l’herbe avant de regarder le houppier. Mais, encore faut-il des cheptels et des éleveurs prêts à s’y investir et à construire des systèmes fourragers intégrant les sousbois. Si au 19e siècle, les forestiers firent tout leur possible pour pousser les animaux hors de la forêt, aujourd’hui, l’enjeu est bien de les y faire revenir à grande échelle dans ces vastes espaces méditerranéens en déshérence. Est-il encore temps?

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